Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du vendredi 20 octobre 2017
Développement durable

Territoires à énergie positive : l'État n'a pas les moyens de financer toutes les conventions

Une instruction de Nicolas Hulot, diffusée sur Twitter par l’association Amorce, inquiète fortement nombre d’élus : cette instruction fait état de difficultés – voire de l’impossibilité – pour l’État de régler toutes les conventions « Territoires à énergie positive », et le ministre demande aux préfets d’être plus restrictifs dans « la gestion des crédits disponibles ».
Rappelons qu’il s’agit d’un dispositif lancé par Ségolène Royal en 2014, afin d’aider à ce que la politique nationale en matière de transition énergétique soit « déclinée au niveau local ». Les territoires s’engageant dans un projet visant à réduire leur consommation d’énergie, développer des énergies renouvelables, améliorer le recyclage, etc., étaient invités à signer des conventions avec l’État, avec la promesse de toucher une aide financière. Tous les territoires pouvaient candidater (communes, EPCI, pays, départements, parcs naturels régionaux…). Les candidats retenus devaient toucher une enveloppe de 500 000 euros qui, annonçait Ségolène Royal en février 2015, « pourra être renforcée jusqu’à deux millions d’euros en fonction de la qualité des projets ». Les sommes versées devaient être prises sur le Fonds de transition énergétique.
Deux ans après le lancement du dispositif, le gouvernement annonçait que 500 territoires, en tout, avaient signé une convention Territoires à énergie positive (Tepos), avec une dernière vague de 150 conventions signées fin février 2017.
Le nouveau ministre de la Transition écologique et solidaire ne remet pas en cause le dispositif. Mais il constate une « impasse de financement »  de 350 millions d’euros : « Les crédits de paiement versés à la Caisse des dépôts et consignations au titre de l’Este [Enveloppe spéciale de transition énergétique] s’élèvent à 400 millions d’euros, alors que les engagements conclus dans le cadre de ce dispositif s’élèvent à 750 millions d’euros ». En clair, il n’y a pas assez d’argent pour financer toutes les conventions qui ont été signées. Et le gouvernement, en la matière, remarque qu’il n’est pas responsable mais plutôt victime des décisions du précédent, puisque ces derniers n’ont pas prévu de budgets suffisants.
En conséquence, avec le sens de l’euphémisme qui caractérise souvent ce type de communications, le ministre appelle les préfets à faire preuve « du plus grand discernement »  dans la gestion des crédits disponibles. Ce qui signifie en clair qu’ils devront tout faire pour réaliser des économies. On comprend également, à la lecture de cette instruction, qu’il ne semble pas à l’ordre du jour d’augmenter les crédits afin de faire face à toutes les conventions, ce qui pourrait pourtant se faire par amendement dans le projet de loi de finances.
Le ministre liste toute une série de moyens pour serrer la vis (ce que l’instruction appelle pudiquement « recentrer le dispositif » ). Toutes les règles devront être revérifiées avec zéro marge de tolérance. Exemple sur la « date de démarrage effectif »  des actions, fixée au 31 décembre prochain. « Les demandes de report de délais seront systématiquement refusées. »  En cas de retard d’exécution des actions, une sorte de malus sera appliqué, allant d’une diminution de la subvention de 10 % à partir de trois mois de retard, 20 % entre six mois et une an, et « une annulation de la subvention si le retard est supérieur à un an ».
Il est même prévu, dans certains cas, la possibilité d’annuler après coup une convention : « Vous vous attacherez, précise la note, à vérifier systématiquement que la signature de la convention par l’autorité représentant chaque collectivité locale est bien précédée d’une délibération l’y autorisant. À défaut, la convention devra être considérée comme nulle. »  Voilà une condition qui pourrait s’avérer lourde de conséquences : bien des conventions ont été co-signées par de nombreux maires, parce qu’elles concernent par exemple le territoire d’un pays entier. Si l’instruction est appliquée strictement, l’absence de délibération dans une seule commune signataire entrainera-t-elle la nullité de la convention pour l’ensemble du territoire ?
Une chose est sûre en tout cas : il n’était pas exigé que les délibérations des collectivités signataires apparaissent sur les conventions, qui sont toutes faites sur le même modèle. Toutes les conventions, que nous avons consultées sur un site dédié du ministère, débutent classiquement par une série de « Vu » : « Vu la loi relative à la transition énergétique », « vu la convention de gestion de l’enveloppe spéciale », etc. Mais nulle part « Vu la délibération du conseil municipal du … ». Il reste à espérer pour les communes concernées que l’obligation de délibérer avant la signature a été clairement signifiée, en amont, aux maires.
Franck Lemarc
Télécharger l'instruction

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