Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du jeudi 13 septembre 2018
Énergie

Non, le tribunal administratif de Toulouse n'a pas autorisé une commune à interdire la pose de compteurs Linky

Une décision rendue le 11 septembre par le tribunal administratif de Toulouse fait couler beaucoup d’encre ces derniers jours : elle concerne un arrêté municipal pris par le maire de Blagnac (Haute-Garonne) relative à l’installation du compteur Linky. Certes, le tribunal a partiellement donné raison au maire, sur certains points, mais en aucun cas il n’a validé l'affirmation selon laquelle les habitants pourraient refuser l’installation du compteur Linky. Explications.

« Rappel du droit existant » 
C’est peu dire que la décision du tribunal administratif de Toulouse a provoqué quelques mauvaises interprétations dans la presse. Quelques titres relevés, en vrac : « La justice reconnaît le droit des usagers à refuser le compteur Linky »  ; « Compteurs Linky : une commune obtient le droit de refuser le compteur »  ; « Les Français peuvent dire non à Linky »  ; « La justice donne raison au maire de Blagnac ». Sauf qu’en réalité, tout cela est faux : le TA de Toulouse, dans sa décision que Maire info s’est procurée, a précisément cassé la décision du maire de permettre aux habitants le refus de l’installation du compteur communiquant – comme la justice l’a fait, de manière systématique, dans les 85 cas jugés jusqu’à présent.
Comment expliquer ce malentendu ? En fait, l’arrêté pris par le maire de Blagnac, Joseph Carles, le 16 mai 2018, pour des raisons « de maintien de l’ordre public et de respect de la légalité », comprenait plusieurs articles : le premier imposait à l’opérateur de « garantir aux usagers la liberté d’exercer leur choix individuel (…) pour : refuser ou accepter l’accès à leur domicile privé ; refuser ou accepter la pose d’un tel compteur ; refuser ou accepter que les données collectées par le compteur soient transmises à des tiers partenaires commerciaux de l’opérateur ». Un second article disposait que l’usager « doit pouvoir exercer son droit de refus par lettre simple »  et que « aucun compteur ne pourra être posé sans l’accord formel (…) de l’usager concerné ».
Parmi toutes ces dispositions, le tribunal en a retenu certaines et cassé d’autres. Précisément, il a validé le fait que l’opérateur ne peut accéder au logement d’un usager sans son accord – au nom du respect du droit de propriété ; et le fait que les données ne peuvent être transmises à des tiers sans autorisation de l’usager, comme l’a toujours exigé la Cnil. Il s’agit là, comme il est écrit dans la décision du tribunal, d’un « simple rappel du droit existant »  et nullement d’une nouvelle décision qui ferait jurisprudence. Autrement dit, le tribunal a confirmé que les agents d’Enedis n’ont pas le droit de forcer la porte d’un logement – ce qui paraît évident.

Une décision qui reste illégale
En revanche, le tribunal a cassé l’alinéa de l’arrêté municipal concernant le droit des usagers à « refuser la pose d’un tel compteur »  et celui concernant le « droit de refus par lettre simple », au motif de « l’incompétence du maire à édicter (ces) dispositions ». Autrement dit, comme cela a été rappelé à chaque fois par la justice, le maire n’a pas autorité à refuser ce qui a été fixé par la loi.
Il y a donc lieu, écrivent les juges administratifs, de « suspendre les dispositions des articles 1 et 2 de l’arrêté du maire de Blagnac (…) à l’exception des dispositions qui ne constituent qu’un simple rappel de l’état du droit applicable ».
Dans le cas où un usager refuse l’accès à son logement des agents chargés de la pose du compteur, rappelons que ceux-ci peuvent l’installer à l’extérieur du logement.
Le maire de Blagnac a fait état hier de son intention de prendre un nouvel arrêté « qui ne reprendra que les dispositions autorisées par le tribunal », et se réjouit d’une exposition médiatique qui « rappelle à Enedis que s’il faisait preuve de pédagogie, les blocages seraient plus facilement levés ». Du côté de l’opérateur, on rappelle, par communiqué, que « la propriété privée des clients est strictement respectée par les techniciens intervenant sur le terrain. En aucun cas, Enedis n’entre dans les appartements ou dans les maisons d’un client sans y avoir été autorisée. » 
F.L.
Télécharger la décision du tribunal administratif de Toulouse

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