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Édition du vendredi 16 avril 2021
Marchés publics

Lutte contre la corruption : les acteurs publics ont « encore d'importantes marges de progrès » selon l'Agence française anticorruption

Selon l'Agence française anticorruption (Afa), les obligations légales en matière de déontologie étaient « encore inégalement respectées » dans le secteur public, dont la culture de la maîtrise des risques restait « peu développée » en 2020.

Par A.W.

« Une faible maturité des acteurs publics dans la maîtrise des risques d’atteintes à la probité. »  C’est le constat fait par l'Agence française anticorruption (Afa) dans son rapport annuel, publié fin mars. Alors que l’année 2020 a été marquée par le lancement du premier plan national pluriannuel contre la corruption, l’agence gouvernementale - créée en 2016 par la loi Sapin II afin de contrôler la mise en place de programmes anticorruption - estime que l’engagement des acteurs publics dans la lutte contre la corruption a été, l’an passé, moins important que celui des acteurs économiques.

Mesures « rares »  et « éparses » 

« Les contrôles des acteurs publics, qu'il s'agisse des administrations de l'État ou des collectivités territoriales, montrent encore d'importantes marges de progrès en ce qui concerne la prévention et la détection des atteintes à la probité », souligne-t-elle, estimant que « les mesures, lorsqu'elles existent, sont éparses et incomplètes et s'appuient rarement sur un réel engagement des instances dirigeantes et sur une évaluation préalable et rigoureuse des risques ».
Elle pointe notamment des obligations légales en matière de déontologie (désignation d’un référent déontologue, dispositif de recueil des signalements, obligations déclaratives, cumuls d’activités, obligation de déport, contrôles déontologiques des mobilités public/privé...) « encore inégalement respectées »  et une « culture de la maîtrise des risques peu développée ».
L’Agence observe ainsi que « très peu d’acteurs publics disposent d’un code de conduite précis et complet, encadrant notamment les conditions d'acceptation des cadeaux et invitations », mais aussi qu'il existe « rarement »  une cartographie des risques « sauf lorsqu'elle est imposée », comme c'est déjà le cas pour les fonds européens. Sans compter que « le contrôle interne budgétaire et comptable, et plus généralement, le contrôle internet ou l'audit sont insuffisamment développés ».

Des progrès « moins importants »  que chez les acteurs économiques

L’Agence observe ainsi que les progrès réalisés par les acteurs publics dans la mise en œuvre des dispositifs anticorruption sont « moins importants »  que ceux constatés chez les acteurs économiques. Un déficit qui pourrait avoir un lien, selon elle, avec l'absence d'un « référentiel »  anti-corruption et de « sanctions administratives encourues en cas de non-conformité », qui existent pour les entreprises.
« Les six premiers contrôles de suite destinés à apprécier (leur) mise en œuvre par les acteurs publics, les associations et les fondations reconnues d’utilité publique des recommandations adressées par l’Afa à l’issue des contrôles initiaux révèlent une mise en œuvre partielle », estime-t-elle. Si 39 % d’entre elles étaient mises en œuvre (contre 43 % dans le secteur économique), 37 % étaient en cours (contre 44 %), alors que 10 % étaient partiellement mises en œuvre et 14 % non mises en œuvre (contre 13 % dans le secteur économique, mais cette proportion qui ne concerne qu'« une seule et même entreprise sur les sept ayant fait l’objet d’un contrôle d’avertissement depuis la création de l’Afa » ).
À noter que l’Agence a réalisé, en 2020, dix nouveaux contrôles d’initiatives sur des acteurs publics – dont trois métropoles et une commune de plus de 100 000 habitants – (et 19 sur des acteurs économiques), trois autres contrôles visant des collectivités locales dans le cadre spécifique des Jeux olympiques de 2024, ainsi que sept signalements concernant le secteur public aux différents parquets (sept également concernant des acteurs économiques).

Un guide pour la commande publique

Les auteurs du rapport rappellent également la mise en place d’un guide pour « maîtriser le risque de corruption dans le cycle de l'achat public », un « domaine d’activité économique fondamental »  et « à forts enjeux »  (en 2018, les marchés publics représentaient 101 milliards d'euros pour un peu plus de 150 000 marchés) mais « particulièrement exposé aux malversations, à la fraude et à la corruption ». « L’ensemble des acteurs du cycle des achats publics peut être concerné : acteurs internes, agissant pour le compte de l’entité acheteuse (prescripteur, acheteur, décideur et approvisionneur) et acteurs externes (opérateurs économiques) », selon eux.
Composé de cinq chapitres, d’une boîte à outils et de quatre annexes techniques, ce guide vise à accompagner les acteurs publics dans l’élaboration, la mise en œuvre et le déploiement d’un dispositif de prévention de la corruption. « Tout en rappelant les réflexes à adopter face aux situations à risques, le guide invite également l’ensemble des acteurs de l’achat public à se mobiliser pour décliner un référentiel anticorruption adapté à leur structure et ainsi créer les conditions favorables à des relations équilibrées avec leurs partenaires économiques », explique l’Agence.

Décisions pénales : la Corse se distingue

S'agissant de la réponse pénale, elle indique que les parquets ont traité 813 affaires de manquement à la probité en 2019, impliquant 1 263 auteurs, dont 242 personnes morales (parmi eux, 172 ont fait l'objet d'une poursuite devant le tribunal correctionnel). Des chiffres en progression de 12,6 % par rapport à 2014.
En 2019, les faits de manquements à la probité ont donné lieu à 332 condamnations, principalement pour corruption (41 %) et détournements de biens publics (20,5 %), prise illégale d’intérêt (15,7 %), favoritisme (10,5 %), recel (8,1 %) et trafic d’influence (3,6 %), tandis que le taux de relaxe est « particulièrement élevé pour ce contentieux : 21,3 %, à comparer avec les 7,4 % de relaxes tous contentieux confondus », note l’agence anticorruption.
Entre 2014 et 2019, la Corse se distingue particulièrement en affichant un taux de 349,3 décisions pénales pour un million d’habitants, mais aussi la Guadeloupe (184,3). Suivent d’autres départements d’outre-mer (entre 70 et 82), la région Paca (71,5) et l'Île-de-France (65,2).

Télécharger le rapport.

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