Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du lundi 19 octobre 2015
Marchés publics

Commande publique : comment favoriser les petites entreprises ?

C’est un rapport particulièrement long et touffu qui a été adopté hier par les sénateurs, mais qui touche de près les collectivités : Pour une commande publique plus favorable aux PME, résultat d’une enquête très approfondie conduite sous la direction du sénateur du Tarn Philippe Bonnecarrère, tente, comme son nom l’indique, de trouver les voies pour ouvrir davantage la manne des commandes publiques aux petites entreprises.
Manne, le mot n’est pas trop fort : la commande publique, rappelle le rapport, représente « près de 400 milliards d’euros »  par an. Les PME, qui représentent 37,5 % du chiffre d’affaires des entreprises françaises, n’en ont pourtant été titulaires qu’à hauteur de 25 %. Et encore, le rapport insiste fortement sur le fait que les véritables chiffres de la commande publique sont à peu près impossibles à établir : parce que de nombreux marchés – ceux qui sont inférieurs au seuil des 90 000 € – ne sont pas comptabilisés à l’échelle nationale. La « sous-déclaration »  des commandes publiques atteindrait, selon le rapport, 100 ou 120 milliards d’euros par an ! « Plus de 90% des pouvoirs et entités soumis aux règles de la commande publique échappent totalement au radar », détaille le document : « Un très grand nombre d'acheteurs communaux et un nombre encore plus considérable de groupements intercommunaux sont dans ce cas. Alors qu'on comptait en 2012 plus de 36 600 communes, 2 581 établissements publics intercommunaux à fiscalité propre et 14 787 syndicats intercommunaux, (il n’est) recensé que 4 059 acheteurs distincts rattachés à la catégorie ‘’collectivités territoriales’’ ». L’une des propositions de la mission d’enquête est donc, pour pallier ce problème, d’améliorer le dispositif statistique afin de « mieux connaître la commande publique ».
Concernant les collectivités, le rapport suggère trois pistes essentielles de réflexion : mieux former les acteurs, favoriser la mutualisation des achats et « développer l’économie de proximité territoriale ».
Première piste : la mission suggère de faire émerger une véritable « communauté de la commande publique », en formant et en accompagnant les acheteurs. Pour cela, plusieurs axes sont proposés : « Sensibiliser les collectivités territoriales au risque d’entente, et les assister lors des actions en réparation », « mieux intégrer la dimension achat public dans les corps et cadres d’emploi de la fonction publique » , et rédiger « un manuel d’accompagnement aux acheteurs faisant référence à l’échelle nationale ».
Autre axe : « Permettre aux collectivités qui le souhaitent de mutualiser leurs achats », notamment en facilitant le recours aux centrales d’achat ou en recourant aux commandes groupées. Le rapport note que cette dernière pratique connaît ces derniers temps un vrai engouement, « 83 % des EPCI déclarant y avoir recours ». Pour autant, le recours aux centrales d’achat ou à la mutualisation, s’ils sont certainement une source d’économies pour les collectivités, ne constituent pas pour autant une piste permettant réellement de mieux faire profiter les PME de la commande publique – les commandes groupées étant, au contraire, souvent favorables aux plus grandes entreprises.
En revanche, la mission note que les collectivités locales sont finalement les mieux placées pour « favoriser l’achat local et les PME ». Mais comment le faire en restant dans les clous en termes juridiques ? On touche là à une problématique qui a été soulevée cet été par l’AMF, notamment sur la question de la restauration collective (lire Maire info des 22 et 24 juillet) : les maires sont, d’une part, désireux de favoriser les producteurs locaux dans l’approvisionnement des cantines ; mais les textes actuels ne leur garantissent pas un « cadre juridique sécurisé », dénonçait alors l’AMF – le « localisme »  étant tout simplement interdit en tant que tel comme critère dans la passation d’une commande publique..
Le rapport sénatorial ne nie pas cette difficulté, et confirme que « le localisme reste prohibé ». Il rappelle toutefois que « les performances en matière de protection de l'environnement, les performances en matière de développement des approvisionnements directs de produits de l'agriculture ou les délais et la sécurité d'approvisionnement »  peuvent faire partie des critères d’attribution d’un marché. Tout en prenant « certaines précautions pour ne pas entrer en conflit avec les principes de la commande publique », l’acheteur peut, selon le rapport, justifier de certains critères y compris pédagogiques (« sensibilisation des enfants au respect des saisonnalités ou connaissance des produits régionaux » ).
Le rapport ne fait donc, en la matière, que soulever les mêmes questions que celles posées par l’AMF cet été : favoriser les circuits courts en matière d’approvisionnement des cantines reste possible, mais compliqué et peu sécurisé juridiquement. Le gouvernement, qui a promis en juillet de « rouvrir le dossier », va maintenant travailler, sur la base de ce rapport, à « faire évoluer la réglementation ».
F.L.

Accéder au rapport de la mission Bonnecarrère.

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