Maire-info
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Édition du vendredi 6 janvier 2023
Éducation

Réforme du collège : les professeurs des écoles appelés à la rescousse

Le ministre de l'Éducation nationale a dévoilé cette semaine de nouvelles mesures pour réformer le collège. Parmi elles : la mise en place d'un créneau d'une heure par semaine de renforcement en français et en mathématiques pour les élèves de sixième, dispensé par des professeurs des écoles volontaires.

Par Lucile Bonnin

D’un côté : la pénurie d’enseignants dans le primaire et secondaire. De l’autre : la volonté du gouvernement de faire « progresser »  les élèves à la sortie de l’école élémentaire. C’est le casse-tête auquel le gouvernement doit faire face depuis désormais plusieurs années. 

Pap Ndiaye, ministre de l'Éducation nationale et de la Jeunesse, a annoncé mercredi sur BFMTV que des mesures allaient être prises en faveur d’un « relèvement du niveau scolaire des élèves. »  L’axe principal choisi par le gouvernement : favoriser la liaison entre l’école et le collège. Le ministère indique en effet qu’à l’heure actuelle, « à l’entrée en sixième, 27 % des élèves n’ont pas le niveau attendu en français, près d’un tiers en mathématiques. »  

Une heure hebdomadaire de renforcement 

Le premier dispositif annoncé par le ministre de l’Éducation nationale s’inscrit dans la continuité d’une expérimentation appelée « 6e Tremplin » . Depuis septembre, dans six collèges amiénois, un accompagnement spécifique en français et mathématiques est proposé aux élèves de classe de sixième pendant une heure chaque semaine. En septembre 2023, tous les collèges français devront proposer cette heure supplémentaire.

Ce sont des professeurs des écoles, enseignants du primaire donc, qui seront chargés de faire ces cours sur la base du volontariat. Le ministre a précisé que des primes seront attribuées à ces derniers. Mais pour de nombreux professeurs, cette solution est loin d’être optimale. Interrogée par France info, Guislaine David, co-secrétaire générale et porte-parole du premier syndicat des enseignants du premier degré, le SNUipp-FSU, explique que ces enseignants vont par conséquent devoir faire leur travail la journée puis aller « le soir, après la classe, faire ces heures-là » . « Faire plus d'heures pour gagner plus »  n’est pas une solution tenable, selon elle. 

Sur les réseaux sociaux, d'innombrables réactions d'enseignants se succèdent, dans le même sens, qualifiant cette idée, selon les cas, « d'inepte » , de « dérisoire » , de « scandaleuse » . Ces réactions viennent de professeurs des écoles, d'abord, qui s'estiment déjà débordés et dans l'incapacité absolue de fournir du temps supplémentaire dans le secondaire. Mais aussi d'enseignants en collège, dont certains craignent que cette réforme soit une première étape vers la très redoutée fusion des corps, avec concours unique, qui permettrait d'employer des enseignants indifféremment en élémentaire, au collège ou en lycée.

« Devoirs faits »  et évaluations supplémentaires 

Deux autres annonces ont été faites qui, encore une fois, vont dans le sens d'augmenter considérablement le travail des enseignants sans leur en donner les moyens. D’abord, le ministre souhaite qu’à la rentrée le dispositif « devoirs faits »  soit « rendu obligatoire » . Concrètement, les élèves devront passer deux heures de plus au collège pour faire leurs devoirs. L’encadrement peut se faire par « les différents professionnels de l’établissement » . Jusqu’ici il était pris en charge « sur la base du volontariat »  car non-obligatoire. 

Autre nouveauté attendue pour septembre : « Tous les élèves de CM1 passeront des évaluations nationales en français et en mathématiques qui donneront aux professeurs des repères pédagogiques afin d’éviter que les difficultés ne s’installent. » 

Augmentation des salaires en septembre 

Ces annonces ne concernent en rien le problème le plus criant actuellement : la pénurie d’enseignants. Le ministre l’a reconnu : « L’attractivité du métier d’enseignant baisse depuis plusieurs années (..) et cela va être vrai également pour la rentrée 2023. Nous savons que nous allons ouvrir des postes et que tous les postes ne seront pas pourvus et donc nous ferons appel à des enseignants contractuels. » 

En ce début d’année, le gouvernement a réitéré son engagement de porter le salaire des jeunes enseignants à 2 000 euros net. Le ministre a également indiqué cette semaine qu’il y aurait, à partir de septembre, « une augmentation socle pour tous les enseignants et une augmentation liées à des tâches nouvelles ». 

Mais ces hausses de rémunération ne vont pas pour autant changer la donne. Le ministre reconnaît que « l’attractivité ne dépend pas que du salaire »  et que « d’autres questions relatives à la carrière »  devront être discutées. 

Quid de l’organisation locale ? 

Ce nouveau plan interroge également d’un point de vue logistique. Ce point a été souligné par Guislaine David qui explique que l’heure supplémentaire pour les classes de sixième « pose aussi des questions d'organisation au niveau du collège, c'est-à-dire qu'il faut que les élèves soient disponibles à ce moment-là, qu'ils n'aient pas pris les transports scolaires » . Les collectivités devront peut-être ajuster les horaires des transports scolaires ce qui semble particulièrement compliqué dans la mesure où certains bus font le ramassage à la fois en élémentaire et en collège. 

D'autant plus que le pays connaît une pénurie de conducteurs de cars scolaires. Difficile d’ajuster les horaires de passage des cars alors que dans certains territoires ils ne passent plus du tout. Pour remédier à cette pénurie de conducteurs, un décret a été publié fin décembre au JO pour permettre aux fonctionnaires de cumuler leur emploi avec une activité de chauffeur de bus scolaire (lire Maire info du 4 janvier). Une chose est certaine : il sera très compliqué pour un enseignant d’endosser tous ces rôles à la fois en l’état actuel des choses. 

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