Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mardi 7 juin 2016
Vie publique

Communes et EPCI seront directement concernés par la future loi Sapin 2 contre la corruption

L’examen du projet de loi dit « Sapin 2 », relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, a débuté hier à l’Assemblée nationale. Il a été couplé avec l’examen d’un autre texte, relatif à la protection des lanceurs d’alerte par le Défenseur des droits.
Le texte du projet de loi Sapin 2 a –ce qui a été dénoncé par l’opposition – un caractère un peu fourre-tout : au-delà des questions de transparence ou de corruption, il y a été intégré des mesures issues de ce qui devait, à un moment, être la loi Macron 2. Les mesures de ce texte mort-né ont été dispatchées dans d’autres projets de loi, dont celui-ci. C’est ainsi qu’on trouve dans le projet de loi Sapin 2, des mesures relatives à l’artisanat, dont une, particulièrement décriée par certains députés, mènerait à abandonner toute exigence de qualification professionnelle pour exercer certains métiers de l’artisanat.
Pour ce qui est des mesures spécifiques concernant la transparence et la lutte contre la corruption, plusieurs mesures concernent directement les collectivités. Trop directement, ont même jugé plusieurs députés lors de la discussion générale. Toute une partie de la discussion a en effet porté sur le périmètre d’intervention – et les moyens – de la nouvelle Agence française anticorruption (AFA) qui serait créée par le projet de loi. Certains députés souhaitent que son périmètre soit limité à la surveillance des grandes entreprises. Or, dans le texte, les contrôles de l’AFA seraient étendus à toutes les administrations de l’État aux collectivités territoriales, leurs EPCI et leurs SEM, afin de prévenir et détecter les faits de corruption, concussion, prise illégale d’intérêt, etc.
Or cette agence, a souligné un député, serait dotée, d’après l’étude d’impact, de 60 à 70 agents. « Comment cette agence, a demandé le député de député de l’Eure-et-Loir Olivier Marleix, avec ses soixante-dix agents, pourrait-elle donc prétendre suivre les transactions internationales des plus grandes entreprises du monde, tout en vérifiant et contrôlant ce qui est fait à la mairie d’Argenton-sur-Creuse – ou celle d’Anet, pour ne discriminer personne – en matière de lutte contre la corruption, puisque les communes feront partie de ses cibles ? ». « Recentrons-nous donc sur les grands dossiers transnationaux et gardons pour plus tard la mairie d’Argenton, où il ne doit d’ailleurs pas y avoir de cas pendables », a conclu ironiquement le député.
Autre sujet de discussion à venir : le fait qu’en commission, les députés aient largement alourdi les procédures en matière de protection des lanceurs d’alerte. Rappelons que les « lanceurs d’alerte »  sont, aux termes de la loi, « les personnes qui ont connaissance de manquements graves à la loi »  et qui ont désormais, « dans l’intérêt général, le droit de communiquer les renseignements »  dont ils ont connaissance. Nouveauté introduite en commission : toutes les communes de plus de 3 500 habitants ainsi que les EPCI auxquels elles appartiennent devraient désormais « mettre en place des procédures internes appropriées permettant de recueillir les alertes émises par les membres de leur personnel ou par des collaborateurs extérieurs et occasionnels ».
Une partie du texte concerne enfin les lobbyistes ou plutôt – c’est la dénomination officielle – les « représentants d’intérêts » : il s’agit des personnes morales de droit privé ou personnes physiques qui, « afin d’influer sur les politiques publiques, notamment sur le contenu d’une loi ou d’un acte réglementaire, entrent en communication »  avec un certain nombre de personnes définies dans le texte : membres du gouvernement, collaborateurs ou membres des cabinets ministériels, parlementaires, maires de communes de plus de 20 000 habitants ou d’EPCI dont les recettes de fonctionnement sont supérieures à 5 millions d’euros par an…
Le projet de loi est très précis : un élu, lorsqu’il rencontre l’une des personnes citées, « dans le strict exercice de son mandat », n’est pas considéré comme « représentant d’intérêts », pas plus que ne le sont les partis politiques et les syndicats de salariés. En revanche, si les textes restent en l’état, les associations – y compris les associations d’élus – entrent dans le champ de la définition des « lobbyistes ». Elles seront donc assujetties à un certain nombre de contraintes nouvelles, et listées dans un nouveau « répertoire numérique des représentants d’intérêts ».
F.L.

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