Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du lundi 1er mars 2021
Sécurité

Drones : leur utilisation par les maires mise sous surveillance

Dans un courrier adressé au président de l'AMF, François Baroin, la présidente de la Cnil, Marie-Laure Denis, rappelle aux maires que l'utilisation des drones n'est pas permise dans le cadre de missions de sécurité publique ou civile et leur demande de « s'abstenir d'utiliser ces dispositifs » tant qu'un cadre juridique n'a pas été adopté par le législateur.

La présidente de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) fait état, dans un courrier adressé le 22 février au président de l’AMF, François Baroin, d’une « augmentation »  des interrogations autour de l’utilisation des drones par les communes. « Il s’agit, en particulier, de communes souhaitant compléter leur dispositif de vidéoprotection afin d’assurer par de nouveaux moyens leurs missions de sécurité civile et publique », constate Marie-Laure Denis. Les drones ont pu, en effet, être utilisés après des catastrophes naturelles, lutter contre les dépôts sauvages, prévenir des atteintes à la sécurité des personnes ou pour contrôler les flux routiers, comme le rapporte ici BFMTV dans un reportage de mai 2019 tourné dans l’Essonne. 
« Or, rappelle la présidente de la Cnil, les dispositifs envisagés sont susceptibles de conduire à la collecte de données à caractère personnel. Les traitements mis en œuvre dans ce cadre doivent dès lors respecter »  le règlement général sur la protection des données (RGPD) et la loi Informatique et libertés du 27 avril 2016. Surtout, « en l’état actuel, aucune disposition ne permet à des acteurs publics de recourir à des caméras (à distinguer des caméras de vidéoprotection dont l’encadrement est soumis au Code de sécurité intérieure) dans le cadre de missions de sécurité publique ou civile », insiste-t-elle. 

Rien n’autorise les polices municipales à utiliser des drones

Dans un avis relatif à l’usage de dispositifs aéroportés, le Conseil d’État ne dit pas autre chose. « Il n’existe pas de fondement juridique permettant explicitement l’usage de ces dispositifs ainsi que l’exploitation des images captées par les autorités publiques concernées, qu’il s’agisse de l’État (police nationale, gendarmerie nationale, personnels chargés de la sécurité civile…) ou encore des collectivités territoriales (police municipale) ». 
La balle est dans le camp du législateur. « Seul l’article 34 de la Constitution pourrait définir les conditions permettant d’assurer la conciliation entre le respect de la vie privée et la sauvegarde de l’ordre public » . Pour l’heure, « un tel encadrement autorisant l’utilisation de caméras aéroportés par les services de police municipale n’est pas prévu »  dans la proposition de loi relative à la sécurité globale. Un texte, en cours d'examen au Parlement, contre lequel l’instance porte un regard sévère sur certaines dispositions.

Comme le ministère de l'Intérieur, les collectivités ne sont pas à l'abri d'être sanctionnées

Ce n’est pas la première fois que la Cnil se saisit de ce dossier. Elle a interdit sans exception possible, le 12 janvier, au ministère de l'Intérieur de recourir aux drones équipés de caméras tant qu'un texte ne réglementerait pas leur utilisation. Le ministère a eu recours à ces engins « en dehors de tout cadre légal »  à des fins de surveillance pendant la première période de confinement (mars-mai 2020). « Cette sanction est intervenue dans le prolongement de deux décisions du juge des référés du Conseil d’État sur ce même dispositif de captation d’images, justifie Marie-Laure Denis, et exigeant, s’agissant de la seconde décision, du préfet de police de Paris "de cesser de procéder aux mesures de surveillance par drone de ces manifestations ou rassemblements, tant que n’aura pas été pris un texte autorisant la création, à cette fin, d’un traitement de données à caractère personnel" ».
Marie-Laure Denis comprend, enfin, que « l’absence, jusqu’à ce jour, de cadre juridique clair a pu favoriser l’acquisition et l’utilisation par certaines collectivités de drones équipés de caméras aux fins de surveillance de territoire ». Mais son message est ferme : « De tels traitements constituent une violation de la réglementation applicable. Cela conduit à l’utilisation de drones sans que leur usage soit limité à certaines finalités précisément définies ni encadré de garanties appropriées, ce qui est préjudiciable en matière de vie privée, de protection des données à caractère personnel et pour l’exercice d’autres libertés fondamentales des citoyens ». Tant qu’un cadre juridique n’a pas été adopté par le législateur, Marie-Laure Denis demande donc aux maires de « s’abstenir d’utiliser ces dispositifs ». « La persistance de tels manquements à l’avenir est susceptible de donner lieu au prononcé d’une décision de sanction, le cas échéant rendu publique, par la formation restreinte de la Cnil ».

Ludovic Galtier

Télécharger le courrier de Marie-Laure Denis.

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