Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du vendredi 22 juillet 2022
Aménagement numérique du territoire

Raccordements à la fibre : une proposition de loi pour bousculer les opérateurs

Le sénateur de l'Ain et président de l'Avicca, Patrick Chaize, a déposé mercredi dernier au Sénat une proposition de loi. Publiée hier sur le site du Sénat, elle a pour ambition de « contraindre les opérateurs à réaliser les raccordements à la fibre optique dans les règles de l'art et de sécurité » et de « garantir aux consommateurs une connexion Internet de qualité. »

Par Lucile Bonnin

Chose promise, chose due.  Après l’avoir annoncé il y a deux semaines, le président de l’Avicca, Patrick Chaize, a déposé mercredi une proposition de loi visant à assurer la qualité et la pérennité des réseaux de communications électroniques à très haut débit en fibre optique. 

Déconnexions sauvages, armoires saccagées, raccordements qui échouent : la situation actuelle du déploiement de la fibre est loin d’être satisfaisante, et ce dans de nombreux territoires. Le président de l’Avicca a rappelé lors de la conférence de presse du 7 juillet (lire Maire info du 8 juillet) que c’est « une situation qui dure depuis trop longtemps »  et où les opérateurs « se regardent entre eux »  et ne prennent pas l’initiative d’agir.

« On ne peut plus attendre » 

Si lors du précédent colloque de l’Avicca (lire Maire info du 3 juin) tous les acteurs de la filière ont convenu qu’il était temps de tirer des conclusions par rapport aux malfaçons et problèmes opérationnels de plus en plus graves, et de s’accorder sur la mise en place de solutions, rien n’a été fait en ce début d’été. 

Pourtant, « on ne peut plus attendre » , estime Patrick Chaize qui rappelle qu’après cinq années de demandes d’intervention répétées auprès de la filière télécoms de la part des élus membres de l’Avicca, le temps est venu de « mettre la pression »  sur les opérateurs, « non pas par plaisir » , mais dans le but d’assurer la qualité et la pérennité des réseaux. 

Le sénateur demande, dans l’exposé des motifs de la proposition de loi, à ce que « le législateur reprenne la main »  afin de mettre « un terme définitif aux pratiques actuelles, obtenir la remise en état des réseaux dégradés aux frais des responsables »  et « contrôler et sanctionner tout manquement aux règles de l’art. » 

Redonner la main à l’opérateur d’infrastructures 

Le titre premier de la proposition de loi déposée par le sénateur vise à « normaliser les conditions de raccordement des utilisateurs finals aux réseaux de communications électroniques à très haut débit en fibre optique. »  En effet, la répartition du travail de déploiement entre « opérateurs commerciaux, via une cascade de sous-traitants, et opérateurs d’infrastructures »  est incompréhensible pour l’abonné et peut être contre-intuitive. 

Ainsi, le premier article veut redonner le pouvoir à l’opérateur d’infrastructures qui pourra contrôler les travaux de raccordements réalisés par l’opérateur commercial et même imposer des sanctions en cas de malfaçons. Il est prévu également que l’opérateur d’infrastructures mette en place « un guichet unique permettant d’assurer la prise en charge des difficultés rencontrées ». 

Une importante partie de cette proposition de loi prévoit des mesures coercitives pour « s’assurer que des éléments soient remontés par les opérateurs commerciaux auprès des opérateurs d’infrastructures. »  Les rangs de sous-traitance seraient limités, les plannings d’intervention devraient être communiqués, des preuves de la bonne exécution des prestations devraient être envoyées. 

Une plus grande marge de manœuvre pour les clients 

Au titre de l’article 1, il est prévu que l’opérateur commercial remette à l’abonné un certificat de conformité, pour permettre à l’abonné de demander plus facilement réparation en cas de préjudice mais surtout pour garantir la qualité de l’intervention. 

Enfin, l’article 5  prévoit qu’en cas de coupure internet, l’abonné puisse suspendre son paiement pour l’abonnement. De plus, si les coupures se répètent, il pourra être indemnisé et résilier complètement son abonnement. 

Ce dernier article représenterait une avancée particulière pour tous les clients qui doivent faire face à des coupures prolongées d’accès à internet ou encore à des débranchements sauvages. Un maire d'une petite commune en Ardèche a par exemple récemment saisi l’AMF à ce sujet, indiquant que sa commune qui compte pas loin de 200 habitants est complètement privée d’internet depuis le 28 juin dernier.

Renforcer les pouvoirs de l’Arcep 

Patrick Chaize l’avait précisé pendant la conférence de presse : le dépôt de cette proposition de loi n’a pas pour but de marcher sur les plates-bandes de l’Arcep. Au contraire : le quatrième article  prévoit un véritable renforcement des actions du gendarme des télécoms. 

Concrètement, il est prévu d’inscrire « dans le code des postes et des communications électroniques le fait que l’Arcep et le gouvernement exercent un pouvoir de police spéciale des communications électroniques »  puis de renforcer « les pouvoirs de contrôle technique de l’Arcep en matière de réseaux en fibre optique et ses pouvoirs d’astreinte et, enfin, »  de lui octroyer « des pouvoirs spécifiques sur la qualité des raccordements des utilisateurs finals aux réseaux en fibre optique. » 

« Veiller à la bonne utilisation de l’argent public » 

Une grande partie de la proposition de loi prévoit aussi « de garantir la bonne utilisation des deniers publics. »  Patrick Chaize déplorait ce manque de suivi au début du mois : « Que le travail de raccordement soit bien fait ou pas, actuellement, l’opérateur commercial de premier rang est payé et reçoit des subventions. »  Selon lui, il est donc nécessaire de « conditionner ce règlement à une garantie de résultats. »   

Par conséquent, en zone d’initiative publique, le paiement ou le versement d’une subvention à l’entreprise qui a réalisé le raccordement sera soumis à la vérification par la collectivité territoriale et/ou son prestataire de la conformité de l’installation.

Patrick Chaize a également annoncé vouloir « solliciter au Sénat la mise en place d’une commission d’enquête »  dans le but notamment d’analyser « la répartition de valeur entre l’opérateur et l’entreprise qui réalise les raccordements afin de régulariser les montants de prestataires. »  (lire Maire info du 8 juillet) 
 

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