Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du mardi 17 mai 2022
Hausse des prix

Hausse des prix : cinq associations d'élus demandent à Bercy d'ouvrir le dialogue sur la commande publique

Cinq associations d'élus, dont l'AMF, ont envoyé la semaine dernière un courrier au ministre de l'Économie sur « les conséquences de la hausse des coûts des matières premières et de l'énergie sur l'exécution des marchés publics ». Décryptage.

Par Franck Lemarc

La hausse spectaculaire de l’inflation frappe durement les collectivités locales. D’abord celle des prix de l’énergie, qui renchérit de très nombreuses dépenses de celles-ci (réseaux de transport, éclairage public, chauffage des bâtiments et des équipements, etc.). Puis celle des matières premières, dont les conséquences se sont très vite fait sentir dans des domaines tels que l’eau et l’assainissement (lire Maire info du 25 avril), les chantiers de travaux publics… Et même la hausse des prix des denrées alimentaires, qui commence à poser de sévères problèmes aux gestionnaires de cantines – Maire info reviendra sur ce sujet dans une prochaine édition. 

Une circulaire du Premier ministre

Si le gouvernement refuse obstinément, depuis plusieurs mois, de prendre des mesures de type « bouclier tarifaire »  pour protéger les collectivités, ou encore de déclencher une aide financière dédiée, il a, en revanche, pris des mesures concernant l’exécution des marchés publics, détaillées notamment dans une circulaire du Premier ministre rendue publique début avril (lire Maire info du 4 avril). 

Ces mesures, essentiellement destinées à protéger les entreprises, consistent d’une part à recommander aux services de l'État d’appliquer les règles du Code de la commande publique permettant de « modifier les conditions techniques d’exécution d’un contrat », par exemple « en substituant un matériau à celui qui était initialement prévu »  si celui-ci est « introuvable ou devenu trop cher ». Et, d’autre part, d’appliquer « la théorie de l’imprévision », qui permet d’accorder une indemnité à l’entreprise si un événement « imprévisible »  bouleverse l’équilibre du contrat. Enfin, le Premier ministre demandait aux acheteurs de ne pas recourir à des prix fermes, en instaurant dans les contrats « une clause de révision des prix ».

Autant de mesures favorables aux entreprises confrontées à la hausse des prix de leurs matières premières, mais susceptibles de surenchérir fortement le coût des contrats pour les collectivités, sans que ceci soit prévisible d’un point de vue budgétaire. 

Mesures « inadaptées » 

C’est sur ces sujets que les trois associations nationales représentatives des élus locaux (l’AMF, Régions de France et l’ADF), ainsi que France urbaine et Intercommunalités de France, ont écrit à Bercy le 9 mai. 

Les associations, bien que désireuses « de mettre en œuvre les recommandations »  du Premier ministre, dénoncent néanmoins des « écueils », expliquant que « le recours à l’imprévision et au versement d’une indemnité extracontractuelle »  sont des mesures « le plus souvent inadaptées ». 

L’imprévision, qui a été maintes fois utilisée pendant la crise épidémique du fait de l’impossibilité d’organiser certains chantiers, apparaît « peu adaptée lorsqu’il s’agit d’apporter une réponse rapide et immédiate à des prestataires subissant des hausses supérieures à leurs marges, conduisant certains d’entre eux à préférer renoncer à poursuivre l’exécution du marché, plutôt que de continuer à dégrader leur trésorerie en attendant le versement d’une indemnité dont le montant définitif ne pourra être calculé qu’à l’issue d’un lourd processus administratif opéré en fin de contrat ». Cette situation est à la fois « difficilement tenable »  pour les petites entreprises en particulier, et met les collectivités « en risque de subir des ruptures d’approvisionnement ». 

Avenants

Dans ces conditions, poursuivent les associations, de nombreux acheteurs, « y compris de grandes centrales d’achat », « n’ont d’autre choix que de recourir à la passation d’avenants permettant de notifier des prix nouveaux temporaires tenant compte des hausses réellement constatées, et dûment justifiées, incluant une baisse de marge des fournisseurs, et dont la durée d’application limitée est assortie d’une clause de réexamen et/ou de retour à meilleure fortune ». Ce mécanisme permet « de poursuivre au moins pour une période déterminée l’exécution du marché ». Il permet également de répondre temporairement à une difficulté spécifique posée par le mécanisme de l’imprévision : l’indemnité versée aux entreprises doit l’être sur les crédits de fonctionnement, même lorsqu’il s’agit de dépenses d’investissement, « ce qui vient diminuer d’autant un autofinancement déjà grevé »  par la hausse des produits énergétiques. Sans parler, peut-on ajouter, du casse-tête qui s’imposera si le futur gouvernement, comme Emmanuel Macron semble le souhaiter, remet en vigueur un contrôle sur les dépenses de fonctionnement des collectivités. 

Les associations d’élus demandent donc à Bruno Le Maire, ou à celui ou celle qui occupera son fauteuil à Bercy dans les jours à venir, « d’engager un dialogue ouvert afin de trouver les voies d’un assouplissement des recommandations »  de la dernière circulaire de Matignon. 

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