Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du jeudi 17 juin 2021
Logement social

Déficit de logement social : les associations d'élus demandent à l'État de « revoir ses ambitions »

Afin de surmonter la « crise du logement » actuelle, les représentants des élus locaux souhaitent un « réengagement financier » de l'État ambitieux qui s'appuierait largement sur les pouvoirs de décision des élus locaux.

Par A.W.

« Nous sommes extrêmement inquiets de la situation dans laquelle nous nous trouvons avec une baisse de la production, une baisse des mises en chantier et une diminution également des capacités de financement du logement dans notre pays (...) qui pèsent fortement sur la capacité à augmenter la construction de logements », a alerté, hier, le secrétaire général de l’AMF et co-président de sa commission des finances, Philippe Laurent, lors d’une visioconférence.
« Sur l’année 2020, il n'y a eu que 90 000 logements sociaux qui ont agréés alors que l'objectif était à 110 000, la baisse est encore plus nette si l’on fait un comparatif avec l’année 2019 où 105 000 logements ont été agréés », a confirmé Thierry Repentin, co-président du groupe de travail de l’AMF « Logement, habitat et hébergement », qui a rappelé qu'il « faut sans doute remonter au début des années 2000 pour avoir si peu de nouvelles constructions engagées ».

Resserrement des ressources locales

Devant ce déficit de logements sociaux, les associations d’élus locaux ont appelé, dans la foulée, l'Etat à « revoir ses ambitions en matière de soutien aux politiques du logement », alertant sur « la nécessité de redéfinir un nouveau modèle économique et financier ».
En cause, notamment, la quasi absence des allègements décidés par l'Etat. « Le resserrement continu des ressources locales remet en cause les politiques publiques et plus particulièrement le développement du logement social : l'État compense moins de la moitié des allégements fiscaux qu'il impose », ont ainsi expliqué, dans un communiqué commun, l'AMF, l'Assemblée des communautés de France (AdCF), France urbaine, Villes de France, l'Association des petites villes de France (APVF) ainsi que l'Association des maires ruraux de France (AMRF). 
Pour les allègements de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) applicables aux logements sociaux, la compensation est ainsi descendue, au fil des années, à « simplement 12 % ». « En 2019, le montant total d’exonération était de 714 millions d’euros, et la compensation versée aux collectivités n’est que de 86 millions d’euros, c’est donc extrêmement faible », aux yeux de Philippe Laurent.
De plus, « les choses ont été aggravées par la suppression de la taxe d’habitation »  qui a encore pénalisé fiscalement la construction de logements sociaux nouveaux. « Le mécanisme de compensation choisi par l’État s’appuie sur les bases nettes de taxe foncière sur les propriétés bâties (...) et ne tient pas compte des bases théoriques de foncier bâti correspondant au logement social », a détaillé le maire de Sceaux, pour qui « il n’y a donc même pas de compensation de la taxe d’habitation qui existait initialement ». Résultat, « les locataires des logements sociaux ne s’acquittent quasiment plus de taxe locale », tout comme « les bailleurs sociaux ne s'acquittent plus non plus de TFPB, hormis 12 % ». 
« À l’heure actuelle, lorsqu’une équipe municipale souhaite engager la construction de logements sociaux nouveaux sur son territoire, elle comprend qu’elle n’aura aucune ressource fiscale qui viendra alimenter son budget pour permettre de financer les équipements publics et les services publics visant  à accueillir cette nouvelle population (écoles, crèches, équipements sportifs…). Naturellement, c’est de nature à refroidir les ardeurs », a regretté Philippe Laurent, alors que la Cour des comptes vient d’enfoncer le clou, dans un rapport publié mardi, en jugeant que « les logements sociaux ne remplissent plus leur mission d’intérêt général, à savoir loger les plus précaires ». 

« Messages contradictoires »  de l'État

À ces évolutions successives - « qui ont dissuadé les maires de construire du logement social sur leur territoire »  - se juxtaposent également « les messages contradictoires de l’État », a pointé, de son côté, Thierry Repentin : « Il y a une ambition affirmée de construire pour la relance (avec la construction de 250 000 logements abordables d’ici fin 2022) et en face des outils qui ne sont pas là pour rendre crédible cette ambition ». La volonté de construction mise en avant par le gouvernement apparaît également « contradictoire avec les objectifs du projet de loi Climat et résilience », qui entend freiner l’artificialisation des terres et l’étalement urbain. 
« On peut se retrancher derrière des explications »  telles que la crise sanitaire, le cycle électoral pour justifier la « crise du logement », mais « les raisons sont plus durables et fondamentales », selon l’ancien président de l’Union sociale pour l'habitat (USH) qui évoque les « mauvais signaux »  envoyés par l'État. Que ce soit « la baisse des APL », « la fin des apports directs aux aides à la pierre »  ou bien encore « la réduction du loyer de solidarité ». Et les « programmes de secours »  engagés ces derniers mois (fonds friches, aides à la relance de la construction durable...) sous forme d’appels à projets ne suffisent pas.
Des appels à projets critiqués qui entretiennent une concurrence entre collectivités et qui ne doivent « pas être la seule réponse, sur le long terme », estiment d’ailleurs les associations d’élus.

Un réengagement financier « ambitieux » 

Pour y remédier, les six associations d’élus souhaitent donc que l'État mette en place « un modèle économique ambitieux de relance de la construction de logements (...) s’appuyant sur l’exercice décentralisé des compétences en matière d’habitat qui relèvent du bloc communal ». Pour cela, elles formulent six propositions. 
Elles demandent ainsi de « déléguer les aides de l’État »  (aides à la pierre, zonage des politiques fiscales, aides à la rénovation énergétique des logements...) pour que les élus du bloc communal puisse « véritablement prendre en main la programmation de la construction de logements », mais aussi « augmenter le soutien financier aux communes souhaitant récupérer du foncier »  à travers des fonds de solidarité « suffisamment dotés »  et la mise à disposition « à titre gracieux »  du foncier de l’État. 
Elles souhaitent également que soit « compensées justement les réductions de recettes imposées »  et que soit « relevé la compensation de tous les allègements de TFPB applicables aux logements sociaux ». Elles proposent, enfin, « d’étudier la mise en oeuvre de mesures de défiscalisation en faveur de la rénovation du bâti ancien ». 

Consulter la note de l’AMF sur le sujet.

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