Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du jeudi 9 novembre 2023
Aménagement numérique du territoire

Déploiement de la fibre optique : un nouvel accord pour relancer le mouvement dans les territoires

Nouvel accord entre Orange et l'État, nouveau site internet dédié à la fibre optique et à l'extinction du réseau cuivre (téléphonie et adsl), nouvelles perspectives de l'Arcep… Le TRIP d'automne de l'Avicca qui a eu lieu mardi et mercredi a été l'occasion de faire de nombreuses annonces.

Par Lucile Bonnin

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© X Jean-Noël Barrot

C’est devant « une assemblée impatiente », comme l’a indiqué mardi Patrick Chaize, président de l’Avicca et sénateur de l’Ain, que le ministre Jean-Noël Barrot a fait des annonces concernant les déploiements de la fibre alors que ces derniers « ont ralenti voire se sont arrêtés tout net depuis un an et demi » , comme l'a constaté le ministre. 

Déjà en septembre dernier, à l’occasion de la conférence annuelle de l’Arcep, le ministre avait annoncé être en pourparlers avec Orange. C’est finalement quelques semaines plus tard, et après « neuf mois de discussions et une négociation particulièrement serrée avec l’opérateur », qu'il a annoncé à l’occasion du congrès de l’Avicca l’aboutissement d’un accord entre l’État et l’opérateur historique. 

Un accord pour la complétude 

Le ralentissement des déploiements observé aussi bien par le ministre que par les élus « menace l’atteinte de l’objectif du plan France très haut débit [100 % fibre optique d’ici 2025] qui est fondamental pour notre pays ». Comme il l’avait expliqué lors de la conférence de l’Arcep, le gouvernement aurait pu « demander à l’Arcep d’ouvrir une procédure de sanction à l’encontre de l’opérateur Orange pour n’avoir pas respecté au 31 décembre 2022 les objectifs que l’opérateur s’était lui-même fixé »  et ainsi « engager une procédure de sanction ». Pour Jean-Noël Barrot, « une telle décision n’aurait que très partiellement résolu les problèmes ». 

Ainsi, c’est un autre chemin qui a été emprunté. Des discussions avec Orange ont été engagées et ont abouti tout récemment à un accord entre l’État et l’opérateur qui constitue, selon le ministre, « la pierre angulaire du droit au très haut débit pour tous ». 

Le ministre a expliqué qu’au « terme de cet accord, Orange prend un certain nombre d’engagements qui varient selon les zones et dont certains restent juridiquement opposables et sanctionnables financièrement au titre de l’article L33-13 du Code des postes et des communications électroniques ». 

« Pour la zone moyennement dense, la zone Amii, Orange s’engage à atteindre fin 2025 un taux de 98,5 % de raccordement inconditionnel. Orange s’engage en parallèle d’ici fin 2024 à rattraper le retard dans les 55 EPCI dans lesquels les taux de raccordements sont les plus en retrait et en particulier ceux dans lesquels les taux de raccordements sont inférieurs à 85 %. Enfin, pour la zone Amii, Orange ouvre un droit au raccordement (…) à la demande qui permettra à toute personne le souhaitant d’être raccordée à la fibre en moins de six mois et ce jusqu’à la fermeture du cuivre. Ces engagements restent sanctionnables avec un jalon en 2024 et un jalon fin 2025 » . Il est à noter que le raccordement à la demande n’avait jusqu’ici fait l’objet d’aucun engagement de la part des opérateurs, ce qui constitue donc une avancée majeure. 

Du côté de la zone très dense, qui souffre le plus du désintérêt des opérateurs selon l’Avicca, Orange s’engage à reprendre les déploiements et à atteindre un taux de 96 % fin 2025. « Nous partons d’un taux de 92 % » , précise le ministre qui indique que si Orange s’engage à prendre en charge la moitié du reste à faire, les autres opérateurs devront « participer à l’effort ». Des discussions sont en cours. Une expérimentation va également être menée par Orange dans ces zones très denses pour tester le raccordement à la demande « avant sa généralisation éventuelle ».  

Des engagements dans les territoires 

En plus de ces engagements structurants, Orange s’est engagé à maintenir les tarifs sociaux ainsi que la possibilité de n’avoir qu’un seul abonnement téléphonique. Il sera donc possible avec la fibre d'avoir uniquement un abonnement téléphonique.

Autre annonce : une solution mutualisée, faisant office de péréquation, va être mise en place par les opérateurs « pour le portage des investissements nécessaires aux raccordements complexes », « en particulier en zone rurale » . Concrètement, le gouvernement va « mettre en place une solution mutualisée de l’investissement en génie civil pour ces raccordements, grâce au soutien de la Caisse des dépôts. Cette dernière portera l’investissement et louera l’infrastructure aux opérateurs. » 

Cet accord a déjà été salué par plusieurs associations d’élus comme France urbaine, Intercommunalités de France et Les Interconnectés qui indiquent dans un communiqué commun que cette première série d’engagements était très attendue par les collectivités. La situation dans les grandes villes devrait évoluer notamment dans celles où le taux de raccordement est en deçà de 90 % comme à « Marseille, Nantes, Lille, Clermont-Ferrand ou encore Orléans », selon le ministre. 

Il faut cependant souligner que la problématique des raccordements complexes n’a pas été entièrement résolue, notamment lorsque des surcoûts interviennent et qu’ils sont demandés directement aux clients. Sur cette question qui reste en suspens, « les élus demandent que le surcoût des raccordements complexes à la fibre et des alternatives technologiques en attendant la fibre ne soient pas portés par les particuliers ou les entreprises ».

Bascule du cuivre vers la fibre 

En ce qui concerne « l’étape suivante », comme l’appelle le ministre du Numérique, beaucoup de travail reste à faire. Si les premières expérimentations du décommissionnement du cuivre se déroulent plutôt bien, selon les retours d’expériences exposés durant le TRIP de l’Avicca, un nouveau chantier a été identifié. Pour Christophe Coulon, président du syndicat mixte La Fibre Numérique 59/62, qui a pu observer la fermeture du cuivre via une expérimentation menée à Provin (59), « on arrive sur un immense chantier de mobilisation des élus locaux ». 

Ces propos rejoignent ceux du ministre, qui a également profité du TRIP de l’Avicca pour annoncer l’ouverture d’un site « pour informer et répondre à toutes les interrogations des différents publics concernés par la fermeture du réseau cuivre (particuliers, entreprises, administrations) : treshautdebit.gouv.fr. »  Selon le ministre, « il y a une nécessité de donner aux élus, qui seront en première ligne le jour où il faudra aller toquer aux portes des derniers récalcitrants, tous les outils nécessaires pour sensibiliser ». 

Également vice-président de la région des Hauts-de-France, Christophe Coulon a indirectement répondu au ministre : « Nous, les élus, allons nous y coller, et on le fera ! Mais je trouve que l’État doit passer à la vitesse supérieure pas seulement avec la mise en ligne d’un site internet. Il faut une communication massive pour que nous gérions en flux la transition de la fibre et que l’on ne se retrouve pas avec des entreprises et des collectivités paralysées. Il ne faut pas hésiter à mobiliser les associations d’élus comme l’AMF ou l’AMRF et ne pas se reposer uniquement sur les préfets. » 

Résilience des réseaux 

Ce rendez-vous post-tempêtes ont mis « en lumière le travail collectif à effectuer sur la résilience des réseaux », comme l’a indiqué la présidente de l’Arcep Laure de La Raudière le dernier jour du congrès de l’Avicca. Son président rappelait en ouverture que « ces événements nous rappellent combien les réseaux de communication sont indispensables et qu'il devient urgent de mettre en œuvre des solutions résilientes ».

L’Arcep a d’ailleurs annoncé officiellement « inclure ce thème dans les travaux relancés il y a un mois du comité pour les « réseaux du futur », en explorant le sujet de façon prospective, afin d’alimenter la réflexion des différents acteurs sur ce sujet ».

Enfin, comme l’heure était aux annonces, la présidente de l’Arcep s’est enfin exprimée sur la procédure qu’elle a entreprise contre Orange car le groupe n'a pas respecté ses engagements de déploiement pris en 2018 sur les zones les moins denses. La sanction est enfin tombée : 26 millions d’euros d’amende, un montant inédit. « Le montant de la sanction pécuniaire a été apprécié au regard du nombre de locaux à usage professionnel qui n'étaient ni raccordables sur demande à l'échéance de la mise en demeure » , a expliqué Laure de la Raudière. Orange aura donc goûté à deux méthodes : celle qui privilégie le dialogue pour préparer l’avenir et celle qui sanctionne pour réparer les manquements du passé. 
 

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