Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mardi 18 décembre 2018
Démocratie

Qu'est-ce que le « référendum d'initiative citoyenne » ?

C’est devenu, au fil des semaines, l’une des revendications importantes du mouvement des Gilets jaunes : le référendum d’initiative citoyenne, ou RIC, est apparu sur des milliers de pancartes et de banderoles dans les manifestations ou sur les ronds-points. De quoi s’agit-il, et en quoi la démarche est-elle différente du référendum d’initiative partagée, déjà inscrit dans la Constitution, ou des référendums territoriaux ?

Les référendums nationaux
Le référendum est inscrit dans la Constitution comme moyen, pour « le peuple », d’exercer « la souveraineté nationale ». L’article 11 de la Constitution dispose que le président de la République peut organiser un référendum sur « tout projet de loi portant sur l'organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent », ou encore sur la ratification d’un traité.
Autre possibilité : le référendum constitutionnel (article 89 de la Constitution), qui permet au président de la République de faire approuver (ou pas) par la population une modification de la Constitution, s’il ne choisit pas de faire voter le Parlement réuni en Congrès.
Une modification de la Constitution initiée par Nicolas Sarkozy, en 2008, a introduit une nouvelle possibilité, le référendum d’initiative partagée : une proposition de loi (émanant donc du Parlement et non du gouvernement) peut maintenant faire l’objet d’un référendum si elle est présentée par « un cinquième des membres du Parlement »  et « soutenue par un dixième des électeurs »  inscrits sur les listes électorales.
Rappelons qu’il y a 925 parlementaires en France (577 députés et 348 sénateurs) et qu’il y avait 47 568 693 inscrits pour l’élection présidentielle de 2017. Pour organiser un tel référendum, il faut donc qu’une proposition de loi soit présentée par au moins 185 parlementaires et soutenue par un peu plus de 4,75 millions d’électeurs, via un site internet ad hoc. Ces conditions, introduites par la réforme constitutionnelle de 2003, n’ont jamais été réunies depuis.

Les référendums territoriaux ou locaux
Une autre réforme constitutionnelle, en 2003, avait introduit dans la Constitution, à l’article 72-1, les référendums territoriaux ou locaux – à ne pas confondre avec la « consultation pour avis des électeurs ». Les référendums locaux ne peuvent être décidés que par l'assemblée délibérante d’une collectivité territoriale (conseil municipal, départemental ou régional), éventuellement sur proposition de son exécutif. Il permet, explique la DGCL sur son site, « au corps électoral de se substituer »  à l'assemblée délibérante pour « prendre une décision ». C’est toute la différence avec la consultation des électeurs : celle-ci intervient en amont, avant de prendre une décision, alors que le référendum a un caractère décisionnel. Une fois que le référendum a eu lieu, s’il a mobilisé au moins la moitié des électeurs inscrits et que le projet soumis à référendum a obtenu la majorité simple, il est de facto adopté.
Notons que le référendum local ne peut être organisé par une collectivité que sur des questions relevant de leur compétence. Ce qui avait, à l’époque de la consultation sur l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, soulevé de nombreuses difficultés juridiques, où un département avait été sollicité pour organiser une consultation sur un sujet relevant de la maîtrise d’ouvrage de l’État (lire Maire info du 21 avril 2016). Il avait alors fallu une ordonnance prise en catastrophe par le gouvernement Valls pour donner un fondement juridique à la consultation dont, on s’en souvient, le résultat n'a au final pas été respecté.
Les dépenses induites par l’organisation du scrutin, pour les communes, sont toujours à la charge de celui qui a demandé le référendum : département, région, ou État – ou la commune elle-même, si c’est le conseil municipal qui a organisé le référendum.

Le RIC
Diverses formes de référendum d’initiative « citoyenne »  ou « populaire »  sont proposées, depuis plusieurs années, par un certain nombre de formations politiques : c’est le cas, notamment, de la France insoumise et du Rassemblement national. Il s’agirait d’assouplir les règles du référendum d’initiative partagée, en abaissant le nombre de parlementaires et de citoyens qui le demandent – voire en supprimant l’intervention des parlementaires. Dans la plateforme de 42 revendications qui circule largement parmi les Gilets jaunes, on trouve cette proposition : un site internet sur lequel « les gens pourront faire une proposition de loi », avec obligation de discuter de cette proposition de loi au Parlement si elle recueille au moins 700 000 signatures.
Selon les tendances politiques, les modalités d’un tel référendum peuvent varier : obligation ou non de passer par le soutien de parlementaires, seuils de soutien plus ou moins élevés : un député LR vient par exemple de déposer une proposition de loi proposant qu’un référendum d’initiative partagée puisse être organisé sur un texte ayant le soutien de 4 députés ou sénateurs de 4 groupes différents et 1,5 million d’électeurs.
Mais certaines propositions d’autres acteurs, parfois largement reprises par les Gilets jaunes, sont bien plus radicales. Le RIC imaginé, par exemple, par l’essayiste Étienne Chouard, qui prônait naguère le tirage au sort des représentants de la nation, irait bien plus loin. Contrairement au référendum d’initiative partagée, qui ne peut être organisé que pour soutenir une proposition de loi, le RIC porté par Étienne Chouard propose la possibilité d’organiser « quatre types de référendums » : législatif, pour proposer une loi ; abrogatoire, pour demander la suppression d’une loi ; constituant, pour revendiquer la modification de la Constitution ; et révocatoire, pour exiger la démission d’un élu.
Cette question du référendum sera discutée lors du débat national qui va s’engager sous peu – le Premier ministre s’y est engagé, expliquant hier que l’on ne pouvait « pas être contre »  l’idée du référendum mais « pas sur n’importe quel sujet ni dans n’importe quelles conditions ».
Franck Lemarc

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