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Édition du mercredi 16 novembre 2022
Développement économique

Devenue un « acteur central » du tissu économique local, l'intercommunalité continue de « monter en puissance »Â 

Preuve de cet essor, l'essentiel des intercommunalités possèdent aujourd'hui un service économique et les trois quarts une stratégie dédiée. Pourtant, le poids de la fiscalité économique ne cesse de se réduire au sein de leur panier fiscal, dénonce l'ex-AdCF dans une étude.

Par A.W.

Dans une enquête publiée hier et menée auprès d’un quart des intercommunalités françaises, l'association Intercommunalités de France témoigne de l’évolution de leur rôle dans le développement économique local depuis l’adoption de la loi Notre en 2015 et la mise en œuvre de nouvelles compétences.

Les efforts qu’elles ont déployés pour accompagner les entreprises durant la crise sanitaire en est l’une des illustrations les plus manifestes. « D’aménageurs de zones d’activités, les intercommunalités ont su tirer parti des crises successives pour devenir un acteur central de l’action économique, et une véritable interface avec les partenaires publics et privés du territoire », estiment ainsi les auteurs de cette étude.

Plus de 9 intercos sur 10 dotées d’un service économique

« L’intercommunalité joue de plus en plus un rôle d’interface entre les entreprises et un écosystème économique local souvent foisonnant (région, chambres consulaires, service public pour l’emploi, associations, clubs d’entreprises, plateformes d’initiatives locales, acteurs de l’économie sociale et solidaire, de l’insertion par l’économie…) », constatent-ils, soulignant que leur « montée en puissance »  est notamment le fait de leur « professionnalisation »  dans l’action économique.

Ainsi, elles sont quasiment toutes dotées d’un service pleinement en charge du développement économique, tous statuts d’intercommunalité confondus, puisque 91 % d’entre elles disposent dorénavant d’un tel service, alors qu’elles n’étaient que 69 % en 2016. Toutes les communautés d’agglomération et 87 % des communautés de communes (contre 64 % en 2016) en possèdent désormais un.

En outre, les trois quarts des intercommunalités ont désormais une stratégie économique définie ou en projet : 68 % des communautés de communes (contre 35 % en 2016) et 88 % pour les communautés d’agglomération (contre 61 % en 2016). Ce qui permet notamment aux centres urbains de s’ouvrir aux enjeux de la transition écologique. Si « 90 % des intercommunalités du grand urbain estiment que leur stratégie économique a un impact fort ou très fort en matière de décarbonation », la proportion est cependant bien « moins élevée »  pour les communautés de communes et d’agglomération.

Reste que seules 44 % des intercommunalités réalisent une observation économique de leur territoire ou envisagent de le faire (ce qui permet de « cerner les priorités, opportunités et risques encourus par le tissu économique local » ). Un chiffre qui révèle « les difficultés en matière d’ingénierie »  que pose cette mise en œuvre, « souvent hors de portée des intercommunalités disposant de faibles moyens humains, financiers, techniques ». A l’inverse, tous les centres urbains ont un observatoire économique territorial au moins à l’état de projet. 

Une fiscalité économique « affaiblie » 

Cette montée en puissance s'est cependant accompagnée d'une fiscalité locale de moins en moins liée au tissu économique territorial. « Alors que les demandes des entreprises sont de plus en plus nombreuses, et spécifiques à chaque bassin de vie et d’emploi », la fiscalité économique locale a été au fil des années « fragilisée », dénonce l’ex-AdCF. 

« Au gré des différents réformes et allégements sectoriels au profit des entreprises, ainsi que la récente réduction des valeurs locatives des locaux industriels, le poids de cette fiscalité économique s’est progressivement réduit au sein du panier fiscal des collectivités, perdant en l’espace de dix ans, près d’un tiers de sa valeur », rappellent les auteurs de l’enquête. Et la disparition complète de la CVAE en 2024 vient « à nouveau perturber les ressources des collectivités »  et « risque d’affaiblir, une fois de plus, le lien entre les activités économiques et le territoire ».

Pourtant, les dépenses d’investissement des intercommunalités à fiscalité propre en matière d’action économique ont progressé de 33 % entre 2016 et 2020 et leurs dépenses de fonctionnement hors masse salariale de 48 %. Une progression des dépenses qui est « appelée à se poursuivre », selon l’étude.

En parallèle, Intercommunalités de France pointe « la forte recentralisation des ressources financières, via la multiplication des appels à projet et la réduction progressive de la fiscalité économique ». Or, celle-ci va « à l’encontre de l’effort croissant des intercommunalités pour accompagner des projets et développer une stratégie économique qui, in fine, ne pourront prendre effet faute de moyens humains et financiers ». « Cette logique amplifie la concurrence entre les territoires, focalise la remontée des initiatives dans le grand urbain, disposant de l’ingénierie nécessaire pour monter des dossiers de candidature souvent complexes et chronophages, au détriment des territoires ruraux », expliquent les auteurs de l’étude. 

Sans compter qu’un « meilleur décloisonnement des différents programmes de soutien (Territoires d’industrie, action cœur de ville, petites villes de demain, CRTE…) et de mise en synergie de leurs financements, de leur ingénierie, de leur calendrier permettrait de rendre cette action de l'État plus lisible et plus efficace dans les territoires ».

Soutien aux entreprises, recrutement, foncier disponible…

Difficultés de recrutement, manque de foncier disponible ou de matières premières, l’étude met, par ailleurs, l’accent sur les problématiques rencontrées actuellement par les entreprises, mais aussi le « rapprochement fort »  qui s’est opérée entre celles-ci et les collectivités durant la crise du covid, les intercommunalités ayant été « des interlocutrices de premier ordre pour les accompagner », assure l’ex-AdCF. 

D’ailleurs, près de 80 % des intercommunalités interrogées disent avoir modifié leurs rapports avec les entreprises suite à la crise sanitaire et une grande partie de celles qui ont soutenu leurs entreprises ont choisi de poursuivre ce soutien, qui se traduit par des actions de communications, d’animations ou bien de reports de loyers ou d’allègements de fiscalité.

En outre, plus d’une intercommunalité sur deux dit intervenir en soutien à la transmission ou à la reprise d’entreprises sur le territoire, celles-ci encourageant également la création d’entreprises avec différents types d’actions telles que le financement et la mise à disposition de locaux, par exemple.

Si 100 % des intercommunalités interrogées, rurales comme urbaines, déclarent que les entreprises de leur territoire connaissent des difficultés de recrutement, 77 % d’entre elles identifient comme principal frein « une inadéquation entre la formation et les compétences des salariés d’une part, et les emplois à pourvoir d’autre part ». Pour y faire face, 63 % des intercommunalités organisent donc des actions pour faciliter les recrutements (forum emploi, etc.).

Du côté du foncier disponible, les auteurs de l’enquête préviennent que cette enjeu est en train de devenir « un objectif stratégique et un facteur limitatif du développement ou de l’ancrage des entreprises dans les territoires »  alors qu’il a longtemps été considéré simplement comme une fonction de support. « Dans un contexte de raréfaction du foncier et face aux coûts induits par les opérations de requalification, la gestion du foncier économique devient une question politique, et non plus uniquement technique », assurent-ils.

Télécharger l’étude.
 

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