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Édition du lundi 17 mai 2021
Handicap

Stationnement et handicap : deux jurisprudences du Conseil d'État

Deux décisions du Conseil d'État relative au stationnement des personnes handicapées, datant du mois de mars, ont été récemment rendues publiques. Les magistrats ont dû trancher sur des contentieux opposant des communes et des usagers handicapés, et ces décisions feront jurisprudence.

Par Franck Lemarc

Les deux décisions du Conseil d’État concernent les villes de Tours et de Marseille. Dans les deux cas, des forfaits de post-stationnement (FPS) ont été réclamés à des personnes handicapées – et titulaires de la carte de stationnement pour personnes handicapées. Les usagers ont demandé l’annulation du forfait à la commission du contentieux du stationnement payant et, dans les deux cas, celle-ci leur a donné raison. Les deux communes ont attaqué cette décision en cassation, et le Conseil d’État a répondu une fois par oui, une fois par non. Explications. 

Droit à la gratuité

Rappelons d’abord que la loi prévoit que les personnes titulaires d’une carte d’invalidité, de priorité et de stationnement, ou d’une carte Mobilité inclusion, bénéficient, dans le droit commun, de la gratuité du stationnement. Seule exception : les collectivités peuvent décider de limiter cette gratuité dans la durée, dès lors que la période de gratuité n’est pas inférieure à 12 heures. 
Premier cas : à Tours, un usager a été verbalisé pour défaut de paiement, et il lui a été réclamé un FPS de 20 euros. La personne, en l’occurrence, n’avait pas apposé derrière son pare-brise sa carte de stationnement – les agents verbalisateurs n’avaient donc pas de moyen de savoir qu’il s’agissait du véhicule d’une personne handicapée. Par la suite, la personne a contesté le FPS devant la commission de contentieux du stationnement, en apportant la preuve qu’elle disposait bien de la carte. La commission a annulé le FPS. La commune de Tours a saisi le Conseil d’État pour casser cette décision.
La haute juridiction ne lui a pas donné raison. En effet, les magistrats ont estimé que l’apposition ou non de la carte derrière le pare-brise est « sans incidence sur la gratuité du stationnement » : « Le droit à la gratuité du stationnement voulu par le législateur découle, non de l'apposition, prévue par voie réglementaire, de la carte de stationnement pour personnes handicapées ou de la carte mobilité inclusion avec mention " stationnement pour personnes handicapées " derrière le pare-brise du véhicule, mais, de ce qu'à la date du stationnement, la personne qui conduit le véhicule est effectivement titulaire d'une telle carte ou apporte des éléments justifiant l'avoir utilisé pour les besoins d'une personne qui en est effectivement titulaire », précise le Conseil d’État. 
Une personne qui oublie d’apposer sa carte mais qui en dispose et est en mesure de le prouver devant la commission du contentieux est donc en droit d’obtenir l’annulation d’un FPS. 

Obligation d’apposer l’heure de début de stationnement

Le cas jugé par le Conseil d’État vis-à-vis de la ville de Marseille est différent. Marseille fait partie des villes qui ont limité la gratuité du stationnement pour les personnes handicapées (en l’espèce, à 24 heures). Dans le cas jugé, la personne s’est garée en laissant bien en évidence, cette fois, sa carte de stationnement. Mais elle n’a pas établi l’heure de début du stationnement. Elle a elle aussi obtenu l’annulation de son FPS par la commission du contentieux, et là encore la ville de Marseille a attaqué cette décision. Mais cette fois, le Conseil d’État a donné raison à la ville et a annulé la décision de la commission du contentieux. 
En effet, dans les communes qui ont choisi de limiter le temps de stationnement gratuit, les usagers handicapés doivent (si la commune l’a décidé par arrêté) déclarer l’heure de début de stationnement, ou bien en prenant un ticket spécifique à l’horodateur, ou en passant par une application mobile. C’est bien le cas à Marseille : le fait d’être titulaire de carte de stationnement ne suffit pas, il faut également justifier de l’heure où commence le stationnement, afin que les agents puissent contrôler que la durée de gratuité de 24 heures n’est pas dépassée. Le Conseil d’État a donc estimé que la commission du contentieux avait commis « une erreur de droit »  en annulant le FPS et a annulé cette décision. Il n’a pas, toutefois, accepté de faire payer 2 400 euros de frais de justice à la personne, comme le réclamait la ville de Marseille. 
Ce jugement sera suivi de près dans certaines villes, en particulier Paris, où depuis quelques semaines les contentieux se multiplient. Paris a en effet, depuis le 8 mars, mis en place le même système : les personnes handicapées ont bien droit au stationnement gratuit, mais elles doivent impérativement « disposer d’un ticket virtuel Handi en cours de validité », indique le site de la mairie de Paris. Ce ticket virtuel peut être obtenu en référençant le véhicule sur un site dédié, ou en prenant « un ticket virtuel gratuit sur les applications mobiles ou sur horodateur, lors de chaque stationnement ». 
Le problème est que bon nombre d’usagers handicapés ignorent cette règle, et se garent en toute bonne foi en pensant que l’apposition de la carte suffit. Et depuis le 8 mars, les PV « pleuvent », soulignent les associations de défense des personnes handicapées, qui estiment qu’il y en aurait eu « plusieurs milliers ». 
La jurisprudence du Conseil d’État va probablement doucher les espoirs de ces personnes de voir leurs FPS annulés. 

Accéder à la décision concernant Tours et Marseille

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