Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du lundi 13 février 2017
Terrorisme

Radicalisation : bientôt une nouvelle circulaire sur les relations entre les préfets et les maires

Dans le cadre de la discussion sur le projet de loi Sécurité publique, adopté mercredi soir à l’Assemblée nationale (lire Maire info du 10 février), la discussion sur la transmission des fiches S aux maires est revenue dans l’hémicycle, ce qui a permis au ministre de l’Intérieur de développer précisément le point de vue du gouvernement sur cette question sensible.
C’est Yves Jégo, député-maire de Montereau (Seine-et-Marne), qui a relancé le débat : alors que le préfet a refusé de lui communiquer le nombre de personnes radicalisées dans sa commune, Yves Jégo raconte avoir été plus que surpris de découvrir cette information… dans la presse. « Ma commune compte douze personnes radicalisées, ce qui a évidemment déclenché une vive émotion parmi les habitants. »  Mais impossible pour le maire de savoir, auprès des services du préfet, si certaines de ces personnes étaient employées par la commune. Afin de « coproduire de la sécurité », le député a donc proposé plusieurs amendements pour permettre aux maires de connaître, « sous le sceau du secret », si certaines personnes radicalisées travaillent pour une commune, notamment au contact d’enfants ou de jeunes. Virginie Duby-Muller, députée de la Haute-Savoie, a également déposé des amendements pour demander la communication aux maires, sur leur demande, « de la liste des personnes fichées S résidant dans leur commune », et prévoyant la possibilité pour les maires concernés de transmettre ces informations « au responsable de la police municipale de la commune ».
Yves Goasdoué, le rapporteur socialiste du projet de loi, tout en reconnaissant que ce problème ne pouvait « être balayé d’un revers de la main »  par le maire qu’il est, s’est dit « plutôt défavorable »  à ces propositions, en arguant du fait que même si un maire était mis au courant de la présence de fichés S parmi le personnel communal, il ne pourrait rien en faire. « Être fiché S n’est pas constitutif d’une faute au sens du Code du travail, ni un motif de licenciement, ni une infraction ». Mais il a demandé au ministre de l’Intérieur, Bruno Le Roux, de s’exprimer sur cette question.
Sur la communication des fiches S aux maires, le ministre a été très clair, en demandant aux deux députés de retirer leurs amendements : « Le fichier S n’est pas un fichier d’individus dangereux »  mais un fichier d’individus « qui peuvent le devenir ». C’est donc uniquement « un instrument de travail pour nos services de renseignements », qui s’inscrit donc « dans un impératif de confidentialité ». Si un maire disposait de ces informations, a ajouté le ministre, ce serait certainement pour « mettre en œuvre des actions », ce qui aurait précisément pour effet d’informer l’individu en cause du fait qu’il est surveillé. Cette mesure serait donc, aux yeux du ministre, contre-productive.
Plus généralement, Bruno Le Roux a insisté sur la notion de partage des compétences entre l’État et les collectivités : celles-ci n’ont « aucune compétence en matière de renseignement ou de sûreté de l’État ». Pas question donc de « faire reposer sur elles une mission qui ne leur appartient pas et pour laquelle elles ne sont pas préparées ».
Reste que le ministre a dit « comprendre l’inquiétude des maires »  et a donné plusieurs précisions utiles. Répondant à « une inquiétude exprimée par l’AMF », Bruno Le Roux a indiqué que sur le cas précis de policiers municipaux ayant « un comportement préoccupant », un partage d’information « juridiquement solide »  peut s’opérer entre le préfet et le maire. Par ailleurs, pour le ministre, « les élus locaux doivent être mieux associés aux dispositifs territoriaux de prévention de la radicalisation » . C’est une volonté affirmée par le gouvernement, mais qui, semble-t-il, n’est pas toujours relayée de façon satisfaisante par les préfets. Une nouvelle circulaire est donc en préparation sur ce sujet, a annoncé Bruno Le Roux, et sera « prochainement partagée avec les associations d’élus », avant la fin du mois. Les représentants de l’AMF seront invités lors « d’une prochaine réunion avec les préfets »  pour la présentation de cette circulaire, « afin de permettre un échange direct sur la nature des dispositifs et des relations à mettre en œuvre. » 
Le député des Hauts-de-Seine Sébastien Pietrasanta a salué cette annonce en souhaitant qu’elle aboutisse à une harmonisation de l’attitude des préfets vis-à-vis des maires car, selon lui, « certains préfets donnent de l’information aux maires et d’autres pas ».
Ces arguments n’ont en revanche pas convaincu tous les députés de l’opposition, en particulier Yves Jégo, qui a fait remarquer qu’il y avait une différence de traitement entre les maires, qui ne disposent pas des informations sur les fichés S dans leur personnel, et les chefs d’établissements de l’Éducation nationale, à qui leur ministère transmet ces informations lorsqu’il s’agit de « personnels potentiellement dangereux pour les élèves ». « Les maires doivent disposer du même niveau d’information », a plaidé Yves Jégo. Le débat n’est certainement pas terminé, car des députés de l’opposition ont d’ores et déjà prévenu que si les prochaines élections leur donnent la majorité, un projet de loi sur cette question sera l’un des tout premiers à être mis sur la table.
Rappelons que le 19 mai 2016, l'AMF et l'État ont signé une convention de partenariat sur la prévention de la radicalisation violente, donnant aux maires des pistes pour agir dans ce domaine (lire Maire info du 20 mai 2016). Cet automne, un groupe de travail réunissant les associations d'élus et le ministère de l'Intérieur a été constitué sur ce sujet. L'AMF y a fait de nombreuses propositions, qui devraient servir à alimenter la circulaire à venir.
F.L.

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