Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du vendredi 9 septembre 2022
Coopération transfrontalière

Travailleurs frontaliers : faciliter le télétravail pour parer à la crise énergétique 

L'AMF souhaite attirer l'attention du gouvernement sur la question du télétravail des travailleurs frontaliers, sujet qui prend une certaine importance dans les communes proches des frontières. Un nouveau groupe de travail de l'association est d'ailleurs, désormais, consacré à la question de la coopération transfrontalière. 

Par Franck Lemarc

Le nouveau groupe de travail Coopération transfrontalière de l’AMF a été créé en juin dernier. Il est co-présidé par Sébastien Populaire, maire de Touillon-et-Loutelet dans le Doubs, et Didier Cujives, maire de Paulhac en Haute-Garonne. Objectif de ce groupe, explique à Maire info Sébastien Populaire – lui-même travailleur transfrontalier en Suisse : « Travailler sur toutes les questions spécifiques qui concernent nos administrés travaillant de l’autre côté de la frontière, que ce soit en matière de transport, de santé, de droits sociaux… ». 

Rappelons que selon les chiffres de l’Insee, il y a plus de 420 000 travailleurs frontaliers en France. Plus de la moitié d’entre eux (209 000) exercent en Suisse, et près de 90 000 au Luxembourg. Dans la région Grand-Est, plus de 8 % des salariés travaillent à l’étranger. 

Pouvoir d’achat et environnement

Le 6 septembre, les deux co-présidents du groupe de travail de l’AMF ont adressé un courrier à Bercy pour interpeller le ministère sur la question du télétravail des frontaliers. En temps normal, rappellent-ils, « les travailleurs frontaliers ont la possibilité d’exercer un certain pourcentage de leur activité en télétravail sans impact sur leur couverture sociale ni leur fiscalité ». Ce taux est par exemple de 25 % pour la Suisse. Si les travailleurs dépassent ce seuil, leur employeur est obligé « de verser les cotisations sociales dans l’État de résidence »  – ce qui peut être très désavantageux pour lui, et l’amener à limiter le recours au télétravail. 

Pendant l’épidémie de covid-19, ces règles ont été suspendues, de façon à ce que les travailleurs qui le pouvaient puissent télétravailler à 100 %. Prises au départ pour six mois, ces dispositions ont été reconduites de semestre en semestre, et elles sont toujours en vigueur aujourd’hui… mais pas pour longtemps. En Suisse, elles prendront fin le 30 octobre. Pour les pays appartenant à l’Union européenne, a annoncé Bercy dans un communiqué du 1er juillet dernier, elles sont prolongées jusqu’au 31 décembre. 

Mais évidemment, pendant l’épidémie, beaucoup de salariés « se sont habitués au télétravail », explique Sébastien Populaire, et souhaiteraient pouvoir continuer à télétravailler au-delà des 25 % du temps sans que cela ait de conséquences ni pour eux ni pour leur employeur. 

Au-delà de la question des habitudes de travail, il y a celle de l’environnement et du pouvoir d’achat. L’Onu elle-même a placé le télétravail parmi ses recommandations pour limiter les émissions de gaz à effet de serre. Et, surtout, l’explosion des prix de l’énergie et des carburants place les travailleurs frontaliers dans une situation difficile. Selon une étude publiée en mai dernier par l’Observatoire des impacts territoriaux de la crise (OITC), les territoires frontaliers sont « sur-impactés »  par la crise énergétique, c’est-à-dire qu’ils renferment une part plus importante que les autres de ménages en situation de précarité énergétique, du fait de l’explosion des prix du carburant. L’OITC s’interroge donc sur « la durabilité de ce modèle, très largement assis sur la mobilité ». 

Pourparlers en cours

Tous ces éléments convergent pour prouver qu’un recours accru au télétravail chez les salariés transfrontaliers serait bénéfique – tant sur la qualité de vie au travail que pour l’environnement et le pouvoir d’achat des travailleurs concernés. Les deux élus demandent donc à Bercy d’œuvrer à « permettre une augmentation de la possibilité de télétravail pour un travailleur frontalier », par exemple à trois jours par semaine. Ceci « sans créer de différence entre les travailleurs autochtones et frontaliers », c’est-à-dire en « créant un régime qui permette à une entreprise basée dans un pays voisin d’appliquer les mêmes règles en termes de télétravail pour tous ses employés, qu’ils soient résidents ou frontaliers ». 

Une telle évolution ne peut, naturellement, être décidée de façon unilatérale par la France. Bercy indique, dans son communiqué de juillet, que des pourparlers sont en cours, et que le prolongement des mesures dérogatoires jusqu’au 31 décembre « sera mise à profit pour identifier les possibles aménagements de règles existantes, sous réserve d’un consensus au niveau européen ». 

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