Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mardi 26 février 2002
Ville

Très mauvaise appréciation de la Cour des comptes pour la politique de la ville

Dans un rapport rendu public hier lundi, la Cour des comptes stigmatise la politique de la ville et conclut à l'impossibilité d'évaluer son action. La Cour affirme qu'il n'a pas été possible de donner un chiffrage "précis et incontestable" du montant des crédits affectés à la politique de la ville et condamne la faible mobilisation "des politiques et des crédits" des autres ministères. Le ministère de la ville évalue cependant son financement à 6,2 milliards d'euros de crédits publics en 2002 (voir nos autres infos de ce jour). "Il faudrait placer le ministère de la Ville en situation d'assurer réellement son rôle de coordination interministérielle", conclut notamment le rapport. La Cour des comptes avait déjà, en 1995, porté les mêmes critiques contre la politique menée en faveur des quartiers en difficulté, dont elle note d'ailleurs, dans le rapport de cette année, que l'appellation de "politique de la ville" est elle-même porteuse d'"ambiguïté". Le rapport s'appuie sur sept sites "historiques" de la politique de la ville, qui reçoivent 60% des crédits du ministère : Roubaix et Tourcoing dans le Nord-Pas de Calais, Le Mantois (Val Fourré), Clichy-Montfermeil (Cité des Bosquets), Grigny (La Grande-Borne Grigny 2) en Ile-de-France, Vaulx-en-Velin, Vénissieux (Les Minguettes) en Rhône-Alpes et les quartiers Nord et le centre-ville de Marseille. Des "bonnes pratiques" sont cependant relevées sur l'un ou l'autre des sites. Mais l'absence d'objectifs définis et les "déficiences du système d'information" n'ont pas permis de procéder à une "véritable évaluation". La Cour précise qu'elle n'a pas cherché à juger l'action des pouvoirs publics dans les quartiers, mais les méthodes et leur impact. Elle a constaté que les objectifs, déjà peu précis en 1995, n'ont pas gagné en lisibilité avec la succession des "zonages", puis l'élargissement du champ d'intervention au-delà des quartiers eux-mêmes, ainsi qu'avec la multiplication des domaines concernés (emploi, urbanisme, délinquance, économie, culture). Le dessein prioritaire de la politique de la ville, qui est le retour des quartiers en difficulté dans le droit commun, suppose "des objectifs concrets assortis de calendriers d'action et de résultat", sinon des résultats décevants sur le terrain donnent une impression d'échec parfois non fondée, souligne la Cour des comptes. La politique de la ville repose sur des procédures contractuelles, ce qui est normal puisqu'elle fait intervenir de nombreux partenaires (communes, régions, secteurs publics, associations), mais "l'enchevêtrement des accords" (contrats de ville, grands projets de ville, contrats locaux de sécurité, contrats éducatifs) "tend à rendre l'ensemble peu lisible, parfois pour les acteurs eux-mêmes". Les contrats sont souvent peu précis sur les engagements financiers, sauf sur les crédits imputés au ministère de la Ville. La signature d'un accord répond trop souvent au "désir d'affichage". Et pourtant, cela marche parfois, mais surtout "grâce aux dévouements locaux". "L'énergie dépensée à faire fonctionner de manière satisfaisante ce système sophistiqué serait mieux utilisée à mettre en œuvre des opérations concrètes dans un système contractuel allégé", préconisent les rapporteurs, d'autant que le foisonnement des procédures paraît "disproportionné" par rapport aux enjeux financiers en cause. La Cour condamne le manque de coordination et d'implication des ministères concernés par la politique de la ville (signe révélateur à son avis : les ministères de l'Education et de l'Emploi n'ont pas répondu à ses observations). Mais elle critique aussi le ministère de la Ville lorsqu'il lance des actions (adultes-relais, Fonds de revitalisation économique) qui ne sont pas de son ressort.

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