Maire-info
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Édition du vendredi 6 octobre 2023
Logement social

Crise du logement : le gouvernement et le monde HLM signent un accord d'engagement

Si les bailleurs sociaux ont accepté les propositions du gouvernement, ils estiment que d'autres avancées sont nécessaires. Sur le volet de la décentralisation de la politique du logement, les élus ont appelé à « la vigilance » pour ne pas récupérer une nouvelle « patate chaude ».

Par A.W.

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« Aujourd’hui, nous ne signons pas un pacte de confiance qui règle tous les sujets, mais des engagements pour la transition écologique et la production de logements sociaux. »  Si le monde HLM s’attendait clairement à mieux, la présidente de l’USH, Emmanuelle Cosse, s’est félicitée de cette première « étape »  franchie entre les bailleurs sociaux et le gouvernement, à l’occasion de la clôture de son congrès, hier, après trois jours de débats et de discussions en pleine crise du logement.

Outre les 1,2 milliard d’euros promis au parc social qui doivent permettre aux bailleurs de tenir le calendrier de rénovation des passoires thermiques - et déjà évoqués la veille par le ministre du Logement - , Patrice Vergriete a présenté toute une série de mesures pour sortir du marasme actuel. 

150 000 rénovations thermiques par an

Pour les bailleurs sociaux, le gouvernement a ainsi « pris la mesure des enjeux de rénovation énergétique »  avec ce soutien à la transition écologique qui représentera 400 millions d’euros par an sur trois ans. Un fonds qui a « vocation à soutenir un objectif d'environ 120 000 rénovations énergétiques par an dans le logement social et de monter progressivement à 150 000 »  en sachant qu’il y reste « 139 000 logements classés en G et 323 000 en F »  (et 800 000 classés E), a détaillé Patrice Vergriete. 

« Ce fonds doit permettre au parc social de conserver un temps d’avance sur le parc privé puisque moins de 10 % du parc locatif social est constitué de passoires thermiques F et G, contre presque 20 % pour le parc locatif privé », a expliqué l’ancien maire de Dunkerque, qui a également annoncé une bonification des prêts à la production de 8 milliards d’euros et le maintien d’un PTZ pour l’accession sociale.

Ce sont ainsi « 6 milliards de prêts pour le PLAI et 2 milliards pour le PLUS »  qui représenteraient « un équivalent subvention de 650 millions d’euros », selon la présidente de l’USH. Pour les ménages modestes, celle-ci a « salué »  le maintien du périmètre du prêt à taux zéro pour l’accession sociale à la propriété et la vente HLM. Une mesure « nécessaire pour entretenir l’espoir d’un parcours résidentiel pour des milliers de familles ». 

Déclinaisons territoriales

Reste que ces mesures ne suffiront, toutefois, pas à régler la crise qui touche le secteur depuis plusieurs années, Emmanuelle Cosse pointant « les menaces sérieuses qui pèsent sur le financement des aides à la pierre et la nécessité de sortir de la RLS », la réduction du loyer de solidarité.

« Nous avons besoin de retrouver de véritables marges de manœuvre financières. La suppression de la RLS, ce prélèvement injuste et pervers, est évidemment nécessaire [et] la TVA réduite à 5,5 % pour l’ensemble de la production HLM s’impose également », a-t-elle détaillé, en assurant avoir besoin de la puissance publique « pour ne pas laisser les maires seuls face aux pressions et aux difficultés »  et garantir « un équilibre entre les territoires. » 

L'USH aurait ainsi souhaité davantage d'engagements sur la durée de la part de l'exécutif, qui ne l'obligeraient pas à renégocier chaque année pour obtenir des choix budgétaires favorables.

Face aux « prêcheurs du renoncement », Patrice Vergriete a, quant à lui, affirmé que « nous ne devons pas choisir entre la rénovation énergétique et la construction. Nous ne pouvons pas arbitrer entre l’urgence environnementale et l’urgence sociale. La transition écologique n’est pas une option, le droit à un logement décent et abordable non plus » . « Ensemble, nous devons donc nous remobiliser pour tenir les deux ambitions et c’est le sens de [cet] accord », a vanté le ministre, qui a annoncé des déclinaisons « territoire par territoire »  de celui-ci.

Décentralisation : « Être très vigilant » 

Pour y parvenir, le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, avait défendu, lors de l’ouverture du congrès, la mise en place d’un « choc de décentralisation »  pour le premier semestre 2024. 

Un chantier qui prévoit de « transférer les droits, les devoirs et les financements »  en simplifiant notamment le statut d'autorité organisatrice de l'habitat (AOH), mais aussi en assurant « une vraie décentralisation des aides à la pierre »  et en redonnant du « pouvoir aux élus locaux dans les attributions de logements ». 

Mais cette voie tracée par le gouvernement, de manière superficielle, provoque déjà une certaine inquiétude. « Il y a une inquiétude sur le fait que ce soit finalement une décentralisation, non pas active, mais surtout une décentralisation pour passer la patate chaude aux collectivités, et notamment la patate chaude du financement et des aides à la pierre. Et c’est légitime d’être inquiet puisque, au-delà de 2024, on ne sait pas comment on va les financer », a souligné Marianne Louis, la directrice générale de l’USH, lors de la table ronde consacrée à la décentralisation, appelant le gouvernement à « lever les ambiguïtés ».

« Quand le gouvernement parle de décentralisation, cela sonne spontanément positivement aux oreilles des élus car ils se disent : "c’est la capacité que nous pouvons avoir d’adapter aux spécificités territoriales nos politiques publiques". Donc la stratégie de communication est bonne », expliquait, au cours de cette même table ronde, le maire de Chambéry Thierry Repentin, avant de mettre en garde et d’assurer qu’il « faut être très vigilant ».

Thierry Repentin, par ailleurs co-président du groupe de travail Logement de l’AMF, a ainsi plaidé pour « une décentralisation qui se traduise, par exemple, par la capacité d’encadrer les prix du foncier, de pouvoir discuter avec le représentant de l’Etat des zonages ou encore d’améliorer la taxation sur les logements vacants pour remettre dans le parc des logements inoccupés », tout en insistant sur le fait que « les maires de France veulent continuer à construire du logement sur leur territoire ».

Cependant, selon lui, « déresponsabiliser l’Etat et mettre les maires seuls face à la population, ce n’est pas acceptable. Il faut donc aller dans le détail de ce qui est proposé et ne pas signer un chèque en blanc. On a trop vu le désengagement de l’Etat pour se dire qu’aujourd’hui il n’y a pas derrière cette belle idée une façon de se désengager totalement ». 
 

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