Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du lundi 4 mars 2019
Economie

Fermetures d'usines : les élus locaux entre volontarisme et sentiment d'impuissance

Ford à Blanquefort, Ascoval à Saint-Saulve, PSA à Hérimoncourt, les Fonderies du Poitou à Ingrandes, Neuheuser à Folschviller… Il semble bien y avoir une recrudescence, ces dernières semaines, des fermetures d’usines ou des plans sociaux industriels dans le pays – sans compter toutes celles qui ne font pas la une de l’actualité. Dans ces dossiers, si les déclarations et initiatives du ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, sont largement mises en avant, on ne se rend pas toujours compte des efforts considérables faits par les élus locaux pour tenter de sauver ce qui peut l’être, dans des territoires où le départ d’une usine signifie parfois une véritable catastrophe sociale.

Ascoval : un effort des collectivités de 22 millions d’euros
À Saint-Saulve (Nord) par exemple, où le groupe Vallourec prévoit de fermer une usine de sa filiale Ascométal, l’usine Ascoval, les collectivités ont mis la main au portefeuille pour tenter de convaincre le groupe Altifort de reprendre l’usine et ses 300 salariés – sans compter les quelque 1000 emplois indirects concernés. Ce sont 22 millions d’euros qui ont été mis au pot par la région Hauts-de-France (12 millions) et la communauté d’agglomération Valenciennes Métropole (10 millions). Soit autant que ce que l’État était prêt à apporter.
Pour l’instant, cette initiative a échoué – le repreneur, Altifort, ayant fini par avouer qu’il n’avait pas les fonds pour assurer la reprise. Une pilule particulièrement amère à avaler pour les élus locaux – et pour Bruno Le Maire, qui déplorait la semaine dernière qu’Altifort avait « trompé tout le monde, l’État et les élus locaux ».

Ford Blanquefort : les collectivités demandent le remboursement des aides
En Gironde, à Blanquefort, la fermeture annoncée de l’usine Ford (850 salariés) en guise de conclusion d’un feuilleton qui dure depuis six ans est une véritable catastrophe pour le territoire : ce sont, rappelait ce matin la maire de Blanquefort, Véronique Ferreira, au moins 2000 emplois indirects qui vont être touchés dans la région.
Depuis 2013 – première année où le géant américain a fait montre de sa volonté de fermer le site – les collectivités ont déboursé des millions d’euros pour le convaincre de rester : au moins 7 millions d’euros ont été versés par les différents niveaux de collectivités (et 15 millions par l’État).
Depuis le mois de décembre, les collectivités exigent d’ailleurs le remboursement de ces aides par Ford : c’est notamment le cas pour le conseil régional de Nouvelle-Aquitaine, qui a voté un vœu en ce sens le 18 décembre, considérant « le comportement de Ford comme une insulte aux 850 salariés, aux sous-traitants et au territoire dans son ensemble », et demandant que « l’ensemble des aides publiques soient remboursées afin d’être réaffectées dans la recherche de solutions ».
Mercredi dernier, dans un communiqué commun, la région, le département de la Gironde, Bordeaux Métropole et la mairie de Blanquefort ont demandé à l’État d’exiger que Ford cède l’ensemble du terrain et des équipements pour « l’euro symbolique », estimant inacceptable que Ford « tire un bénéfice de sa sortie par la vente du foncier ». Les élus demandent également que soit élaboré un amendement à la loi dite Florange (qui oblige une entreprise sur le départ à chercher un repreneur, mais pas à l’accepter), « afin de donner à la puissance publique les moyens de permettre, sous le contrôle du juge compétent, une reprise assurant la pérennité du site et le maintien de l’emploi ».

Des élus « mis devant le fait accompli » 
Dans la Vienne, à Ingrande-sur-Vienne, les élus n’ont pas non plus ménagé leurs efforts pour tenter de sauver les deux fonderies menacées de fermeture. Le président du Grand-Châtellerault, Jean-Pierre Abelin, accompagné des députés et sénateurs de la Vienne, sont venus tenter de rencontrer Bruno Le Maire (sans succès) en novembre dernier à Paris, tandis que la maire d’Ingrandes, Bénédicte de Courrèges, a lancé lundi dernier un appel désespéré au ministre de l’Économie pour qu’il « se bouge ». « On va à toutes les manifestations, toutes les grèves, on les soutient, on prête des salles, nous avons mis une cellule psychologique pour les salariés qui viennent de façon anonyme, raconte la maire sur France bleu. On a affrété des bus pour aller au tribunal de commerce, on a écrit des lettres… mais malheureusement nous n’avons pas de poids au niveau local en matière de politique économique. » 
Un sentiment partagé par la maire d’Hérimoncourt, dans le Doubs, où PSA à tout récemment annoncé la fermeture de son usine historique dans le village natal de la famille Peugeot : « Les élus, une fois de plus, on est mis devant le fait accompli, c'est un territoire qui va être en péril et personne ne s'en préoccupe », déplorait début février Marie-France Bottarlini dans la presse. Charles Demouge, le président de l’EPCI Pays de Montbéliard agglomération, a également dénoncé dans un communiqué « une décision prise sans concertation avec les collectivités locales qui sont pourtant engagées dans le développement économique en partenariat avec le constructeur. » 
Franck Lemarc

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