Maire-info
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Édition du mardi 20 décembre 2022
Crise énergétique

La crise énergétique provoque une chute brutale du pouvoir d'achat des Français

Une étude de l'Insee publiée hier chiffre pour la première fois les conséquences de la crise inflationniste sur le pouvoir d'achat des ménages. En juin, c'est-à-dire avant une nouvelle accélération de l'inflation à l'automne, ceux-ci avaient déjà perdu quelque 720 euros de « revenu disponible » en 18 mois. 

Par Franck Lemarc

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La population française s’appauvrit. Ce constat, que bien des maires font au quotidien, est aujourd’hui confirmé par une étude de l’Insee consacrée aux conséquences de la hausse du prix de l’énergie sur le pouvoir d’achat des ménages. 

41 % d’augmentation pour le fioul domestique

Cette étude porte sur la période janvier 2021-juin 2022. Autrement dit, elle ne prend pas encore en compte le second semestre 2022, lors duquel l’inflation a été encore plus marquée que pendant le premier. 

Pendant la période étudiée, les prix de détail du carburant ont augmenté en moyenne de 20 % pour l’essence et de 24 % pour le diesel, indique l’Insee. En même temps, « les prix liés au chauffage et au fonctionnement de la maison »  ont fortement augmenté : 37 % pour le gaz, 41 % pour le fioul domestique. La hausse a été moins marquée pour l’électricité (5 %). 

Le gouvernement a mis en place des mesures de protection face à l’inflation : chèque énergie, bouclier tarifaire, ristourne à la pompe. L’Insee a bien entendu tenu compte de ces dispositifs dans ses calculs, et note que sans ceux-ci, la situation aurait été plus grave encore : les dépenses énergétiques auraient, par exemple, été de 270 euros supplémentaires en moyenne. 

Double peine dans les territoires ruraux

Mais « malgré ces mesures », les ménages ont fortement perdu du pouvoir d’achat pendant la période. Leurs dépenses ont augmenté de presque 25 milliards d’euros par rapport à ce qu’elles auraient été si les prix étaient restés au niveau de 2020. Cela représente « une perte de 840 euros par ménage entre janvier 2021 et juin 2022, soit 1,6 % du revenu disponible sur la période ». Cette perte a été en partie compensée par les dispositifs d’aide, qui ont permis de la ramener à 720 euros par ménage. 

Mais ces chiffres ne sont, évidemment, pas les mêmes d’un bout du territoire à l’autre. Dans les villes, la perte est un peu moins marquée que dans les zones périurbaines et les campagnes, pour la raison évidente que dans ces territoires, l’usage de la voiture est plus important. À Paris, où le réseau de transport urbain est extrêmement dense, la perte est limitée à 580 euros. Dans les zones rurales, elle est de 910 euros ! 

Double peine : en plus du carburant, les habitants des zones rurales ont plus souvent recours au fioul domestique. La perte de revenu est « d’autant plus forte que les ménages résident dans des communes peu peuplées ». Dans les plus petites communes, selon l’Insee, la perte de revenu disponible peut dépasser les 1000 euros sur la période.

Les ménages modestes plus touchés

Ce sont les ménages les plus modestes qui sont les plus durement touchés par cette crise, bien qu’ils soient les principaux bénéficiaires des dispositifs d’aides mis en place par l’État.  

Plus précisément, l’Insee explique que la perte de revenu disponible augmente avec le niveau de vie, en valeur absolue (les ménages les plus pauvres ont perdu en moyenne 300 euros de revenus disponibles pendant la période, tandis que les 10 % plus aisés ont perdu 1 230 euros). Mais en proportion de leur revenu disponible total, les plus aisés sont nettement moins affectés que les plus pauvres. Par exemple, la hausse des prix de l’énergie a entraîné une baisse de revenu disponible des plus modestes de 2,3 % sur la période, contre 1,2 % pour le tiers des ménages les plus aisés. 

HLM : hausse des impayés

Les effets de cette situation se font déjà sentir. Par exemple sur le paiement des loyers dans le logement social. Hier, l’Union sociale de l’habitat (USH) a lancé une alerte sur « une forte montée des impayés de loyers ».

Selon une enquête flash menée en décembre auprès de presque 200 organismes HLM,  les deux tiers de ceux-ci « enregistrent une augmentation du nombre de ménages en difficulté financière ». La moitié des organismes interrogés enregistre « une hausse de plus de 10 % du nombre de ménages en retard de paiement de loyer de plus de trois mois par rapport au 31 décembre 2021 ». «  Parmi les organismes qui enregistrent les plus fortes hausses en termes de ménages en retard de paiement de plus de trois mois, la part de ceux qui ont un chauffage au gaz est supérieure à la moyenne », relève l’USH. 

Emmanuelle Cosse, la présidente de l’USH, en appelle au gouvernement face à « une situation qui va rapidement devenir insupportable pour des centaines de milliers de familles ». L’ancienne ministre du Logement dénonce « le caractère très incomplet du bouclier tarifaire (…) pour les personnes chauffées collectivement au gaz et à l’électricité, (qui) ne bénéficient toujours pas de la même protection que l’ensemble des Français ». 

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