Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mercredi 8 novembre 2023
Catastrophes

Classement en catastrophe naturelle après les tempêtes : un certain flou demeure

Alors que la situation est encore incertaine sur le plan des inondations dans le Pas-de-Calais, le gouvernement a annoncé hier que la commission chargée de prononcer l'état de catastrophe naturelle pour les événements climatiques de ces derniers jours se réunira dès le 14 novembre. Sans que l'on puisse être certain que les dossiers des communes seront jugés recevables.

Par Franck Lemarc

Après les tempêtes Ciaran et Domingos, ce sont les pluies continues qui tombent depuis plusieurs semaines sur le nord du pays qui ont fait déborder les cours d’eau dans le Pas-de-Calais. Si la vigilance rouge a été levée, hier, dans le département, les fleuves côtiers Liane et Aa sont toujours en crue. Les établissements scolaires ont été fermés hier dans 36 communes du département (ils doivent rouvrir aujourd’hui), les cars scolaires supprimés ainsi que certaines liaisons TER. 

Ce matin, seule la rivière Canche a été maintenue en vigilance orange (vigilance jaune par la Liane et l’Aa), et l’heure est pour l’instant à la décrue. La préfecture appelle néanmoins à la « vigilance », dans la mesure où de nouvelles pluies sont attendues aujourd’hui. Les ministres Gérald Darmanin (Intérieur) et Christophe Béchu (Transition écologique) se rendent ce matin dans le Boulonnais et l’Audomarois pour évaluer les dégâts et rencontrer les maires des communes sinistrées. 

Réponses incertaines

Hier, à l’Assemblée nationale, ce sont les conséquences des tempêtes Ciaran et Domingos qui ont fait l’objet de plusieurs questions au gouvernement. Les députés se sont en effet inquiétés sur la question du classement des communes touchées par ces événements en état de catastrophe naturelle. Il faut rappeler en effet qu’en théorie, les dégâts causés par les tempêtes (tout comme la neige et la grêle) n’entrent pas dans le champ de la garantie catastrophe naturelle : ces dégâts sont en effet couverts par les contrats d’assurance classiques, sauf quand la tempête est classée dans la catégorie cyclone. L’État rappelle donc que les demandes des communes métropolitaines d’être reconnues en état de catastrophe naturelle à la suite d’une tempête sont en général « irrecevables »  et que lorsqu’elles sont présentées en commission, elles « reçoivent systématiquement un avis défavorable ». 

Or le président de la République, en début de semaine, a déclaré pendant une visite dans le Finistère que l’état de catastrophe naturelle serait décrété. Ce qui a étonné la députée finistérienne Mélanie Thomin : « Pouvez-vous nous expliquer comment la tempête Ciaran peut être classée en catastrophe naturelle ? », a-t-elle demandé au gouvernement. « Ce que le président a annoncé n’est pas clair. Qui sera concerné par l’état de catastrophe, sous quelles conditions et dans quel délai ? » 

La députée a demandé une réponse « claire et précise »  au porte-parole du gouvernement qui, il faut bien le reconnaître, a répondu par une tautologie : « Toutes les communes qui relèvent de l’état de catastrophe naturelle seront reconnues comme telles. »  Voilà qui n’avance guère les maires. Olivier Véran a en revanche donné une information : la commission interministérielle chargée d’instruire les demandes se réunira dès la semaine prochaine, le 14 novembre. 

En conséquence, la question a été reposée par le député de la Manche Bertrand Sorre, qui a souhaité savoir si l’état de catastrophe naturelle et celui de calamité agricole seraient déclarés. Philippe Vigier, ministre chargé des Outre-mer, a donné une réponse nettement plus claire : « Nous avons pris la décision de déclarer l’état de catastrophe naturelle pour tous les territoires qui ont été touchés. »  Pour ce qui concerne les agriculteurs, il a annoncé que « le fonds national de gestion des risques en agriculture a été activé, de même que le système assurantiel créé par ce gouvernement ». 

Nuances

Mais interrogé lui aussi sur ce sujet, le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Christophe Béchu, s’est montré plus prudent, n’évoquant pas avec certitude la reconnaissance en état de catastrophe naturelle. Il a cependant donné d’autres pistes. Premièrement, « dans les contrats d’assurance figure une clause relative aux tempêtes. Toutes les collectivités et tous les particuliers doivent la faire jouer, indépendamment de ce que l’État pourra décider, le 14 novembre prochain ». 

Par ailleurs, a précisé le ministre, « il existe un fonds de solidarité, issu de la fusion d’une dotation destinée aux collectivités touchées par une catastrophe naturelle et d’une dotation destinée aux collectivités affectées par des calamités publiques ». Ce fonds peut permettre aux collectivités de « bénéficier de crédits allant de 150 000 à 6 millions d’euros pour leurs ouvrages d’art, leurs infrastructures, leurs parcs et jardins, leurs digues ou leurs stations d’épuration ». Il est « activable », a précisé Christophe Béchu. 

En réalité, selon les informations recueillies par l'AMF, c'est plutôt Christophe Béchu qui est dans le vrai : il n'y aura pas de reconnaissance systématique en état de catastrophe naturelle, car en effet les dégâts liés au vent ne relèvent pas de ce régime (hors cyclones). Il est donc conseillé aux communes dont les dégâts n'ont été causés que par le vent de ne pas déposer un dossier « catastrophe naturelle », qui risquerait d'être rejeté, mais de se tourner vers leur assureur. En revanche, les communes qui ont connu des inondations ou des vagues-submersion peuvent, elles, prétendre à la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle. 

Difficultés d’assurance

Il a également répondu à la députée de la Seine-Maritime Marie-Agnès Poussier-Winsback, qui a une fois de plus pointé les difficultés rencontrées par les maires pour s’assurer ou faire face à des franchises qui explosent. « Si l’on souhaite qu’en 2026, il y ait encore des maires dans les communes rurales, il va nous falloir trouver des solutions très vite, s’est indignée la députée. Les maires ne rempileront pas dans ces conditions, c’est-à-dire s’ils sont obligés de devenir leurs propres assureurs alors qu’ils sont confrontés à des aléas climatiques de plus en plus fréquents. » 

Christophe Béchu a affirmé que le gouvernement est bien conscient de ces difficultés, et a renvoyé aux conclusions à venir de la mission confiée notamment à Alain Chrétien sur ce sujet (lire Maire info du 26 octobre). 

Enfouissement

Enfin, un dernier point a été soulevé par le député MoDem Erwan Balanant (Finistère) : celui de la protection des réseaux en cas de tempête. Les centaines de milliers de foyers privés d’électricité pendant plusieurs jours en Bretagne interroge. De même, alors que « nous sommes dépendants aux télécommunications, (…) la coupure totale de tous les réseaux mobiles et filaires a été particulièrement mal vécue par tous, habitants, élus et forces de l’ordre. » 

La Première ministre s’est contentée de dire qu’elle était consciente du problème et qu’il sera traité dans le plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC) actuellement en cours de révision. 

Plus concrètement, la FNCCR (Fédération nationale des collectivités concédantes et régies) a publié hier un communiqué appelant à « l’accélération de l’enfouissement des réseaux électriques aériens ». La fédération rappelle que les collectivités, en tant qu’autorités organisatrices de la distribution d’énergie (AODE), sont propriétaires des réseaux basse et moyenne tension, même si elles en délèguent l’entretien à Enedis ou à des entreprises locales de distribution. C’est donc à elles que revient la charge de l’enfouissement des réseaux ou de leur protection contre « les coups de vent et les chutes d’arbres ».

La FNCCR appelle, « dans un contexte de dérèglement climatique », à ce que « le taux actuel de réseaux enfouis, estimé à environ 50 %, s’accélère et passe rapidement à 70 %, en priorité dans les zones les plus sensibles ». Pour cela, elle demande que l’État soutienne fortement les collectivités financièrement, par exemple en augmentant la tranche « sécurisation »  du Facé (Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale). 

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