Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mercredi 29 juillet 2015
Interview

André Laignel : « Nous n'accepterions pas que la réforme de la DGF transforme les communes en annexes des intercommunalités »

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Le rapport de Christine Pirès Beaune sur la réforme de la DGF a été présenté en fin de semaine dernière, deux semaines après que le Comité des finances locales eut adopté une résolution de six associations d’élus acceptant des « ajustements »  dès la prochaine loi de finances, mais demandant « une loi spécifique »  pour 2017 sur ce sujet. Le gouvernement, de son côté, a annoncé vouloir « appliquer la réforme »  dès l’an prochain (lire Maire info du 27 juillet). Réaction d’André Laignel, président du Comité des finances locales et premier vice-président délégué de l’AMF.

Partagez-vous le diagnostic établi par Christine Pirès Beaune sur le dispositif actuel de la DGF ?
Oui, en grande partie. Quand la députée constate que la DGF est aujourd’hui obscure, pour ne pas dire illisible, elle a raison. C’est le résultat de l’histoire, de beaucoup de réformes successives. Lorsque l’on superpose trop de couches, l’harmonie de l’ensemble en pâtit. De même, lorsqu’elle dit qu’il y a des éléments d’injustice, cela fait écho à ce que nous répétons depuis bien des années, notamment au CFL. En même temps, toute différence n’est pas forcément une injustice. Donc, oui, il y a des injustices à corriger – même si tout n’est pas injustice. Oui, il faut rendre plus lisible et plus claire la DGF.

Beaucoup des propositions de Christine Pirès Beaune, en dehors de la « DGF locale », figurent dans la résolution votée au CFL début juillet ?
C’est normal, puisque Christine Pirès Beaune s’est inspirée des dix groupes de travail que j'ai réunis au sein du CFL. Elle reprend donc un certain nombre des éléments que nous avons nous-mêmes élaborés, ce dont je ne me plains pas. En même temps, il faut creuser les questions. Christine Pirès Beaune distingue trois éléments pour la future DGF : une dotation de base, une dotation de centralité et une dotation de ruralité. On peut être d’accord, mais tout est dans la définition. « Dotation de centralité » ? Très bien, mais comment prendre en compte cette centralité ? Ce qui est proposé est en l'état insuffisant : il s’agirait de s’appuyer sur le seul critère de la population. Cela ne reflète qu'imparfaitement la réalité. Dans ma propre communauté de communes, ma ville, Issoudun, pèse un peu plus de 60 % de la population mais 90 % des équipements. Si on ne prend en compte que la population, on va considérer que je n’ai que 60 % des charges, et non 90 % ? C’est insuffisant. Il faudra donc appliquer des facteurs de corrélation, ce qui n’est pas simple. Si l’on veut que ce soit juste, ce ne sera pas simple : le simplisme est rarement juste.

Venons-en à la DGF locale. Le rapport dit à la fois que la répartition de cette DGF entre communes et EPCI sera décidée par la loi, mais que des dérogations seront possibles. Qu’en pensez-vous ?
L’AMF – tout comme le CFL dans sa majorité – est opposée à la DGF locale. C’est le principe même qui est en cause, pas les modalités. Est-ce que c’est la commune qui reste le pilier et l’intercommunalité l’outil, ou est-ce que, subrepticement, on veut inverser le rapport et faire de l’intercommunalité le pivot et de la commune l’annexe ? Nous ne l’accepterions pas.
On va nous apporter toutes les garanties… la première année. Et ensuite, il suffira de n’importe quel amendement dans je ne sais quel texte financier pour changer les équilibres.

Mais quand Marylise Lebranchu, la ministre de la Fonction publique, dit que « la DGCL ne peut pas décider de tout à Paris »  et qu’il faut que les choses se décident dans les territoires, que lui répondez-vous ?
Je réponds qu’aujourd’hui, la DGF est déjà sur les intercommunalités et les communes. S’il y a besoin de faire des ajustements, il y a des dotations de compensation, des fonds de concours. Les outils existent déjà pour répondre à cette préoccupation – légitime – de Mme Lebranchu. Ils sont amplement suffisants. J’en profite d’ailleurs pour rappeler que la loi RCT de 2010 permet d’ores et déjà de faire que la DGF soit territorialisée, par décision à l’unanimité des membres d’un EPCI. Pas une seule communauté en France n’a souhaité le faire.

Le gouvernement veut-il, à votre avis, passer en force en imposant que la réforme se fasse dès le PLF pour 2016 ?
Le communiqué de Matignon, publié vendredi, est subtil. Il liste les points d’accord avec le CFL, sans évoquer les points de désaccord. Il dit que la réforme sera appliquée dès la prochaine loi de finances. Je considère que cela ne vaut que pour ce qui est cité dans le communiqué, pas pour ce qui n’y est pas. Une dotation de base, une dotation de centralité et de ruralité, oui ! Mais à partir du moment où toutes les simulations auront été faites, grâce à un travail de fond. Et nous ne sommes pas convaincus que ce travail de fond aura le temps d’être fait pour le prochain PLF. Même si la rédaction du PLF est naturellement déjà très avancée, il reste tout le débat parlementaire, qui peut faire évoluer les choses. Pour l’instant, j’attends déjà une réponse à la délibération du CFL, nous indiquant sur quoi le gouvernement souhaite que nous travaillions. Je souhaite que cette réponse arrive rapidement, de façon à ce que nous puissions nous mettre au travail dès les premiers jours de septembre.
Propos recueillis par Franck Lemarc

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