Maire-info
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Édition du mardi 22 septembre 2020
Forêts

Un rapport parlementaire préconise une refonte totale de la gouvernance de la forêt

Chargée en janvier dernier par le Premier ministre d’une mission sur l’avenir de la forêt et les possibles évolutions de sa gouvernance, la députée du Nord Anne-Laure Cattelot a rendu son rapport hier. Elle préconise notamment de calquer en partie la gouvernance de la forêt sur celle de l’eau, de créer un ministère dédié et de « donner une nouvelle place aux collectivités »  dans la gouvernance de la politique forestière.

Remis à Julien Denormandie, ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, ce rapport de presque 300 pages (finement intitulé La forêt et la filière bois à la croisée des chemins : l’arbre des possibles) contient 19 préconisations pour modifier en profondeur la gouvernance de la forêt. Avec comme point de départ le constat que la forêt est en danger. Malgré son rôle essentiel, autant d’un point de vue économique qu’écologique, la forêt est victime du réchauffement climatique, des sécheresses à répétition, des attaques de parasites – en particulier les scolytes qui déciment depuis deux ans des milliers d’hectares de forêt dans l’est du pays. Pourtant, il faudrait massivement développer les forêts pour espérer pouvoir atteindre les objectifs de la France en termes de réductions d’émissions de gaz à effet de serre : les arbres jouent un rôle considérable dans ce domaine, en absorbant d’importantes quantités de CO2. Selon la députée, l’atteinte des objectifs en matière d’émission de carbone suppose de planter « 70 millions d’arbres par an pendant 30 ans ». 

Un ministère, une agence et un fonds
La rapporteure déplore le manque de considération de la forêt et de la filière bois en général, qui ne bénéficie pas d’une politique « nationale »  et transversale ». Elle regrette d’ailleurs que le mot « forêt »  ne figure plus dans l’intitulé du ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, ce qu’elle considère comme « un symbole fort ». Anne-Laure Cattelot préconise donc la création d’un « ministère de plein exercice placé auprès du Premier ministre »  dédié à la forêt. À défaut, elle propose que soit au moins créé un comité interministériel de la forêt et du bois. 
Par ailleurs, la députée propose la création d’une « agence nationale des forêts », qui regrouperait non seulement l’ONF (Office national des forêts) et le CNPF (Centre national de la propriété forestière), mais aussi l’Inventaire forestier national et les agents forestiers des Draaf, DDT et Dreal. Cette agence deviendrait « l’unique interlocuteur pour la mise en œuvre de la politique forestière ».
Une telle agence serait inutile sans budget. Anne-Laure Cattelot demande donc la mise en place d’un « fonds pour l’avenir des forêts »  (Faf). Il s’agit rien de moins que décupler les moyens octroyés actuellement au reboisement, estimés à 20 millions d’euros par an environ (État, régions et fonds européens). Or il faudrait, selon la rapporteure, 300 millions d’euros par an, pour atteindre un objectif de boisement d’un million d’hectares en trente ans. Le Faf proposé serait doté annuellement de « 200 à 300 millions d’euros grâce à plusieurs sources de financement public et privé ». Plus précisément, la députée propose que l’État mette chaque année 100 millions dans le fonds, en y affectant une partie des recettes de la fiscalité carbone. Une deuxième tranche de 100 millions d’euros serait apportée par des fonds privés ou issus des « métropoles », par exemple, dans le cadre du label bas carbone ou du dispositif des certificats d’économie d’énergie. Par ailleurs, la députée attend 30 millions annuels supplémentaires venant des agences de l’eau et 20 millions d’euros des régions. 
Elle propose également une vaste refonte de la fiscalité forestière, en instaurant par exemple une « taxe sur les petites parcelles »  à l’instar de la taxe sur les logements vacants, afin d’inciter les propriétaires aux regroupements. Est également proposée à l’étude une taxe additionnelle sur les factures d’eau et la mise en place d’une taxe sur l’artificialisation des sols, dont le produit pourrait alimenter la future agence nationale des forêts.

Une « nouvelle place »  pour les collectivités
Les collectivités jouent déjà un rôle important dans la gestion de la forêt, qu’il s’agisse des régions – qui gèrent notamment les aides forestières venues de l’Europe – ou des communes et intercommunalités, notamment au travers des documents d’urbanisme et de planification (SCoT, PLU et PLUi). Les communes sont également propriétaires de nombreuses forêts. Dans ce domaine, si le Régime forestier n’est pas remis en cause par la députée, elle estime que « des améliorations sont possibles », notamment en matière de « transparence des données ». Elle propose donc que « les données de gestion des forêts communales »  soient « accessibles sans restriction aux communes via un portail d’accès géré par l’ONF ». 
Par ailleurs, Anne-Laure Cattelot propose de calquer en partie la gestion des forêts sur celle de l’eau, en adoptant une logique de « bassins ». Les actuelles Commissions régionales de la forêt et du bois pourraient ainsi être transformées en instances « de type comités de bassin, donnant plus de place aux collectivités ». Dans la même logique, la députée du Nord propose d’expérimenter des « plans locaux forestiers »  calqués sur les Sage (Schémas d’aménagement et de gestion de l’eau) et auxquels « les documents d’urbanisme devraient être compatibles ». 
Le gouvernement va maintenant « analyser attentivement »  ces préconisations, a déclaré hier Julien Denormandie, ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, qui pense que les « propositions concrètes »  de ce rapport « seront un support précieux de l’action du gouvernement sur la filière forêt-bois ». Aucune autre indication n’a été fournie sur les suites qui seront données à ce rapport.
Du côté de la Fédération nationale des communes forestières (FNCOFOR) en tout cas, c'est ce matin la satisfaction : « C'est un rapport qui a la force d'une grande réforme, qui porte une vision pour toute notre filière. La députée a su consulter tous les acteurs, le résultat est à la hauteur », écrit l'association sur son site internet.

Franck Lemarc

Accéder au rapport d’Anne-Laure Cattelot.

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