Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du vendredi 24 juin 2022
Interview

La Fédération des acteurs de la solidarité prône « un changement de méthode fondamental », et la « confiance » entre élus et associations

Réunie en assemblée générale mercredi et jeudi dernier (15 et 16 juin) à Rennes, à la veille du second tour des législatives, la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) a adopté sa feuille de route pour les cinq ans à venir et posé un certain nombre de jalons sur des dossiers clés. Son président, Pascal Brice, fait le point dans un entretien accordé à Maire info.

Par Emmanuelle Stroesser

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© FAS

Votre fédération a adopté son projet fédéral que vous résumez en une phrase : « le plein emploi, chiche, mais avec la disparition de la pauvreté ». Qu’est-ce que cela signifie ?

Cela veut dire que nous sommes prêts à prendre notre part. Mais dès lors que ce plein emploi s’accompagnera bien d’une réduction massive de la pauvreté et de la précarité.  

Parce ce que le plein emploi ne suffit pas à sortir de la pauvreté ? 

Absolument. Il n’y a pas eu d’explosion de la pauvreté, car les pouvoirs publics ont fait ce qu’il fallait, mais il y a un enracinement de la pauvreté, on le voit un peu partout, en milieu rural, dans les quartiers, chez les jeunes, les femmes, les travailleurs âgés. Il y a aussi une extension de la précarité pour des gens qui sont au travail. Accentuée par la hausse des prix dans la période actuelle. 

Structurellement, de quoi vos associations ont-elles besoin ? 

Nous avons besoin collectivement de nous assurer que les droits existants sont effectifs. C’est la question de la lutte pour l’accès aux droits. Or le numérique, par exemple, s’il a des avantages, pose aussi beaucoup de problèmes très lourds pour les publics précaires. C’est aussi la conquête de nouveaux droits, pour les jeunes, les femmes, par rapport à la transition écologique. Pour tout cela, il nous paraît indispensable de redonner au travail social la valorisation qu’il mérite du point de vue de son utilité sociale.

Vos métiers sont-ils en crise ? 

Nos associations n’arrivent plus à recruter. Nous faisons face à une crise très profonde. C’est une folie par rapport à ce qui est devant nous ! Car nos métiers sont mal payés, mais aussi leur perception dans l’opinion a régressé. Les déroulements de carrière ne sont pas satisfaisants. Il faut donc remettre le travail social au cœur des politiques publiques. 

En tant qu’employeurs, assumez-vous aussi une part d’autocritique ? 

En tant que fédération, nous ne sommes pas employeurs, mais les associations le sont en effet, et il y a effectivement un travail à faire sur la rémunération. Mais simplement, la plupart des associations fonctionnent sur financements publics, donc cela renvoie au prix de journée, et donc à la question des moyens de l’accompagnement social.

Que demandez-vous à l’État ?

Ce que nous préconisons, c’est un changement de méthode fondamental. Car notre constat est que les approches centralisées, bureaucratiques, formalisées ne fonctionnent pas. Nous préconisons des approches qui partent des personnes concernées et des territoires. Le très bon exemple, c’est l’expérimentation Territoires zéro chômeur longue durée. 

Il faut refaire confiance aux acteurs. Pas de manière aveugle, car ils doivent rendre des comptes sur les financements publics. Mais ils ont besoin qu’on leur donne les moyens de bosser, et qu’on les laisse bosser. Les équipes sont épuisées, mais elles sont à l’action et mobilisées.

Comment décliner cela au niveau local ? Car dans les ateliers du congrès, il a souvent été évoqué les difficultés d’installation de nouveaux projets…  

J’ai envie de dire aux élus et surtout aux maires : faisons-nous confiance. Les élus savent le plus souvent que quand vous avez un centre bien géré, cela se passe toujours très bien. Et je constate qu’à chaque fois qu’il y a des réticences à l’installation de structures, en six mois, elles disparaissent. J’en appelle donc à amplifier ces relations de confiance. 

Vous avez dit, à l’ouverture du congrès, que vous n’étiez pas de simples opérateurs, donc de simples prestataires de services. C’est aussi un message aux élus ? 

Ce message s’adresse à l’État, car c’est surtout lui qui nous finance, avec les conseils départementaux. L’association est un lieu d’expertise qui a la capacité de régler des difficultés locales. Donc quand on essaye de transformer des associations en opérateurs, tout le monde y perd, car vous retombez dans le schéma bureaucratique et formaté. Nous voulons être contrôlés sur la réalisation des objectifs mais rester autonomes. 

L’un des principes des structures réunies par la FAS est l’accueil inconditionnel. Vous dites qu’il est malmené par la pression mise sur les structures ? 

Oui, il est malmené et c’est intolérable. La conditionnalité, c’est le fait que toute personne sur le territoire national a le droit à une prise en charge adaptée à sa situation. C’est un principe d’action essentiel, qui se pose beaucoup pour les étrangers. Nous voulons être dans le respect des principes et de ce que prévoit la loi (Code de l’action sociale) et sans surenchère. 

Autre sujet sensible : l’obligation de travail pour les bénéficiaires du RSA. Êtes-vous résolument contre ?

C’est pour nous une ligne rouge. Cela n’a pas de sens, c’est de la manipulation idéologique. Il y a des fois où l’accès au travail met plus de temps et c’est le travail de nos associations que de les accompagner. En revanche, nous serons prêts à discuter de ce que nous avons fait avec Élisabeth Borne pour adapter le contrat d’engagement jeune pour les jeunes très précaires et que nous allons mettre en place. À savoir un engagement réciproque, et qui passe d’abord par le fait que l’État et les collectivités mettent en place l’accompagnement des bénéficiaires du RSA qui n’existe pas, le plus souvent. 

Sur l’accès aux droits, quelle doit être pour vous la première mesure à prendre ? 

La solidarité à la source ! Autrement dit le versement automatique des prestations. Pour éviter qu’il y ait par exemple un tiers des bénéficiaires potentiels du RSA qui ne fasse pas valoir ses droits. Ce serait précieux si cela pouvait se mettre en place rapidement. 

Que pensez-vous du chèque alimentaire, est-ce le genre de réponse adaptée au contexte actuel ?

Oui aux chèques alimentaires, à l’idée d’une aide aux ménages défavorisés dans un contexte de hausse des prix. Ou d’ailleurs au projet issu de la Convention citoyenne pour le climat qui permettrait aux ménages défavorisés d’accéder à une alimentation de qualité. Mais nous disons deux choses : il faut veiller à renforcer les associations qui font des distributions alimentaires car ce sont des lieux et des moments qui permettent d’enclencher des accompagnements sociaux. Et surtout, la priorité, c’est une revalorisation de 10 % des minima sociaux. Très vite, pas en septembre !

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