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Édition du vendredi 17 juin 2022
Transports

Nuisances aéroportuaires : un rapport réclame de la vigilance face à l'augmentation des vols de nuit et d'affaires

L'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires demande aux collectivités accueillant de l'aviation d'affaires d'engager localement « la réflexion nécessaire pour rendre durablement admissibles » ces activités.

Par A.W.

« Les cinq prochaines années seront décisives. »  C’est la mise en garde de l’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (Acnusa), en préambule de son nouveau rapport annuel qu’elle vient de remettre au gouvernement. 

Réclamant de la fermeté et de la vigilance face au développement du fret aérien et de l'aviation d'affaires, qui ont été dynamisés par la crise sanitaire, l’Acnusa estime qu’une « planification territoriale de la transition écologique fondée sur les engagements des opérateurs et une régulation environnementale adaptée à la situation de chacun des territoires impactés par les activités aéroportuaires est nécessaire (sic) pour concrétiser la mise en œuvre des différentes politiques publiques ».

Moins de manquements aux règles environnementales

Premier constat et première bonne nouvelle, d’abord. Si la diminution du trafic entraînée par la crise sanitaire n’a pas fait disparaître les différents manquements, les auteurs du rapport observent une amélioration du respect des règles environnementales (bruit et pollution atmosphérique) durant l’année dernière.

Et notamment de la part de « la plupart des grandes compagnies »  aériennes – qu’elles soient traditionnelles et low cost - qui ont fait l’objet de moins de poursuites en 2021 qu’en 2019. Ainsi, « le nombre de manquements commis par les compagnies ayant effectué plus de 10 000 mouvements sur les aéroports français a chuté de 1,50 à 0,92 manquement pour 10 000 mouvements entre 2019 et 2021 », constatent les auteurs du rapport, qui soulignent toutefois que « des efforts restent à faire »  notamment par les compagnies ayant effectué moins de 10 000 mouvements sur les aéroports français. Au total, ce sont en moyenne 3,05 manquements qui ont été recensés l’an passé, contre 3,69 en 2019.

« Les efforts visant à l’amélioration de la planification des vols et au respect des trajectoires de moindres nuisances doivent être poursuivis pour tendre au respect total des arrêtés ministériels portant restrictions d’exploitation des aéroports français pour raisons environnementales », recommande ainsi l’Acnusa.

Retour du trafic dans les aéroports régionaux

Bien que la reprise progressive du trafic en Europe se soit confirmée après le pic de la crise sanitaire, celle-ci est restée hétérogène selon les segments d’activités. « Si les vols cargo et d’aviation d’affaires ainsi que les vols charters sont plus nombreux qu’en 2019 (année record), les vols passagers (traditionnels et lowcost) sont encore globalement à 80 % du niveau de 2019 », expliquent les auteurs du rapport. Le nombre de mouvements à la fin 2022 devraient toutefois atteindre « 92 % du nombre des mouvements réalisés en 2019 ». 

Dans le détail, la reprise des vols intracommunautaires est « beaucoup plus forte »  que celle des long-courriers, tandis que les vols intérieurs en France ont atteint 89 % du niveau atteint en 2019, durant la dernière semaine de mars 2022. « Sur certains aéroports en région, le nombre de mouvements pourrait atteindre, voire dépasser, durant l’été 2022, les niveaux atteints en 2019 », envisage l’Acnusa.

Aviation d’affaires : la régulation n’a « pas été pensée » 

Avec un fret aérien dopé, les limites réglementaires du nombre de mouvements nocturnes (de minuit à 6 heures) pourraient, cependant, être dépassées une fois que le trafic « passagers »  vers l'Asie remontera en volume. Comme ce pourrait être le cas à Paris-Charles-de-Gaulle.

C’est un motif de « très grande vigilance », a reconnu le président de l'Acnusa, Gilles Leblanc, pour qui il s'agirait d'un « coup de canif dans la confiance des collectivités territoriales et des populations », a-t-il mis en garde dans un entretien récent à l'AFP. Réduire l’empreinte de ce trafic étant « un défi et un enjeu majeurs ».

Ce boom du fret a également eu pour effet de faire « revenir sur le marché des avions [plus anciens] »  entraînant « une dégradation en bruit moyen à Roissy », a déploré Gilles Leblanc, qui a, par ailleurs, regretté « trois ans d'inertie »  après les engagements pris en matière de lutte contre les nuisances lors des Assises du transport aérien en 2019, créant ainsi une « perte de confiance »  des populations.

Concernant la croissance de l'aviation d'affaires (à la demande), dont le nombre de mouvements a dépassé celui de l’avant-crise, l'Autorité recommande à l'État « d'accompagner les collectivités territoriales dans un développement raisonné de ce segment d'activités »  alors que certaines d’entre elles « voient dans les « nouvelles mobilités »  par voie aérienne un outil d’aménagement de leurs territoires ». D’autant que le développement de ce secteur « pourrait ne pas être que conjoncturel malgré des prix et des impacts importants », estiment les auteurs du rapport dans un focus dédié. Or, sa « régulation n'a pas été pensée », prévient le président de l’Acnusa, alors même que ce segment a « un niveau d’émission de nuisances par kilomètre/passager parcouru plus élevé que ses concurrents ».

L’Autorité de contrôle recommande ainsi, aux collectivités et aux sociétés d’exploitation d’aéroports accueillant de l’aviation d’affaires, « d’animer localement la réflexion nécessaire pour rendre durablement admissibles ces activités en concertation avec les compagnies aériennes et les assistants d’escale spécialisés ». « Les actions mises en œuvre sur l’aéroport de Nice-Côte d’Azur par exemple pour réduire les émissions de l’aviation d’affaires dans le cycle complet (atterrissage, roulage, stationnement et décollage) et celles qui s’engagent sur l’aéroport de Paris-Le Bourget, peuvent inspirer l’action locale », souligne l’Acnusa.

Difficultés dans les instances consultatives 

Dans un autre focus consacré à l’aviation légère, l’Autorité se félicite cette fois que, « dans certains territoires, l’État ou les collectivités territoriales propriétaires des aérodromes et les sociétés concessionnaires ont commencé à inciter ou à aider au renouvellement des flottes d’aéronefs basés », notamment avec des aéronefs de dernière génération moins bruyants et moins polluants. « Cette dynamique est intéressante car elle permet de former les professionnels et les amateurs à un pilotage respectueux de la riveraineté », souligne-t-elle.

Les auteurs du rapport observent, par ailleurs, que l’année 2021 a encore été marquée par des difficultés de fonctionnement administratif liées à la crise sanitaire, « la plupart des instances consultatives locales n’[aya]nt pas pu se réunir de manière habituelle ». 

« Les modalités de fonctionnement des instances consultatives ne permettent pas toujours aux professionnels du transport aérien (représentants des sociétés aéroportuaires, des compagnies aériennes, des assistants d’escale et du contrôle aérien) et aux collectivités territoriales de contribuer à la recherche de voies de progrès », fait remarquer l’Acnusa en annonçant vouloir proposer de simplifier la loi en « regroupant dans le Code de l’environnement, ou dans celui des transports, l’ensemble des projets, plans et programmes devant donner lieu à sa consultation, en précisant le moment où celle-ci doit intervenir ».

Télécharger le rapport.


 

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