Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mercredi 17 octobre 2018
Élus

Après #BalanceTonMaire, opération déminage au gouvernement

Le gouvernement et, maintenant, le président de la République lui-même, cherchent depuis le début de la semaine à effacer l’effet déplorable qu’a eu la campagne #BalanceTonMaire sur les élus locaux. Dans ce contexte, ce n’est évidemment pas un hasard si dans sa brève allocution télévisée d’hier, Emmanuel Macron a tenu à rendre hommage aux maires.
Après un remaniement marqué, notamment, par la création d’un ministère de plein exercice consacré aux collectivités territoriales, piloté par le tandem Jacqueline Gourault-Sébastien Lecornu, le président de la République s’est exprimé hier soir, pour dire que son action ne connaîtrait « ni tournant ni changement de cap ». S’il dit avoir « entendu »  les critiques qu’a provoqué son « parler vrai », qui a « pu choquer », Emmanuel Macron souhaite « poursuivre les réformes »  et a promis aux Français que « progressivement, (leur) quotidien va s’améliorer ». À la fin de son allocution, le président a tenu à dire un mot de confiance aux maires, qui sonne comme une tentative de réparer les dégâts causés par la campagne #BalanceTonMaire orchestrée la semaine dernière par La République en marche : « (Mon action) exige de s’appuyer sur toutes les forces du progrès et de la réforme, les associations, les élus locaux dans tous les territoires, et en particulier nos maires, qui sont les premiers porteurs de la République du quotidien. » 

Échanges musclés au Parlement
La journée d’hier a également été marquée, lors des séances de questions au gouvernement à l’Assemblée nationale et au Sénat, par plusieurs interpellations sur ce sujet – avec à chaque fois la volonté, chez les ministres, de se désolidariser de la campagne #BalanceTonMaire et de rendre hommage aux élus.
Ainsi au Sénat, le sénateur des Hauts-de-Seine Hervé Marseille (UDI), à l’occasion d’une question sur les inondations dans l’Aude, n’a-t-il pas manqué d’apostropher le Premier ministre sur ce sujet : « Au milieu des populations si durement touchées, se tiennent les élus, conseillers municipaux, maires adjoints, maires, qui ont choisi de les servir bénévolement. Ils doivent faire face à ces situations avec peu de moyens compte tenu de la baisse des budgets, de la disparition des compétences. (…) Avec #BalanceTonMaire, on atteint les limites. »  Ce à quoi le Premier ministre a répondu : « Je partage l’appel à la reconnaissance des élus locaux que vous avez formulé, en tout point. » 
Un peu plus tard, au Sénat toujours, Bruno Retailleau (LR, Vendée) a directement interpellé le Premier ministre sur cette campagne : « Ceux qui sont en première ligne, (…) ce sont les maires. Cela rend d'autant plus insupportable l'opération de dénigrement #BalanceTonMaire. Si certains, dans la majorité, s'en sont distingués, le gouvernement, lui, y a prêté la main en donnant le premier le signal de la curée ! (…) On ne peut à la fois dénoncer le populisme et jeter les maires en pâture. »  Édouard Philippe a répondu : « Il ne m’appartient pas de commenter tel ou tel hashtag, (mais) vous ne décèlerez jamais dans mes propos l’once d’une critique de l’exercice par les maires de leur mandat. Assumer des décisions, même impopulaires, c'est l'honneur des élus. Que des conseils municipaux aient décidé d'augmenter le taux de la taxe d'habitation, c'est leur liberté. » 
Les mêmes échanges ont eu lieu à l’Assemblée nationale : Frédérique Meunier (LR, Corrèze) et Luc Carvounas (PS, Val-de-Marne), ont interpellé les ministres avec véhémence. S’adressant au ministre de l’Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, Frédérique Meunier a dénoncé « une campagne odieuse de délation des maires sur les réseaux sociaux ». « Vous et le Premier ministre avez publiquement pointé ces maires du doigt. Quelle honte ! Vous livrez des maires à la vindicte populaire. Mais vous savez parfaitement qu’aucun maire de France n’augmente les impôts par plaisir ; ils le font contraints et forcés, en dernier recours. »  Luc Carvounas s’est, lui, adressé à la nouvelle ministre chargée des Relations avec les collectivités territoriales, Jacqueline Gourault : « L’Association des maires de France, de très nombreux élus locaux et de nombreux parlementaires attendent toujours les excuses publiques du gouvernement (…) sur le hashtag BalanceTonMaire, complaisamment relayé par les salariés de M. Castaner, nouveau ministre de l’Intérieur. Présenterez-vous, oui ou non, des excuses publiques ? » 
Les deux ministres ne sont pas allés jusque-là. Si Gérald Darmanin a parlé d’un hashtag « insultant », si Jacqueline Gourault a dit « ne pas aimer les amalgames douteux », le premier a particulièrement insisté sur les « félicitations »  qu’il adresse aux « 30 000 maires qui n’ont pas augmenté les taux de taxe d’habitation ». « Les communes ont la liberté de fixer le taux de certaines taxes », a complété Jacqueline Gourault, « c’est une des libertés locales. Les maires ont agi en connaissance de cause, et chacun a pris ses responsabilités ».
Sébastien Lecornu, nouveau ministre chargé des Collectivités territoriales, s’est lui aussi exprimé sur le sujet, ce matin, sur Europe 1. Il a utilisé les mêmes mots que Jacqueline Gourault (« amalgame douteux » ) en ajoutant : « À titre personnel, il m’écœure. Comment peut-on comparer une violence sexuelle avec l’augmentation d’un taux dans une collectivité territoriale ? Qu’est-ce que c’est que cette histoire ? D’où qu’il vienne, ce hashtag m’écœure au plus haut point. » 
F.L.

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