Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mardi 24 novembre 2020
Sécurité

Sécurité globale : les amendements qui concernent directement les maires

La proposition de loi relative à la sécurité globale va faire aujourd’hui l’objet d’un vote solennel, en première lecture, à l’Assemblée nationale, avant de partir au Sénat. Près d’une centaine d’amendements ont été adoptés par rapport au texte initial, dont 14 venus du gouvernement lui-même. Tour d’horizon.

Information du maire
Un nouvel article a été ajouté, à la demande des députés du MoDem. D’une part, il rend systématique l’information du maire par le procureur de la République des suites données aux infractions ayant eu lieu sur le territoire de sa commune. Jusqu’à présent, cette information se faisait « à la demande du maire », ce que les députés proposent de supprimer. Il a également été acté que le maire soit informé des suites données aux infractions constatées par les agents de la police municipale.

Polices municipales
Les dispositions du texte relatives aux prérogatives des polices municipales ont été amendées à la marge. L’expérimentation permettant de donner certains pouvoirs de police judiciaire aux agents de police municipale a été étendue aux EPCI « employant au moins vingt agents de police municipale ou gardes champêtres ». La candidature d’une commune à cette expérimentation devrait faire l’objet d’un « débat »  en conseil municipal, et non d’une simple « communication ». À la demande de plusieurs députés, l’expérimentation est étendue aux gardes champêtres. 
Parmi les délits que seraient désormais autorisés à constater les policiers municipaux et gardes champêtres, les députés ont ajouté : le délit de gêne ou d’entrave à la circulation sur une voie ouverte à la circulation publique ; l’acquisition de cigarettes vendues à la sauvette ; le port d’arme illégitime. 

Mutualisation
Un amendement du groupe UDI permet le regroupement de communes afin de mutualiser les moyens de leurs polices municipales, sous la forme d’un syndicat intercommunal à vocation unique.  Objectif : « Asseoir l’organisation de la mise en commun des agents de police municipale entre communes limitrophes, sur une structure juridique sécurisée. » 
Un autre amendement adopté permettrait la mise en commun des moyens de toutes les polices municipales d’un département, voire des départements limitrophes, en cas de catastrophe naturelle ou technologique. Actuellement, cette mutualisation n’est possible qu’à l’échelle d’un EPCI. Les auteurs de l’amendement rappellent que lors des inondations dans l’Aude, en 2018, autour de Trèbes et Carcassonne, « l’étendue de la catastrophe était telle que l’ensemble des agents de police municipale des communes de l’EPCI étaient mobilisés sur leur propre commune sans que les communes audoises non impactées mais extérieures à l’agglomération sinistrée ne puissent apporter leur concours ». 

Gardes champêtres
Deux amendements spécifiques concernant les gardes champêtres ont été adoptés. L’un permettrait à ces derniers de pouvoir « recourir aux appareils photographiques mobiles ou fixes »  pour constater les infractions (dépôts sauvages, vols dans les champs ou les exploitations agricoles, etc.). Le second dispose que désormais, les caractéristiques de l’équipement des gardes champêtres seraient fixées par arrêté du ministère de l’Intérieur (tenue, carte professionnelle, signalisation des véhicules de service, etc.). Il s’agit notamment que ces équipements ne puissent « entretenir aucune confusion avec ceux utilisés par la police nationale ou la gendarmerie nationale ». 

Vidéoprotection
Un amendement très détaillé a été ajouté par le gouvernement au texte qui sera adopté aujourd’hui. Il complète le dispositif qui permet aux EPCI, s’ils exercent la compétence relative aux dispositifs locaux de prévention de la délinquance, « d’acquérir, installer et entretenir »  des dispositifs de vidéoprotection dans une de leurs communes membres. Ceci ne peut se faire qu’avec l’accord de la commune d’implantation
Il apparaît que cette disposition est souvent trop coûteuse pour être mise en œuvre dans certains territoires, « notamment ruraux », note le gouvernement.  L’amendement vise donc à permettre une mutualisation à une échelle plus large que celui d’un EPCI : l’amendement permettrait une telle mutualisation entre « plusieurs communes et plusieurs EPCI compétents (…) regroupés dans un syndicat mixte fermé », voire « plusieurs communes et plusieurs EPCI compétents et un département, regroupés dans un syndicat mixte ouvert restreint ». Dans ce dernier cas, le syndicat mixte ouvert ne pourrait être présidé que par un maire ou un président d’EPCI, afin de « respecter les exigences de la jurisprudence du Conseil constitutionnel ». 
Par ailleurs, l’amendement prévoit que, dans ce cas, les images pourraient être visionnées par « des agents publics territoriaux autres que des agents de la police municipale », ce qui est interdit aujourd’hui. 
Notons qu’un autre amendement du gouvernement autoriserait les forces de l’ordre nationales à utiliser des caméras embarquées dans leurs véhicules.

L’article 24 adopté
Enfin, le très controversé article 24 de la proposition de loi a été adopté, après avoir été récrit à la marge par le gouvernement. Il s’agit, rappelons-le, de l’article qui interdit la diffusion d’images d’un gendarme ou d’un agent de la police nationale ou municipale, lorsque cette diffusion est faite « dans le but manifeste qu’il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique ». Le gouvernement a notamment ajouté à cette disposition le fait qu’elle ne devait pas porter « préjudice au droit d’informer ». La mention des policiers municipaux est également une nouveauté. 
Les débats ont été très vifs autour de cet article, les groupes eux-mêmes étant divisés : par exemple, le groupe MoDem n’a pas trouvé de position commune sur cette disposition, certains de ses membres demandant la suppression de l’article 24, notamment du fait qu’il créerait un « délit d’intention ». Si personne n’a remis en cause la nécessité de protéger les forces de l’ordre, de nombreux députés ont vivement critiqué le fait que cet article touche au droit de la presse. 
Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a voulu répondre aux critiques en niant tout caractère « liberticide »  à cette disposition, et en affirmant dans l’Hémicycle : « Des journalistes (…) pourront-ils filmer et diffuser sans floutage des policiers ou des gendarmes ? La réponse est oui. De simples citoyens, non journalistes, pourront-ils filmer une opération de police ? Pourront-ils diffuser ces images sans floutage ? La réponse est oui. » 
Le ministre n’a pas convaincu tous les députés, loin s’en faut. En particulier, l’ancienne juge d’instruction et ancienne avocate générale de la cour d’appel de Paris, Laurence Vichnievsky, a demandé la suppression de cet article, dans une intervention juridiquement très argumentée : « Certes, la proposition de loi n’interdit pas formellement la diffusion de telles images (…) mais la restreint en posant la condition qu’elles ne doivent pas avoir été prises dans le but de porter une atteinte physique ou psychique à l’intégrité des fonctionnaires ou militaires concernés. Permettez-moi de vous dire qu’on ne punit pas une personne pour ce qu’elle pense, mais pour ce qu’elle fait ! Notre tradition pénale ne connaît pas le délit d’intention. » 
Après plusieurs heures de débat, la version de l’article 24 proposée par le gouvernement a été adoptée par 146 voix contre 24.

Franck Lemarc

Télécharger le texte adopté. 

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