Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du mercredi 28 septembre 2016
Transports

CDG Express : le gouvernement autorise la SNCF à s'endetter davantage

Les députés ont adopté hier un projet de loi du gouvernement relatif au projet de ligne ferroviaire directe entre Paris et l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle (projet CDG Express). Il s’agissait de ratifier une ordonnance du 18 février dernier, créant une société chargée de réaliser cette infrastructure.
Ce projet de liaison directe est un serpent de mer, sans cesse reproposé et remis en cause depuis vingt ans. Il répond à une préoccupation que personne ne remet en cause : la liaison entre la capitale et son principal aéroport international est de mauvaise qualité. Les deux autoroutes qui mènent à Roissy sont saturées, et la ligne de RER qui le dessert, la ligne B, l’est encore davantage. Le projet consiste donc à créer une ligne dédiée, qui partirait de la Gare de l’Est et relierait l’aéroport sans arrêt en une vingtaine de minutes. Le prix du trajet, tel qu’il a été finalement arrêté, serait du double de ce que coûte l’actuelle liaison en RER, à 24 € l’aller simple.
Il fut un temps question que la réalisation et l’exploitation de cette liaison soit concédée à une entreprise privée via un PPP. Mais le principal candidat s’était finalement désisté, peu convaincu de la rentabilité du projet.
Le gouvernement a donc fini par reprendre en main le dossier – sans doute aiguillonné par la perspective d’une possible organisation des JO de 2024 à Paris. Selon l’ordonnance du 18 février dernier, la réalisation et l’exploitation de la ligne seraient confiées à « une société détenue majoritairement par SNCF Réseau et Aéroports de Paris ». La concession comprendra « la conception, le financement, la réalisation, l’aménagement, l’exploitation et la maintenance »  de la ligne, dont l’ouverture est espérée pour 2024.
Le texte adopté hier par les députés permet la ratification de cette ordonnance. Mais il contient aussi un article qui a largement fait réagir sur les bancs de l’Assemblée, permettant à SNCF Réseau de déroger à la « règle d’or »  budgétaire… que le gouvernement avait lui-même fixée en 2014.
Explication : la loi de réforme ferroviaire avait fixé une règle censée permettre à la SNCF de maîtriser son endettement : l’interdiction de participer aux investissements de développement du réseau tant que sa dette financière était plus de 18 fois supérieure à sa marge opérationnelle (article L2111-10-1 du Code des transports). Dans ce cas, précise la loi, «les projets d'investissements de développement sont financés par l'État, les collectivités territoriales ou tout autre demandeur. » 
Or, le projet de loi voté hier dispose que cet article L2111-10-1 « n’est pas applicable à la participation de SNCF Réseau »  au projet CDG-Express. La raison en est simple : la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris interdit explicitement toute « subvention de l’État »  pour la réalisation de CDG-Express (article 2) et aucune collectivité territoriale n’a l’envie ni les moyens de mettre la main à la poche. Le gouvernement avait donc le choix de revenir sur l’une de ces deux lois – la loi Grand Paris ou la réforme ferroviaire. Il a fait son choix et ce sera donc la SNCF qui payera, même si cela suppose qu’elle s’endette au-delà du ratio fixé en 2014. Pour mémoire, la dette actuelle de la SNCF est de quelque 40 milliards d’euros.
Cette disposition a suscité la colère de plusieurs députés, comme l’UDI Bertrand Pancher : « Nous ne comprenons pas ce qui a pu conduire à aggraver la dette de plus en plus monstrueuse du groupe ferroviaire avec des infrastructures financées, dans leur majorité, par notre société nationale. Pensant que la leçon avait été comprise, nous avons voté à la quasi-unanimité une « règle d’or »  qui devait mettre un terme à cette dérive. Or le premier projet arrivant en discussion la transgresse avant même qu’elle ne commence à être mise en œuvre ! ».
Les députés de l’opposition ont estimé que ce projet allait creuser la dette de la SNCF de « 200 ou 250 millions d’euros »  au moins, et ont appelé le gouvernement à chercher « d’autres pistes de financement ».
Lors du débat, d’autres débats – récurrents dès que l’on parle de CDG Express – ont eu lieu. Notamment sur la priorité donnée à ce projet alors que « nos territoires ruraux souffrent aujourd’hui de carences immenses en matière de transports ferroviaires », comme l’a exprimé le député radical de l’Aisne Jacques Krabal. « Nos territoires ruraux souffrent de la vétusté du matériel roulant ; ils souffrent de la fermeture de lignes, de la fermeture de gares, de la fermeture de sillons ; ils souffrent d’un maillage territorial injuste ; ils souffrent de retards chroniques, croissants et quotidiens ; ils souffrent de la surcharge des wagons de voyageurs, de pannes et d’incidents d’exploitation ; ils souffrent d’abandon, du manque d’entretien et de modernisation du réseau ». Dans ce contexte, la construction d’une ligne souvent vécue comme réservée à une clientèle d’affaires ou de touristes fortunés passe mal chez de nombreux élus locaux.
F.L.

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