Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mercredi 23 janvier 2019
Transition énergétique

Dotation climat pour les collectivités : le gouvernement enfin prêt à en débattre

Cela pourrait être un virage majeur : pour la première fois, hier, un ministre chargé de la transition énergétique a ouvert la porte à une revendication très ancienne des associations d’élus : l’octroi aux collectivités d’une part des recettes de la fiscalité carbone pour financer la transition énergétique sur les territoires. François de Rugy, hier, à Dunkerque, a promis que cette question serait « sur la table »  des discussions qu’il compte engager avec les associations d’élus très prochainement.
Depuis une quinzaine d’années que les plans climat air énergie territoriaux (PCAET) existent, sous une forme ou sur une autre, les collectivités demandent des moyens pour les financer. En particulier depuis qu’ils sont devenus obligatoires, d’abord (loi Grenelle 2) pour les régions, départements, communautés urbaines et communes de plus de 50 000 habitants puis, depuis la loi de Transition énergétique, pour tous les EPCI de plus de 50 000 – seuil abaissé à 20 000 habitants depuis l’année dernière.
Année après année, au moment de la discussion du projet de loi de finances, des associations d’élus mettent en avant l’idée d’une « dotation climat ». Ce fut le cas, par exemple, en 2016, lorsque le Sénat avait adopté un amendement au projet de loi de finances disposant qu’une « fraction du produit »  de la taxe carbone serait « attribuée aux collectivités territoriales ayant adopté un plan climat air énergie territorial »  – à hauteur de 10 euros par habitant pour les communes et les EPCI et 5 euros par habitant pour les régions. Mais comme chaque année, les députés – sur demande plus qu’insistante de Bercy – avaient supprimé cet amendement, malgré, cette année-là, une prise de position commune et unanime de l’AMF, Régions de France, l’AdCF, France urbaine et Amorce. Des députés avaient alors argué, pour justifier leur refus de cette mesure, qu’il s’agirait d’un « chèque en blanc »  aux collectivités dont les élus allaient « s’empresser de voter des documents sans rien derrière ».
Ces derniers mois encore, même scénario, avec, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2019, encore un vote des sénateurs sur la même proposition, et encore un rejet de Bercy et des députés.

Changement de doctrine
C’est dire s’il n’est pas exagéré de parler de « virage »  avec le discours de François de Rugy, hier, en ouverture des Assises européennes de la transition énergétique à Dunkerque. Dans son discours, le ministre de la Transition écologique et solidaire a beaucoup insisté sur le rôle des élus locaux dans la transition énergétique (celle-ci « sera territoriale ou ne sera pas », a-t-il notamment déclaré). Livrant au passage quelques informations intéressantes, dont l’annonce d’un tout prochain décret visant à faciliter le déploiement de panneaux solaires « sur les terrains dégradés »  et la publication « dans les tous prochains jours »  de la Programmation pluriannuelle de l’énergie dans sa version « officielle », le ministre a ensuite abordé la question de la taxe carbone. Certes, il n’a pas déclaré clairement être personnellement favorable à une dotation climat pour les collectivités, mais a néanmoins affirmé qu’il souhaitait que « toutes les propositions soient mises sur la table »  et que débutent « des discussions concrètes ». « Je recevrai à mon ministère dans les jours et les semaines qui viennent les représentants de tous les niveaux de collectivités territoriales et je leur dirai que tout est sur la table ». Reconnaissant que la dotation climat est « une revendication partagée »  par les associations, il s’est dit plusieurs fois « ouvert »  au débat sur cette question. « Les PCAET ont été prévus par la loi mais ne font pas l’objet de moyens affectés. Cela peut être un levier », a insisté le ministre – tout en notant que les PCAET, qui devaient pourtant être effectifs dès le 1er janvier dernier, ne sont pour la plupart pas encore signés : seuls « 14 ont été signés », sur les 700 structures concernées, a révélé François de Rugy. Le ministre a également évoqué d’autres idées que la dotation climat pour financer la transition énergétique territoriale, en particulier celle d’une forme de « retour sur investissement » : au lieu de verser une dotation à l’avance, pour financer les PCAET, il a envisagé un système de bonus, a posteriori : « Puisque l’on augmente le prix du carbone que l’on consomme, on pourrait aussi réfléchir à une forme de rémunération du carbone que l’on ne consomme pas. » 
Les associations d’élus vont certainement attendre avec beaucoup d’impatience, à présent, le rendez-vous pour ces rencontres au ministère. En espérant, cette fois, que cette ouverture débouchera sur des mesures concrètes. Dans ce domaine, les élus ont appris depuis longtemps à être méfiants : il y a plus de 10 ans déjà, au Congrès des maires de 2007, le Premier ministre François Fillon avait déjà promis l'affectation d'une partie de la taxe carbone aux collectivités pour financer leurs actions en faveur du climat. Une promesse jamais tenue.
Franck Lemarc

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