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Édition du lundi 11 juillet 2022
Justice

Les États généraux de la justice ont rendu leur verdict : le système judiciaire français « souffre »

Le rapport des États généraux de la justice a été remis vendredi dernier au président de la République. Il confirme « l'état de délabrement avancé dans lequel l'institution judiciaire se trouve aujourd'hui. »

Par Lucile Bonnin

« L’institution judiciaire se porte mal. »  C’est à partir de ce constat que les États généraux de la justice (EGJ) ont construit leur rapport qui fait office d'état des lieux du système judiciaire en France. Ce rapport des États généraux de la justice a été remis vendredi dernier à Emmanuel Macron.

Pour rappel, le président de la République avait lui-même confié en octobre 2021 à Jean-Marc Sauvé, le vice-président honoraire du Conseil d'État, le pilotage de ce rapport. L’objectif : « dresser un état de la situation de la justice dans notre pays et de formuler des propositions concrètes pour mettre la justice au centre du débat démocratique. » 

Dans un communiqué, l’Élysée a indiqué qu'il avait été « demandé au garde des Sceaux d’engager dès le 18 juillet prochain une concertation avec l’ensemble des acteurs du monde judiciaire »  à partir des constatations et propositions formulées dans ce rapport de 250 pages auquel plus de 50 000 personnes, dont 12 000 magistrats et agents, ont participé, selon le ministère de la Justice.

Les attentes sont grandes autant du côté des professionnels de la justice, qui « font part de leur profond malaise » , que des citoyens qui n’accordent désormais à l’institution « qu’un crédit limité ». 

Une crise profonde de l’institution judiciaire 

Le constat est sans appel : les États généraux de la justice ont confirmé « l’état de délabrement avancé dans lequel l’institution judiciaire se trouve aujourd’hui. »  Les observations du comité des EGJ confirment que « la justice ne parvient plus à exercer ses missions dans des conditions satisfaisantes »  et que « un point de rupture semble avoir été atteint à l’occasion de la crise sanitaire. » 

Les conditions dans lesquelles s’exerce la justice sont notamment à la source de la crise. Délais de jugement qui s’allongent, parquets débordés, prisons surpeuplées : les justiciables sont dans « l’incompréhension »  et les professionnels dans « le découragement »  face à la détérioration de ce système. 

En cause : des moyens trop faibles alloués à la justice. Selon les auteurs du rapport, « les outils et les infrastructures informatiques sont insuffisants ou obsolètes, la collégialité recule, laissant craindre à terme que les décisions rendues soient de moindre qualité. » 

Les moyens de la justice sont « notoirement insuffisants »  selon le comité, et la mise en place de « politiques publiques défaillantes »  serait à l’origine du problème. D’abord parce que, malgré le grand nombre de réformes, le fonctionnement de la justice « a été insuffisamment pensé de façon systémique », c’est-à-dire que « trop souvent, les réformes ont été mises en œuvre comme autant de "rustines" visant à gérer des flux et à colmater des brèches dans un contexte de sous-dotation. »  

En plus de cela, le comité déplore le fait que « les missions de la justice, comme son rôle dans la société, se démultiplient. »  Résultat : « le juge co construit le droit »  et « sa place vis-à-vis des autres pouvoirs constitués paraît de moins en moins claire, ce qui contribue à fragiliser son intervention. » 

Réorganisation globale de l’institution 

Le comité plaide pour « une réforme systémique »  qui passerait d’abord par une clarification des missions du juge. Autre proposition particulière : faire que la première instance soit « le lieu où la justice est prioritairement rendue »  et « que l’appel cesse d’être l’instance où se rejuge la totalité du litige et devienne à terme une voie de réformation de la décision de première instance. »  De la clarification et davantage de fluidité : ce sont les grands besoins qui sont clairement identifiés tout au long de ce rapport. 

Le comité constate « un manque criant de moyens humains, matériels et budgétaires dans les juridictions »  et « une forte perte d’attractivité de beaucoup de métiers judiciaires » . Du côté des justiciables, les EDJ ont identifié « une insuffisante connaissance de l’institution par les citoyens »  et proposent donc « de développer l’éducation au droit dès le collège » , « de renforcer la politique d’accès au droit autour des conseils départementaux d’accès au droit »  et « de rénover le langage judiciaire pour améliorer la communication des juridictions. » 

Réorganisation territoriale 

L’une des grandes orientations du rapport consiste à soutenir l’idée d’une réorganisation de l’institution judiciaire aux niveaux national et territorial. Le comité suggère notamment une réorganisation qui s’appuierait sur « une déconcentration plus forte au profit notamment des chefs de cour implantés dans les grandes régions ». 

Autre point marquant du rapport, bien que « sensible »  selon les auteurs : la départementalisation de la justice. Le comité est favorable à une « gouvernance rénovée à l’échelle du département »  qui passerait par une réforme qui désignerait « dans les 48 départements comportant au moins deux TJ, l’un des présidents et l’un des procureurs de la République, chefs de file départementaux. Ils seraient, chacun dans leur périmètre respectif, chargés de représenter l’ensemble des juridictions du département auprès des administrations publiques et des partenaires et d’interagir avec eux. Ils se verraient également confier un rôle de coordination s’agissant de la définition des politiques juridictionnelles communes aux tribunaux du département. » 

Des propositions de réformes sectorielles 

Six réformes sectorielles ont été identifiées comme « indispensables »  à la suite de ces EGJ. La construction d’une « véritable politique publique de la justice civile »  et le renforcement de la première instance semble être une priorité avec la mise en place de mesures qui renforceraient à terme la collégialité. 

Deuxième priorité : réorganiser la justice économique via notamment la mise « en place à titre expérimental d'un tribunal des affaires économiques aux compétences élargies pour l’ensemble des acteurs économiques, quels que soient leurs statuts (professions libérales, agriculteurs…) »  ; et réorganiser la justice sociale en transformant les conseils des prud’hommes en tribunaux du travail. 

D’autres réformes apparaissent comme essentielles selon les auteurs du rapport comme la clarification « des rôles respectifs des juridictions des mineurs et des services départementaux en matière de protection des personnes »  ou encore la simplification du code de procédure pénale et la nécessité d’un approfondissement des études d’impact. 

Pour terminer, le rapport pointe que, « en matière pénitentiaire, des efforts doivent être engagés pour redonner un sens à la peine au service d’une réinsertion effective. »  Enfin, le comité formule dans ce rapport « des propositions en matière d’aide juridictionnelle consistant notamment, d’une part, à revaloriser certains actes et, d’autre part, à renforcer le rôle de filtre exercé par les bureaux d’aide juridictionnelle. » 

Télécharger le rapport dans son intégralité. 


 

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