Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mardi 22 novembre 2022
Congrès des Maires de France

Outre-Mer : les élus appellent à passer aux actes

Le 104ème Congrès des maires s'est ouvert lundi 21 novembre par la traditionnelle journée dédiée aux outre-mer. 800 maires et présidents d'intercommunalités ultramarins ont partagé des témoignages et des messages forts à l'occasion de deux débats sur des thèmes clés que sont la sécurité et le logement.

Par Fabienne Nedey

La journée outre-mer a ouvert, comme de tradition, le Congrès des maires le lundi 21 novembre. « La façon dont on aborde les outre-mer à l’AMF est révélatrice d’une certaine vision de notre pays : l’égalité et l’unité nationale, ce n’est pas l’uniformité » , a souligné David Lisnard, président de l’AMF en accueillant les 800 participants. A cette occasion, il a rappellé les évolutions récentes de la représentativité des élus ultramarins au sein des instances de l’AMF : l’intégration de l’Association des communes et collectivités d’outre-mer (ACC’DOM) au bureau de l’AMF et la constitution d’une délégation des communes et intercommunalités d’outre-mer. La journée s’est structurée en deux séquences sur des thématiques clés sur ces territoires : la sécurité et le logement.

Sécurité : les élus locaux attendent des réponses immédiates et concrètes

La situation à Mayotte, qui a connu des troubles d’une extrême violence ces derniers jours « dans l’indifférence générale »  comme l’ont regretté avec amertume les élus maorais, a été évoquée en toile de fond du premier débat de la journée consacré à la sécurité. Les problématiques sécuritaires rencontrées à Mayotte, en Guyane, en Martinique ou Guadeloupe, à La Réunion, en Nouvelle-Calédonie ou en Polynésie française sont différentes. Mais toutes sont exacerbées. Michel-Ange Jérémie, président de l’Association des maires de Guyane relève que le taux d’homicides sur ce territoire est de 11,2 pour 100 000 habitants, un chiffre 10 fois plus élevé qu’en France hexagonale. Les représentants de la Gendarmerie et Police nationales, le général André Pétillot, commandant de la gendarmerie d’outre-mer, et Christian Nussbaum, chef de la mission outre-mer au cabinet du DGPN ont présenté les évolutions d’organisation et d’effectifs affectés sur ces terrioires par l’Etat (nouvelles unités de gendarmerie en Guyane, à Mayotte, en Martinique, unités spécialisées de la Police nationale créées dans certains territoires…) et témoigné de l’ambition de l’Etat d’adapter la réponse aux spécificités de chaque territoire ultramarin. Des progrès bienvenus, mais qui restent insuffisants. « Il faut des réponses fermes et beaucoup plus concrètes, adaptées à des phénomènes dont les causes sont protéiformes » , plaide Murielle Fabre, secrétaire générale de l’AMF. Les élus présents ont appelé à une prise de conscience et à une mobilisation d’ampleur contre la criminalité qui ronge l’avenir des habitants et atteint durablement la cohésion sociale de ces territoires, ainsi que de la République toute entière.

Logement : sortir des constats, passer à l’action

Lors du deuxième débat de la journée, consacré au logement, les élus ultramarins ont détaillé les besoins, contraintes et paradoxes spécifiques de leurs territoires. Alors que 80 % de la population ultramarine est éligible au logement social, la part des ménages hébergés dans les logements sociaux est de 15 % dans les DROM. Ce chiffre est même quasi nul à Mayotte. Les taux de vacance peuvent être élevés, comme en Guadeloupe. Le parc existant est vieillissant : il nécessite d’être réhabilité (70 000 logements locatifs sociaux de plus de 20 ans) et transformé pour s’adapter aux besoins. Par ailleurs, les logements précaires sont très prégnants sur ces territoires. Placés face à une nécessité vitale de construire, les élus ultramarins se heurtent durement à la rareté d’un foncier aménageable et abordable et font face à des freins relevant, entre autres, de normes de construction inadaptées. 

« Il faut sortir des constats et passer à l’action », réclame Serge Hoareau, président de l’association des maires de La Réunion, qui a co-produit avec les acteurs de l’ïle un manifeste pour un nouvel élan sur le logement social. Au cours de son 30ème congrès, qui s’est tenu en Martinique du 14 au 18 novembre, l’ACC’DOM a établi une liste de demandes à l’Etat concernant l’habitat, dont celle d’engager une loi programme outre-mer pour le logement social afin de rompre avec l’annualité de la LBU (ligne budgétaire unique, qui regroupe les aides de l’Etat au logement outre-mer). De son côté, l’association Interco Outre-mer finalise une plateforme d’observations et de propositions sur la problématique foncière.

Une inflexion de l’approche gouvernementale

En clôture de ces deux débats, Jean-François Carenco, ministre délégué chargé des outre-mer auprès du ministre de l’Intérieur s’est adressé aux élus locaux. Sur la LBU, il a indiqué qu’elle a «  augmenté chaque année, qu’elle continuera à augmenter, et que, depuis maintenant 2 ans, elle est consommée » . Il a aussi mis l’accent sur la prolongation d’un an du plan logement outre-mer, le PLOM (lancé pour la période 2019-2022 suite à la Conférence du logement en outre-mer). Sur un ensemble de sujets qu’elle défend de longue date, l’AMF s’est réjouie de constater que le ministre rejoint ses propositions. S’agissant notamment des CDPENAF (commissions départementales de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers), l’AMF demande depuis longtemps qu’en outre-mer elles émettent, des avis « simples », comme c’est le cas dans l’hexagone, au lieu de « conformes »  : cette différence d’approche n’est pas légitime, ce dont le ministre a convenu, en précisant qu’il modifierait les choses. De même, sur la vente du foncier de l’Etat aux collectivités, notamment en Guyane, le ministre s’est dit prêt à engager des évolutions. Cette inflexion de l’approche gouvernementale correspond aux orientations que l’AMF a soutenues, notamment de l’examen de la loi 3DS du 21 février 2022, sans avoir été entendue. « La convergence de vues qui se dessine doit se traduire par des actes, compte tenu de la prégnance des difficultés d’accès à un logement décent dans les territoires ultramarins » , précise un communiqué de l’AMF publié à la fin de la journée outre-mer. Dans ce communiqué, l’AMF souligne en outre qu’elle « partage avec le ministre la nécessaire réévaluation des dotations dédiées à l’outre-mer, et en premier lieu la DACOM » , mais elle met en avant la nécessité que « cette progression relève de la péréquation verticale » .

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