Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du jeudi 8 avril 2021
Finances locales

Finances locales : pour André Laignel, les collectivités sont confrontées à « une crise profonde »

Les motifs d'inquiétude et d'insatisfaction ne manquent pas, sur le plan financier, pour les communes. C'est le bilan que dresse, au sortir du dernier Comité des finances locales, son président André Laignel. 

Par Franck Lemarc

« Au fur et à mesure que les chiffres se confirment pour 2020, la situation financière des collectivités locales s’assombrit. »  Voilà comment André Laignel, président du CFL et premier vice-président délégué de l’AMF, résume la situation – a contrario de la vision plutôt optimiste défendue par le gouvernement et les députés de la majorité. Dotations, investissement, compensations, sans oublier des « méthodes »  gouvernementales qui déplaisent fortement aux élus… Tour d’horizon des sujets qui fâchent. 

DGF : « des baisses qui s’ajoutent aux baisses » 

Le gouvernement vient de publier les chiffres 2021 de la DGF (dotation globale de fonctionnement), commune par commune et EPCI par EPCI. Côté gouvernement, tout va bien : l’enveloppe globale est « stable »  (27 milliards d’euros), et si « des redéploiements ont lieu au sein de cette enveloppe », ils sont « soutenables ». Notons que cette année, le gouvernement publie des cartes permettant de visualiser l’évolution de la DGF dans chaque commune. Mais le biais choisi pour établir ces cartes est quelque peu faussé, puisqu’une seule couleur est utilisée pour représenter les communes dont la variation de DGF est comprise… entre - 2 % et + 2%. 
André Laignel constate, lui, que cette année encore « plus de la moitié des communes voient leur DGF baisser ». Plus précisément, ce sont quelque 18 500 communes, soit 53 % d’entre elles, qui sont dans ce cas. « On nous dit qu’il ne s’agit, dans la plupart des cas, que de baisses modestes, relève le maire d’Issoudun. C’est vrai. Sauf que dans l’immense majorité des cas, ce sont des communes qui voient leur DGF baisser année après année, c’est-à-dire que les baisses s’ajoutent aux baisses. Au fil des années, ces baisses modestes le deviennent donc de moins en moins. » 
Les motifs de ces diminutions de DGF sont toujours les mêmes : la baisse de la démographie de certaines communes, ce qui apparaît entendable ; mais surtout – ce qui l’est moins – « le fait que l’État n’est plus au rendez-vous de la péréquation », explique André Laignel. « Les augmentations accordées sur la DSU ou la DSR se font à enveloppe fermée, c’est-à-dire que ce sont les collectivités qui les payent entre elles. » 

Commande publique en chute libre

Autre motif d’inquiétude pour le président du CFL : la « dégringolade »  de la commande publique, mise en lumière notamment par une étude menée par la Banque des territoires et l’AdCF, fin mars (lire Maire info du 31 mars). Toutes collectivités confondues, cette étude établit que la commande publique s’est effondrée de 18 % en 2020. Pour les seules communes, la diminution de la commande publique est de 7,6 milliards d’euros. André Laignel pointe en particulier les marchés de travaux qui se sont « effondrés »  en 2020 : « Pour les travaux neufs, je rappelle que les communes dépensaient 20 milliards d’euros en 2012. Le chiffre est tombé à 14 milliards en 2014. Il a été de 8,5 milliards en 2020. » 
Pour le président du CFL, ces chiffres – d’autant plus graves qu’ils impactent directement l’activité économique des entreprises – « confirment ce que l’AMF dit depuis des mois, et infirment les déclarations du gouvernement, qui prétend que communes et EPCI ne sont que modestement touchés par la crise. C’est totalement faux. » 

Méthodes « détestables » 

Le Comité des finances locales, lors de sa réunion du mardi 6 avril, a eu à examiner un projet de décret modifiant les règles de calcul de la Tascom (taxe sur les surfaces commerciales). Le gouvernement ne cache pas que le nouveau mode de calcul – destiné à rétablir une plus grande « équité »  entre les commerces – va diminuer les recettes de cette taxe pour les communes, de l’ordre de 3 millions d’euros. « La somme n’est pas très élevée, évidemment, mais c’est une question de principe. Encore une fois, le gouvernement use de cette méthode détestable qui consiste à faire payer ses cadeaux par les autres. La réforme du mode de calcul de la Tascom est peut-être justifiée, ce n’est pas ce que nous remettons en cause, mais si l’État la décide, il n’a qu’à la payer sur ses propres ressources et non sur celles des communes. »  Le CFL a « massivement »  voté contre ce projet de décret. 
L’inquiétude est d’ailleurs la même, à plus long terme, sur le « cadeau »  aux entreprises que représente la baisse des impôts économiques locaux. « Pour l’instant, la baisse de recettes est compensée, mais nous sommes certains qu’elle ne le restera pas dans la durée. » 

Situation « tendue » 

Les collectivités se retrouvent donc, en ce début 2021, dans une situation financière « tendue », avec à la clé, pour beaucoup d’entre elles, « un recul de la capacité d’autofinancement, que nous constatons de façon formelle puisque nous avons tous voté nos budgets ». Très loin, donc, des annonces gouvernementales du début de l’année, lorsque Bercy avait expliqué que la capacité d’autofinancement du bloc communal avait bondi de… 36,6 % ! « Il était évident pour nous dès le début que ce chiffre était aberrant, s’indigne André Laignel. D’ailleurs, le gouvernement est revenu dessus et parle maintenant d’une baisse de 6 % de la capacité d’autofinancement, et je pense que nous ne sommes pas à l’étiage. Certains cabinets d’étude l’estiment plutôt aux alentours de 14 %. Chez moi, à Issoudun, c’est – 30 %, pour la ville comme pour la communauté. » En outre, ces annonces ne concernent que les budgets principaux et aucune information n’a été donnée concernant l’impact sur les budgets des CCAS et des CIAS ou sur les budgets annexes des communes et des EPCI.
Le président du CFL attend maintenant une rectification du chiffre donné par le gouvernement au même moment sur la hausse du produit des impôts locaux (+ 6,4 % en 2020), chiffre qu’il estime « manifestement faux ». 
André Laignel constate donc une situation de « crise profonde »  pour les finances locales, et estime que ce n’est pas le « filet de sécurité »  mis en place par le gouvernement, dont « les mailles sont particulièrement larges », qui permettra d’en sortir. « Pour l’instant, de ce que nous entendons du gouvernement, nous ne voyons pas de volonté de prendre ce problème à bras le corps. » 

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