Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du jeudi 18 juin 2020
Politique de la ville

La rénovation urbaine sur la bonne voie, mais sans certitudes 

Une « gestion saine », un « financement stabilisé », mais avec une « incertitude sur une impasse possible de trésorerie en 2026 ». Voilà les points clés du rapport d’une centaine de pages de la Cour des comptes sur l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru). L’autre partie du rapport, sur la mise en œuvre des programmes de renouvellement urbain (PNRU), est un peu moins flatteuse. Les programmes sont lents, les démolitions plus nombreuses que les reconstructions. Tandis qu’il manque des outils permettant de mesurer l’impact qualitatif et sociologique de ces opérations dans les quartiers. La Cour ne taille toutefois pas à l’emporte-pièce. Elle rend aussi compte des progrès (comme sur les objectifs de mixité sociale renforcés) et des complexités et difficultés qu’il a fallu dépasser. 

Les leçons du premier programme 
Ce rapport a été commandé par la commission des finances du Sénat, qui en a donc eu la primeur, lors d’une audition mercredi 17 juin. Gérard Terrien, président de la cinquième chambre de la Cour des comptes, est revenu en détail sur ces différents points, en contrepoint desquels la Cour émet plusieurs recommandations. Car si la gestion est apparue « saine », il reste une « part de vigilance nécessaire », avec en mémoire « le pic de décaissement qui a généré de fortes tensions en 2016 ». Or c’est un nouveau programme qui démarre aujourd’hui, le « NPNRU »  pour les initiés. Son financement est aujourd’hui « stabilisé à l’horizon 2034 », grâce aux contributions d’Action logement, mais « sous réserve de conventions régulières à réactualiser », alerte Gérard Terrien. La Cour recommande de « veiller à ce que la future convention tripartite quinquennale 2023-2027 garantisse un niveau de financement permettant de faire face au rythme des dépenses prévues ».

Nouveaux chantiers
Le premier programme de renouvellement urbain, lancé en 2004, s’achève à peine, « sans doute en 2021 ». Il représente 30 000 opérations, dans près de 600 quartiers fragiles, et 382 communes. Au total, 46,1 milliards auront été « engagés »  (dont plus de 20 milliards par les bailleurs), pour 11 milliards « décaissés ». La précision est moins évidente dès lors qu’il s’agit d’évaluer l’impact de ces opérations, les données étant « partielles »  et « datées ». C’est ce qui conduit la Cour à insister pour que l’évaluation soit mieux préparée pour le nouveau programme qui démarre. Ces « difficultés persistantes »  que connaît l’Agence « à mettre en place un système d’information permettant d’assurer un suivi efficace et exhaustif des projets »  est l’une des faiblesses sur lesquelles le sénateur Philippe Dallier, rapporteur spécial des crédits consacrés au logement et à la politique de la ville au sein de la mission « Cohésion des territoires », ne manque pas d’insister. 

La machine relancée
Le nouveau programme, lancé en 2014, devient lui enfin opérationnel. La machine a été longue à se mettre en route, car il a fallu doubler la mise de départ trop basse (de 5 milliards). Puis la période d’instruction des projets a été fastidieuse. Cela s’accélère depuis que l’Agence a entrepris, en 2018, la « simplification des procédures »  et la « déconcentration d’une partie des décisions », ce qui fait partie des bons points décernés par la Cour. L’Anru devrait d’ailleurs adopter de nouvelles mesures de simplification et d’accélération lors de son prochain conseil d’administration, le 23 juin. Aujourd’hui, 391 projets sont validés dont 168 ont reçu les feux verts pour lancer leurs travaux. « 213 », a actualisé le directeur de l’Anru, Nicolas Grivel.  

L’effet covid-19
Le rapport a été terminé en avril et il ne tient donc pas compte de l’impact de la crise liée au covid-19 sur l’activité de l’agence et le déroulement des programmes. Le président de la 5e chambre de la Cour des comptes estime que les « deux mois de confinement auront sans doute un impact ». En retardant l’avancée de certains projets, voire en en remettant certains en cause si les bailleurs sociaux (déjà touchés par la baisse des APL) et les collectivités y perdent encore quelques plumes. Autres points de vigilance soulevés par la Cour, le système de notation des bailleurs et des collectivités (à actualiser et expliquer), et le passage de l’Agence en comptabilité industrielle et commerciale (il reste à en analyser les avantages et inconvénients).

Emmanuelle Stroesser

Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2