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Édition du mardi 30 mai 2023
Commerce

Le petit commerce français serait « en mutation » et pas en déclin, selon le Conseil d'analyse économique

Les bars et restaurants, tout comme les banlieues, ont connu un dynamisme ces dernières années, alors que le nombre de commerces est en net recul en zone rurale. Le CAE recommande donc une action publique « ciblée ».

Par A.W.

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Les petits commerces français ne seraient pas en déclin, mais plutôt « en mutation », selon le Conseil d'analyse économique (CAE) qui vient de publier une étude et une note sur le sujet, dans lesquelles il pointe « l’hétérogénéité des situations »  et les « grandes disparités régionales »  de ce secteur qui comptait 430 000 établissements et ses 2,5 millions d'emplois en 2019.

Les commerces de détail (hors grandes surfaces), de l’artisanat de bouche (boulangeries, charcuteries, etc.), des bars et des restaurants et des services aux ménages (coiffure, soins du corps, pressings, etc.) représentaient ainsi, à la veille de la crise sanitaire, « environ 12 % de l’emploi total »  et 6 % du PIB. 

Explosion des bars et restaurants

Si le nombre de petits commerces a continué de croître très faiblement entre 2013 et 2019 (+0,7 %), il le doit beaucoup au dynamisme des bars et des restaurants qui ont connu « une évolution spectaculaire »  qui a permis de « compenser le déclin des autres petits commerces », observent les auteurs de l’étude.

« On observe un important effet de structure avec, presque partout, une augmentation des bars et des restaurants (sauf en zone rurale), une forte baisse des commerces d’équipement à la personne (notamment habillement et chaussures) », qui a chuté de près de 10 % entre 2006 et 2021, au point que ce secteur est « le seul dans lequel le nombre d’établissements est aujourd’hui plus faible qu’en 2006 ». En parallèle, « une quasi-stagnation des autres commerces de biens et de services aux ménages »  a été constatée.

« Dans toutes les autres catégories le nombre de commerces a augmenté plus ou moins régulièrement sur la période, mais c’est bien l’explosion des bars et des restaurants qui constitue le fait majeur », insistent les deux économistes qui ont rédigé ce rapport.

Net recul dans les territoires ruraux

Outre ces différences sectorielles, la dynamique des petits commerces est également, sans surprise, « très hétérogène »  selon les zones géographiques. Ainsi, si depuis la fin des années 2000, le nombre de petits commerces ne diminue pas en France, il régresse sur certains territoires, notamment ruraux avec un « net recul », alors qu’il augmente en moyenne dans les banlieues.

« Il n’y a que dans les banlieues que le nombre de petits commerces continue à croître plus vite que la population. Ce n’est plus le cas dans les villes-centres et les villes isolées. Enfin, la décroissance de la densité commerciale s’accentue dans les zones rurales », résument les auteurs de l’étude.

Reste que l’évolution de la densité commerciale (nombre de commerces par habitant) par zone géographique et par secteur « diminue désormais dans tous les types de zone, y compris les banlieues », hors bars et restaurants. Et si « cela était déjà le cas sur la période 2008-2013 – sauf pour les banlieues – […] l’effet s’est nettement accentué sur la période la plus récente », celle allant de 2013 à 2019.

Le CAE constate également que les villes-centres deviennent « des zones de loisirs que l’on fréquente moins pour acheter des biens standardisés que pour sortir », l’attractivité des villes dépendant dorénavant de leur offre de services de loisirs.

S’agissant de la vacance commerciale, « l’hétérogénéité spatiale des situations est frappante », là aussi. « Si la hausse de la vacance commerciale semble généralisée, certaines situations locales sont préoccupantes et l’étaient déjà avant la pandémie », notamment dans les villes de moins de 40 000 habitants et les petits centres commerciaux (ceux avec moins de 30 emplacements).

Des mesures ciblées, « pilotées au niveau local » 

Et si, dans l’ensemble, « les petits commerces semblent avoir bien traversé les épisodes de restriction d’activité liés au Covid-19 », « cela ne veut pas dire qu’ils se portent bien ». D'autant qu'il est encore « trop tôt pour mesurer les mutations durables dans les habitudes de consommation liées au développement du télétravail ou pour juger des effets de la reprise de l’inflation ».

Reste que le CAE, organisme rattaché à Matignon chargé d'éclairer le gouvernement sur sa politique économique, ne semble pas inquiet, car « le petit commerce s’adapte aux changements subis dans son environnement concurrentiel », que ce soit face à la multiplication des grandes surfaces ou au développement du e-commerce, qui finalement pénalise plus la grande distribution et pourrait leur « bénéficier indirectement ». 

« À l’avenir, la désaffection pour les centres commerciaux, les hyper- et les supermarchés, la volonté de zéro artificialisation nette des sols, la transformation des centres-villes en lieux de loisirs et même la montée en puissance du e-commerce sont susceptibles de jouer en faveur des petits commerces. Si bien que l’on assiste davantage à une mutation du petit commerce qu’au déclin parfois annoncé », affirme ainsi le CAE.

Parmi ses recommandations pour lutter contre les « poches de difficultés qui persistent », celui-ci plaide pour des mesures « ciblées »  et « spécifiques », « pilotées au niveau local »  pour les villes isolées et zones rurales en difficulté « où la désertification commerciale peut créer des difficultés d’approvisionnement pour certaines populations, que le e-commerce n’est pas en mesure de résoudre ». 

Compte tenu de l’hétérogénéité spatiale des situations, « une politique de soutien du petit commerce doit être modulée et pilotée au niveau local, éventuellement avec un appui financier et technique des agences de l’État, plutôt qu’à l’échelon national », avancent les auteurs de l’étude, qui demandent également l’instauration d’une « collecte régulière de données géolocalisées liées au commerce »  ainsi qu’une évaluation des programmes « Action cœur de ville »  et « Petites Villes de demain »  avec « des méthodes scientifiques en complément des bilans existants ».

Ils réclament, par ailleurs, la mise en place d’un référent « dernier commerce »  dans les administrations locales (DDFiP ou préfectures) pour « faciliter le développement des régies municipales dans les communes rurales qui le souhaitent ».
 

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