Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du vendredi 18 octobre 2019
Handicap Statut de l'élu

Une avancée réelle pour les maires en situation de handicap

Le débat entamé avant-hier au Sénat sur les indemnités des personnes handicapées devenant maires a connu une fin heureuse hier, le gouvernement ayant décidé de faire un geste et ayant même dépêché au Sénat, pour l’annoncer, Sophie Cluzel, secrétaire d’État chargée des Personnes handicapées. En résumé, les nouveaux élus pourront cumuler leurs indemnités avec l’Allocation adulte handicapé (AAH) pendant six mois, puis bénéficieront d’un abattement. 

Blocage 
Une personne handicapée, touchant l’AAH, qui devient maire, perd l’équivalent de ses indemnités de fonction sur son AAH. C’est une des conséquences de la fameuse circulaire du 2 novembre 2018 qui confirme que les indemnités des maires doivent être considérées comme des revenus – et ont donc un impact sur l’AAH. 
Un amendement au projet de loi Engagement et proximité proposait de revenir sur ce qui est considéré comme « une injustice »  et surtout « une entrave à l’implication des personnes handicapées à des fonctions électives ». Mais la commission des lois a été « contrainte »  d’appliquer à cet amendement l’irrecevabilité au titre de l’article 40 de la Constitution – qui dispose qu’il est interdit à un parlementaire de « créer ou aggraver une charge publique »  par amendement. Seule solution pour permettre à un tel amendement de passer quand même : le gouvernement peut « lever le gage », c’est-à-dire autoriser d’assumer la perte de recettes. 
Or, en premier lieu, le gouvernement n’a pas accepté de lever le gage sur l’amendement permettant aux maires de continuer à bénéficier de l’AAH. À ce titre, c’est un président de la commission des lois particulièrement mécontent qui s’est adressé au ministre Sébastien Lecornu, avant-hier en début de séance : estimant que la commission n’avait pas d’autre choix que d’appliquer l’irrecevabilité (« la loi est la loi et la Constitution est la Constitution » ), Philippe Bas a demandé solennellement au gouvernement de lever le gage. « Les personnes handicapées ne devraient pas être dissuadées de devenir maires ! »  Philippe Bas a reçu le soutien de plusieurs sénateurs exprimant leur « incompréhension »  ou estimant « déplorable »  un tel blocage, parce qu’un maire handicapé « ne devrait pas subir une double peine ».  
Sébastien Lecornu a répondu qu’il comprenait le problème mais souhaitait le border d’un point de vue juridique. Indiquant avoir averti Sophie Cluzel de cette question, il s’est engagé à ce qu’un amendement gouvernemental « sérieux juridiquement »  soit déposé à l’Assemblée nationale. Philippe Bas a alors insisté pour que cela se fasse avant la fin de l’examen du texte par le Sénat : « Ce texte ne peut sortir du Sénat sans que le problème soit réglé, au moins à titre conservatoire. Ce serait inacceptable ! ».

Unanimité sur l’amendement du gouvernement
Le président de la commission des lois a été entendu : hier, Sophie Cluzel est venue en personne au Palais du Luxembourg pour présenter un amendement du gouvernement à ce sujet et annoncer que le gouvernement acceptait de lever le gage. L’amendement propose d’ajouter à l’article L821-3 du Code de la Sécurité sociale, qui définit les rémunérations exclues du montant des ressources servant au calcul de l’AAH « les indemnités de fonction des élus locaux ». L’amendement vise à préciser que « les indemnités de fonction allouées au titre d’un mandat électoral local », après déduction de la fraction représentative des frais d’emploi, « peuvent se cumuler avec l’AAH dans les mêmes conditions que les rémunérations tirées d’une activité professionnelle ».
« Les nouveaux élus locaux pourront cumuler ces indemnités avec l'AAH pendant six mois, et bénéficieront ensuite d'un abattement. Un décret précisera les choses », a précisé Sophie Cluzel en séance. 
Bien que certains sénateurs aient exprimé la nécessité d’aller « beaucoup plus loin »  (l’amendement ne concerne en effet que l’AAH et pas la pension d’invalidité payée par la Sécurité sociale, a notamment remarqué la sénatrice du Nord Michelle Gréaume), cet amendement du gouvernement a été voté dans la plus parfaite unanimité, par 340 voix contre zéro.

F.L.

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