Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du mercredi 23 mai 2018
Politique de la ville

Le président de la République promet une « nouvelle méthode » pour les quartiers, mais pas d'argent supplémentaire

« Je ne veux pas de grand plan ficelé, je n'y crois pas. »  C'est la précaution prise hier par le président de la République qui a réuni à l'Élysée plusieurs centaines d'élus, représentants d'associations, bailleurs, etc., pour « l'évènement de mobilisation en faveur des quartiers prioritaires de la politique de la ville ». Quelques heures plus tôt, il avait installé officiellement le conseil présidentiel des villes, une instance vouée à jouer un rôle de vigie sur la mise en œuvre de la « nouvelle méthode »  en direction des quartiers de la politique de la ville. Car l'œuvre doit être « collective », a répété Emmanuel Macron. Cette méthode compte sur « l'engagement »  et la « mobilisation »  des différents acteurs, chacun selon ses champs de compétences. Le président a insisté sur les entreprises, au premier rang desquelles les « 120 plus grandes », leur demandant de faire leur part dans la lutte contre les discriminations à l'embauche et pour offrir 15 000 stages de 3e pour les jeunes collégiens des quartiers prioritaires qui n'en trouvent pas, financer des Centres de formation des apprentis ou « fertiliser »  les emplois francs expérimentés depuis avril.
Le président écarte l'idée d'un plan, au détour d'une formule lapidaire qui n’a pas été unanimement appréciée par les maires : « Ça n'aurait aucun sens que deux mâles blancs, ne vivant pas dans ces quartiers, s'échangent l'un un rapport et l'autre disant, « on m'a remis un plan, je l'ai découvert ». Ce n’est pas vrai, ça ne marche plus comme ça ». Il dit en revanche « banco »  au Pacte de Dijon signé par les métropoles et agglomérations en avril dernier (lire Maire info du 9 avril).
Micro en main, il a, pendant une heure et demie, déroulé ses priorités. Il n'a pas annoncé de grand soir sinon quelques mesures concrètes, renvoyant au mois de juillet ou à la rentrée de septembre pour « des actions précises ». D'ici là, sous la conduite du Premier ministre, du ministère de la Cohésion des territoires, ou avec d'autres ministères comme celui du Travail, les travaux doivent donc se poursuivre.
Aucun chiffrage particulier n'a été donné, encore moins d'injonction à donner forcément plus pour les quartiers. Les maires se sentent ce matin un peu désemparés. Comme en atteste le communiqué de l'AMF, diffusé hier soir, qui « prend acte des intentions exprimées par le président de la République dans la continuité des propositions du rapport de Jean-Louis Borloo », mais dans l'attente de leur « concrétisation », insiste sur le fait qu'il « reste nécessaire d’apporter des réponses sur les moyens financiers mis au service de la reconquête des territoires. Il ne peut pas y avoir d’ambitions sans moyens ». Rappelons en effet que Jean-Louis Borloo préconisait, lui, 48 milliards d’investissements supplémentaires pour les quartiers. L’AMF, par la voix de son président François Baroin, avait d’ailleurs écrit le 18 mai au président de la République pour exprimer son soutien aux propositions du rapport Borloo.
Après le discours d’Emmanuel Macron, les premières réactions sont souvent peu enthousiastes, à l’exception de celle… de Jean-Louis Borloo lui-même, qui s’est dit « satisfait »  et a twitté : « Au travail ! ». Francis Chouat, maire d'Évry, et président d'une agglomération « dont un quart de la population vit en quartier prioritaire », a également voulu voir le verre à moitié plein : « Certains sont déçus ou restent sur leur faim, je peux les comprendre, je préfère me rallier au chemin de l'optimisme et de la volonté qui est proposé ». De nombreux maires ou anciens maires directement concernés, en revanche – Catherine Arenou (Chanteloup-les-Vignes), François Pupponi (Sarcelles), Sylvine Thomassin (Bondy), Laurent Russier (Saint-Denis)… – ont fait part dans la presse de leur profonde déception, se disant pour certains « sidérés », « insultés »  ou « KO debout ». « Le plan Borloo est enterré dans les grandes largeurs », déclare ce matin Laurent Russier, estimant que ces lendemains qui déchantent seront « compliqués pour toutes celles et ceux qui ont travaillé dans l’ombre pendant des mois, à commencer par les maires ».
L'Anru, elle, se réjouit de « cette volonté affichée et cette confiance renouvelée en l’Anru ». Le Président estime en effet qu'elle reste « un bon instrument »  qui n'a été « abîmé »  que par le manque de moyens. Pas de remise en question de son fonctionnement donc comme le demandait le rapport Borloo, mais un nouveau programme « Cœur de quartiers », sur une quinzaine de quartiers, annoncé par le président de la République sur le modèle des Coeurs de ville. Le conseil d'administration de l'ANRU se réunira dès vendredi prochain (25 mai) pour « adopter les mesures permettant la mise en œuvre rapide de ces engagements ».
E.S. et F.L.



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