Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du lundi 6 janvier 2020
Culture

Non, le Conseil d'État n'a pas « annulé » la circulaire Collomb sur les frais de sécurité des festivals 

C’est, en quelque sorte, une double douche froide pour les organisateurs de festivals : non seulement le Conseil d’État a validé, le 31 décembre, l’essentiel de la « circulaire Collomb »  qui leur impose une hausse considérable de leurs frais de sécurité ; mais en plus, ils ont dû subir une fausse joie, à la suite d’informations inexactes qui ont circulé pendant un moment. 
Rappelons que cette circulaire (lire Maire info du 24 janvier 2019) oblige les organisateurs de festivals à rembourser les frais des prestations de service d’ordre effectuées par l’État (police nationale ou gendarmerie). Ce remboursement se fait sur une base de 20 euros de l’heure par agent – tarif qui peut être modulé à la hausse ou à la baisse en fonction de toute sorte de critères. Depuis la mise en œuvre de cette circulaire, certains festivals ont vu leur budget sécurité multiplié par dix – certains se voyant même obligés de mettre la clé sous la porte.
En 2018 et 2019, plusieurs structures dont l’Union française des métiers de l’événement (Unimev) et le Syndicat national ont attaqué cette circulaire devant le Conseil d’État, en demandant qu’elle soit annulée pour « excès de pouvoir ». 

Fausse joie
Le Conseil d’État a rendu son avis le 31 décembre et, dans un premier temps, beaucoup ont cru à une victoire. Plusieurs sites d’information ont en effet titré sur le fait que « le Conseil d’État annule une circulaire sur les frais de sécurité des évènements ». Une radio nationale a annoncé, le même jour, que « les organisateurs (de festivals) n’auront plus à payer les policiers et les gendarmes mobilisés ». Avec évidemment, dans la foulée, une pléiade de réactions enthousiastes sur les réseaux sociaux, y compris d’internautes bien informés : les sénateurs Martial Bourquin ou Françoise Laborde ont, par exemple, aussitôt salué sur twitter la « décision salutaire »  du Conseil d’État, la circulaire Collomb représentant pour eux « une épée de Damoclès ». 
Sauf qu’en réalité, le Conseil d’État n’a absolument pas annulé la circulaire et l’a au contraire presque entièrement validée, à l’exception de deux dispositions. 
Les magistrats ont jugé que le principe même du remboursement des frais de service d’ordre par les organisateurs est « légal »  et que le ministre de l’Intérieur, en prenant ces décisions, n’a « pas donné une interprétation inexacte (…) du Code de la sécurité intérieure ». De même, les magistrats n’ont pas touché au principe d’une convention signée entre les organisateurs et les services préfectoraux, convention dont le modèle a été défini par le ministère de l’Intérieur. Bref, l’essentiel de la circulaire Collomb a été validé. 
Seuls deux points – qui ne sont pas sans importance – ont été rejetés par les juges du Conseil d’État. Ils ont annulé l’obligation pour les organisateurs de verser un acompte de 60 à 80 % du montant total « au moment de la signature de la convention ». Le Conseil d’État a estimé que le ministre de l’Intérieur « a fixé une règle qu’il n’avait pas compétence à édicter ». Par ailleurs, le paragraphe de la circulaire qui prévoit que le paiement du solde « devra intervenir dans un délai maximum d’un mois après la fin de la manifestation »  a également été annulé, en ceci qu’il est contradictoire avec une autre disposition d’un décret du 5 mars 1997. 
Le Conseil d’État, en conclusion de sa décision, a classiquement écrit – et c’est peut-être de là que vient l’erreur d’interprétation qui a eu lieu dans un premier temps : « L’instruction du 15 mai 2018 est annulée » … mais en ajoutant aussitôt que c’est seulement « en ce qu’elle contient »  deux points litigieux, toutes les autres requêtes étant rejetées.
Conclusion : les organisateurs de festivals – y compris communes et intercommunalités – vont continuer à payer les frais de service d’ordre, quitte à voir l’organisation même des festivals mise en danger. Dans un communiqué, plusieurs structures professionnelles le déplorent : « La ligne de partage des frais de sûreté entre l’État et les organisateurs (…) n’est pas remise en cause. Cette instruction fragilise l’ensemble d’un écosystème artistique et culturel, et sa vitalité essentielle pour les territoires. » 

F.L.

Télécharger l’avis du Conseil d’État.

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