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Édition du jeudi 30 juin 2022
Numérique

L'accessibilité numérique : un défi qui reste encore à relever sur les sites internet des collectivités

Depuis 2012, les sites des organismes publics doivent être accessibles à tous, y compris aux personnes handicapées. La réalité est tout autre puisqu'aujourd'hui seulement 3 % des sites sont pleinement accessibles. Les collectivités sont aussi à la traîne sur le sujet. Pourtant, rendre le site d'une mairie accessible, notamment aux personnes malvoyantes, est aujourd'hui indispensable.

Par Lucile Bonnin

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Lorsque l'on entend « accessibilité »  on pense souvent aux aménagements des espaces publics pour les personnes handicapées mais rarement aux adaptations des sites internet. Or en matière de handicap visuel, cette question est primordiale car « il ne faut pas croire que les personnes déficientes visuelles ne peuvent pas utiliser l’informatique » , explique Sylvain Nivard, président de l’Association Valentin Haüy (AVH), interrogé par Maire info. 

Lui-même atteint de cécité, cet ancien maire d’un village du Cher a décidé de rejoindre cette association car selon lui « beaucoup est à faire »  en termes de sensibilisation. Avec 125 implantations partout en France, la structure aide les aveugles et malvoyants et propose aussi aux élus un accompagnement pédagogique sur ces sujets, notamment sur celui de l’accessibilité numérique des sites web municipaux. 

Et en effet « beaucoup est à faire »  car selon les observations de l’AVH, même les sites des plus grandes villes de France ne répondent pas à l'entièreté des obligations d’accessibilité. De surcroît, aucune commune ne dispose d'un site internet totalement accessible aujourd'hui.

L’accessibilité : une obligation pour les collectivités 

Les obligations d’accessibilité des sites publics aux personnes en situation de handicap ont été introduites par l’article 47 de la loi du 11 février 2005 dite « loi handicap ». Les collectivités territoriales doivent, depuis 2012, se conformer aux règles du référentiel général d’amélioration de l’accessibilité (RGAA).

De plus, depuis le 23 septembre 2019, les sites publics doivent publier une déclaration d’accessibilité et afficher leur conformité dès la page d’accueil. Sur le site de la commune de Lalouvesc (Auvergne-Rhône-Alpes) on retrouve par exemple en bas à gauche la mention « Accessibilité : partiellement conforme ». 

Problème : ces obligations ne sont pas respectées. « D’abord parce qu’il y a un manque de pédagogie autour de la question et ensuite parce qu’il n’existe pas d’autorité de contrôle en la matière ni de sanction » , explique Sylvain Nivard. La loi ne sanctionne en effet pas le défaut d’accessibilité, mais seulement le non-respect des obligations déclaratives, « mais concrètement les sanctions de ce non-respect ne sont pas appliquées » , précise le président.

Des mesures concrètes à mettre en place

Rendre accessible un site aux personnes malvoyantes peut sembler être une tâche complexe. Pourtant, rassure Sylvain Nivard, « ce n’est pas compliqué de rendre un site accessible, le plus dur est d’y penser. »  En tant qu’aveugle, le président de l’AVH possède un logiciel sur son ordinateur qui lui permet de récupérer les informations. « Pour que tout fonctionne, il faut que le site internet de la commune ait été développé de façon conforme aux normes d’accessibilité et ainsi nos logiciels peuvent décrypter le contenu du site. »  

Ces adaptations passent par la mise en place de plusieurs petites mesures assez simples comme le fait de donner à une image une légende soignée qui peut servir de remplacement aux images comme des dessins informatifs, des cartes, des schémas ou des graphiques, par exemple. Un site devrait aussi être navigable exclusivement à l’aide du clavier et le contraste doit être suffisant entre le texte et son arrière-plan pour les personnes malvoyantes. 

« Cette mise en conformité ne coûte pas plus cher à la commune, contrairement aux idées reçues que l’on peut entendre, explique le président de l’association. Le surcoût est marginal surtout si on le fait au moment où la mairie refond le site avec une nouvelle version. C’est l’occasion de repartir du bon pied. »  

Le président précise que « la commune peut facilement faire une demande auprès de son prestataire »  même si, normalement, le prestataire numérique devrait avoir un devoir de conseil sur cette obligation. « Il faudrait, dans un marché public pour acheter un progiciel, prendre en compte l’accessibilité comme un critère indispensable ».

« Le maire doit s’adresser à tout le monde » 

En plus d’être une obligation légale, rendre son site accessible est une démarche « de bon sens » . La dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA), selon l’Inserm, est la première cause de handicap visuel chez les personnes de plus de 50 ans et concerne environ 8 % de la population française. Plus largement, en France, près de 1,7 million de personnes sont atteintes d'un trouble de la vision. « C’est une part de la population importante que l’on ne peut pas mettre de côté » , indique Sylvain Nivard. 

« Le maire doit s’adresser à tout le monde, soutient l’ancien élu. Ce qui a beaucoup changé – et ce dont les maires n’ont pas forcément tous pris conscience – c’est qu’il y a 10 ans, quand je voulais connaître les horaires de la piscine, de la bibliothèque municipale ou du bureau de l’aide sociale, je pouvais téléphoner. Aujourd’hui il faut se rendre sur le site web. C’est devenu de plus en plus incontournable. Avant il y avait une alternative, mais plus maintenant. » 

Le manque d’accessibilité peut aussi créer un effet d'exclusion. De plus en plus d’applications pour smartphone émergent pour signaler une « anomalie »  sur la place publique ou faire remonter des informations à la mairie. Problème : ces dernières sont souvent complètement graphiques. Sylvain Nivard, par exemple, ne peut alors « pas jouer son rôle de citoyen »  comme les autres habitants. « C’est cela la fracture numérique » , conclut le président de l’AVH qui rappelle que les comités locaux de l’association peuvent être un appui précieux pour les maires et les agents qui ne connaissent pas encore bien le sujet mais qui sont tous, manifestement, « de bonne volonté » 
 

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