Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du lundi 16 décembre 2019
Environnement

L'Assemblée nationale autorise les maires à interdire les panneaux publicitaires numériques

Dans le cadre de l’examen du projet de loi relatif à l’économie circulaire, qui va se poursuivre jusqu’à vendredi à l’Assemblée nationale, plusieurs amendements ont été adoptés qui concernent directement les collectivités ou les maires. Le plus notable d’entre eux est un amendement de Delphine Batho, qui permettrait aux maires d’interdire les panneaux publicitaires numériques sur une partie du territoire de sa commune. Cet amendement a été adopté contre l’avis du gouvernement.
Il s’agit d’un amendement de repli pris après le rejet de plusieurs autres amendements demandant, purement et simplement, l’interdiction des panneaux publicitaires numériques. Mathilde Panot (LFI, Val-de-Marne) a notamment défendu cette idée, pointant la consommation énergétique « incroyable »  de ces panneaux publicitaires dont l’utilisation explose littéralement dans les grandes villes (par exemple aux abords du périphérique parisien ou dans les gares). « Un seul de ces panneaux consomme autant que trois familles », a-t-elle rappelé. Cette « pollution lumineuse »  est par ailleurs « la deuxième cause de mortalité des insectes », et la présence de ces panneaux pose également, selon la députée, « un problème quant à la liberté de réception des messages diffusés : s’il est toujours possible de refermer un journal ou d’éteindre la télévision, ces écrans ne vous laissent pas le choix ». Barbara Pompili (LaREM, Somme), présidente de la commission du développement durable, a abondé dans le même sens, ajoutant un argument supplémentaire – celui de la sécurité routière : ces écrans « détournent l’attention des conducteurs et posent de graves problèmes de sécurité ». Delphine Batho enfin (non-inscrite, Deux-Sèvres), en a ajouté un de plus : la « santé publique » : « La transformation de nos villes en gigantesques panneaux publicitaires numériques non-stop pose un problème pour nos facultés cognitives et nos capacités d’attention et de concentration. » 
Cette avalanche d’arguments n’a fait fléchir ni la rapporteure du texte, Véronique Riotton (LaREM, Haute-Savoie) ni la secrétaire d’État Brune Poirson. Cette dernière a expliqué que quelle que soit la valeur des arguments portés par les auteurs des amendements, « une telle interdiction générale serait censurée par le Conseil constitutionnel ». « Interdire de façon absolue la publicité numérique irait en effet à l’encontre des principes de la liberté d’expression, de la liberté du commerce et de l’industrie et du bon exercice de l’activité des opérateurs économiques du secteur de la publicité extérieure. C’est ainsi que fonctionne notre droit. »  Ceci dit, la secrétaire d’État a rappelé que de nombreuses dispositions réglementaires existent pour limiter l’implantation de ces panneaux. « Le maire peut ainsi interdire les dispositifs numériques dans certaines zones et les autoriser dans d’autres, mais il ne peut interdire totalement la publicité numérique sur l’ensemble de sa commune, sauf cas très particulier qui se justifierait, sans enfreindre la liberté d’entreprise », a rappelé la secrétaire d’État. 

Amendement de repli
Delphine Batho a rejeté l’argument de l’inconstitutionnalité, jugé « parfaitement infondé » : « Il ne s’agit pas d’interdire une activité mais un support ». Michel-François Lambert (Liberté et territoires, Bouches-du-Rhône), a ironisé : « Il est bien difficile d’avancer dans ce projet de loi : entre le risque constitutionnel, l’Europe, l’OMC et la convention citoyenne, il y a toujours quelque chose qui nous empêche d’adopter des solutions que nous sommes nombreux à soutenir ! ». Il a jugé que l’argument constitutionnel pouvait être contourné « en renvoyant aux maires la responsabilité d’interdire ou non les panneaux lumineux en s’appuyant sur les spécificités de leur commune. » 
C’est la solution qui a été retenue par les députés, avec l’adoption, à défaut d’une interdiction générale, de l’amendement porté par Delphine Batho : « Le maire ou, à défaut, le représentant de l’État dans le département, sur demande ou après avis du conseil municipal, peut interdire par arrêté toute publicité numérique ou toute publicité lumineuse sur les voies ouvertes à la circulation publique, dans les gares, stations et arrêts destinés aux transports publics de personnes, qui se situent sur le territoire de sa commune. » 
On notera que cet amendement ne s’en tient pas seulement aux panneaux numériques mais également aux « publicités lumineuses ». Reste à savoir si cette disposition,au regard de sa fragilité juridique – éventuelle atteinte à la liberté du commerce, emprise des gares en agglomération – sera maintenue en l'état au fil de la navette parlementaire et validée, après coup, par le Conseil constitutionnel.
Il est à signaler aussi, alors que la discussion a démarré depuis une semaine, que le très attendu amendement gouvernemental sur la consigne n’est toujours pas déposé à ce jour. Le gouvernement fait actuellement circuler une version de cet amendement qui ferait, selon lui, l'objet d'un « consensus »  avec les associations d'élus. Celles-ci le contestent et, selon nos informations, devraient le faire savoir officiellement dès aujourd'hui. 

F.L.

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