Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mercredi 11 février 2015
Interview

Jacques Pélissard : « Il ne faut surtout pas choisir une commune nouvelle parce qu'il y a des avantages financiers »

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© D.R.
Ancien président de l’Association des maires de France, le député du Jura Jacques Pélissard avait déposé en janvier 2014 une proposition de loi afin d’améliorer le régime des communes nouvelles, créées par la loi de réforme des collectivités territoriales.
Le texte, issu de la fusion de sa proposition de loi et de celle déposée plus tardivement par la députée Christine Pirès-Beaune, a fait l’objet d’un accord en commission mixte paritaire le 27 janvier dernier (lire Maire info du 28 janvier). Il devrait être définitivement adopté par les députés cet après-midi, puis le 19 février prochain par les sénateurs.

Le Parlement s’apprête à voter définitivement votre proposition de loi sur les communes nouvelles. En quoi ce nouveau texte va-t-il faciliter la création de ces nouvelles communes ?
Il va faciliter leur création sur un triple registre. En matière de gouvernance tout d’abord pour les communes nouvelles qui vont se créer à partir au 1er janvier 2016. Tous les élus sortis des urnes en mars 2014 pourront ainsi, s’ils le souhaitent et si c’est décidé par les communes, participer à l’instance de gouvernance de la commune nouvelle. La loi prévoit aussi automatiquement des maires délégués avec une continuité de leur fonction actuelle de maire.
J’ai également fait voter, pour la prochaine mandature de 2020-2026, le principe d’une représentation mieux adaptée au territoire de la commune nouvelle. Cela peut représenter de 2 à 4 élus de plus. Cela va permettre l’implication de plus d’élus dans la vie municipale de la commune nouvelle.
Le deuxième avantage concerne les dotations de l’Etat. La DGF est sanctuarisée pour les communes nouvelles pour 3 ans. Au moment où les dotations vont baisser d’environ 30 % d’ici 2017, ce gel des dotations est une chose extrêmement importante pour contribuer à l’investissement local et à l’autofinancement de nos projets.
Troisièmement enfin, la loi telle qu’elle va être votée prévoit une majoration de 5 % de la DGF pour les communes nouvelles comptant entre 1 000 et 10 000 habitants. C’est la traduction d’une réelle volonté de permettre des regroupements de petites communes mitoyennes qui seront plus fortes ensemble.

Le texte prévoit qu’en définitive, une intercommunalité se transformant en commune nouvelle devra obligatoirement être rattachée à une autre intercommunalité dans un délai maximum de 24 mois. Cela peut-il freiner certains projets ?
Non, je ne le pense pas. Deux ans est un délai raisonnable pour qu’une commune nouvelle choisisse l’intercommunalité à laquelle elle va adhérer. Un an, comme cela avait été envisagé au départ, aurait été en revanche un délai trop court.

Avez-vous un message particulier à adresser aux élus qui veulent se lancer ?
Il ne faut surtout pas choisir de créer une commune nouvelle parce qu’il y a des avantages financiers. Ce serait un contresens. Il faut choisir la commune nouvelle parce que l’on veut des communes plus fortes dans des intercommunalités de projet, parce que l’on veut regrouper la richesse financière de chaque commune et la richesse humaine de l’ensemble d’un bassin de vie. Il faut créer une commune nouvelle parce que l’on souhaite une meilleure rationalisation de l’action publique, parce que l’on se connaît et que l’on a envie de travailler ensemble.

La commission des lois de l’Assemblée a largement modifié le volet intercommunal du projet de loi NOTRe, notamment en rétablissant le seuil de 20 000 habitants pour les intercommunalités et en introduisant dans le texte le principe de l’élection au suffrage universel direct pour l’ensemble des conseillers communautaires. Comment réagissez-vous ?
Je pense qu’avoir une approche comptable est une erreur. Ce qui compte, c’est un bassin de vie cohérent. Une intercommunalité de 20 000 habitants en zone urbaine dense, c’est trop petit et, par hypothèse, parfaitement irréaliste en zone rurale. Je me battrai en tant que député pour revenir à une approche en terme de bassin de vie et non pas de chiffres qui ne correspondent à rien.
Si malheureusement ce chiffre de 20 000 habitants qui est porté par le gouvernement et la majorité à l’Assemblée passait, cela rendrait alors encore plus importante la commune nouvelle. En effet, les petites communes dans une intercommunalité de 20 000 habitants seront totalement marginalisées, alors qu’à l’inverse, des petites communes regroupées en communes nouvelles pourront peser au sein de ces vastes intercommunalités.
L’élection au suffrage universel de l’ensemble des délégués communautaires est aussi une erreur car cela va conduire à la marginalisation des petites communes, à la politisation à outrance de l’intercommunalité. Il faut revenir à l’approche qui fait de l’intercommunalité un outil au service des communes.

Une hypothèse a été évoquée de faire des EPCI des collectivités territoriales à part entière et de transformer alors les communes en sections de l’intercommunalité. Comment réagit l’ancien président de l’AMF ?
Entre les deux projets, celui que je porte sur les communes nouvelles et celui d’une transformation des EPCI en collectivités territoriales à part entière, il existe une différence capitale : le volontariat. Dans la commune nouvelle, basée sur le volontariat des communes, il y a préservation de la proximité, le maire délégué est l’élu référent de son territoire. Dans le cadre où l’intercommunalité se transformerait en collectivité, le pouvoir démographique et politique sera celui des grosses communes.
Dans une commune nouvelle, les communes déléguées permettent un meilleur ancrage territorial de la totalité de la zone que recouvre la commune nouvelle, ce qui ne sera pas le cas en cas de transformation d’un EPCI en collectivité territoriale.

Une PPL, elle aussi adoptée, réintroduit la possibilité d’accords locaux pour la composition des conseils communautaires. Redonner un peu de souplesse aux élus était-il indispensable ? Si oui, pourquoi ?
Oui, c’était indispensable. Au moment de la décision du Conseil constitutionnel du 20 juin 2014, l’AMF avait aussitôt réagi en disant qu’il fallait absolument préserver la possibilité d’accords locaux et que le seul critère démographique n’est pas bon. Il n’est absolument pas nécessaire qu’une ville-centre ait une représentation collant précisément à sa démographie. L’accord local est important pour dégager les consensus. La loi que nous avions appelée de nos vœux permettant de restaurer la possibilité d’accords locaux le fait avec une approche partiellement rétroactive. C’est judicieux. Ce texte va donc dans le bon sens.
Propos recueillis par Christine Nemarq

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