Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du vendredi 19 mars 2021
Culture

Élus, artistes, professionnels et public appelés ce week-end à débattre de l'avenir de la culture après le covid-19

Alors que le mouvement d'occupation des théâtres qui a débuté, le 4 mars, à l'initiative de la CGT, fait tache d'huile, les entreprises artistiques et culturelles entrent à leur tour dans la danse, avec l'organisation, ce week-end, d'une mobilisation nationale pour réclamer « la réouverture graduée » des salles de spectacle. 

Le 4 mars dernier, plusieurs dizaines d’artistes, techniciens et intermittents du spectacle débutaient l’occupation du théâtre de l’Odéon à Paris, pour demander la réouverture des lieux culturels et dénoncer le danger qui plane sur l’emploi des professionnels du spectacle. Bien que jugé « inutile et dangereux »  par la ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, ce mouvement fait, depuis, tache d’huile, et ce sont une trentaine de théâtre publics qui sont, à présent occupés, du Théâtre national de Strasbourg à la Scène nationale de Marseille, du Théâtre national de Bretagne, à Rennes, au Centre national dramatique Besançon-Franche-Comté, en passant par des théâtres d’Orléans, Châteauroux, Toulouse, Pau, Montpellier, Amiens, Lille…
Une fois n’est pas coutume, employeurs et salariés sont sur la même longueur d’onde : la plupart de ces occupations se font avec l’accord des directions des théâtres. Et le Syndeac (Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles), qui regroupe quelque 400 scènes conventionnées (théâtres, centres chorégraphiques, salles de concert, festivals…), non seulement soutient le mouvement mais le rejoint, en lançant, de son côté, une initiative baptisée « Le printemps est inexorable ». Pour la petite histoire, il s’agit d’une citation du poète chilien Pablo Neruda, déjà utilisée par la ministre Roselyne Bachelot elle-même en conclusion de sa conférence de presse du 15 janvier.

« Grande exaspération » 

Nicolas Dubourg, président du Syndeac, explique ce matin à Maire info que l’initiative prévue ce week-end par le Syndeac n’est pas exactement la « prolongation »  des occupations de théâtres, initiées par les syndicats de salariés, mais qu’il s’inscrit dans la même logique, celle de « la grande exaspération de tout le secteur culturel »  après des mois de fermeture. « Organisations syndicales de salariés ou d’employeurs, chacun est à sa place. Ce que nous voulons faire ce week-end, c’est organiser des temps d’échanges entre les professionnels, le public et les élus. » 
Le 17 février déjà, le Syndeac et plusieurs autres structures (dont la Fédération nationale des collectivités pour la culture) signaient un appel, co-signé par plus de 70 élus (dont les maires de Paris, Lille, Marseille, Rouen, Grenoble, Montpellier, Issoudun, Lyon, Tours, Clermont-Ferrand…) pour « la réouverture de tous les établissements culturels recevant du public ». « Nous sommes prêts à renforcer encore, si besoin, les protocoles sanitaires en lien avec les différentes collectivités (…), et ainsi garantir les meilleures conditions d’accueil des publics et des professionnels », écrivaient les signataires, qui demandaient « le renforcement d’un dialogue et d’une concertation véritables entre les collectivités territoriales, les professionnels et le gouvernement. » 

« Faire évoluer le modèle » ?

Mais le dialogue espéré n’a pas eu lieu, d’où l’initiative proposée par le «  Syndeac de préférence sur les parvis de nos théâtres, éventuellement à l’intérieur si les conditions sanitaires l’exigent. Un certain nombre de débats vont être organisés samedi et dimanche, explique Nicolas Dubourg, toutes les formes sont possibles : échanges directs, tables rondes, débats plus formels, au gré de chaque lieu. »  Les élus locaux sont naturellement invités à participer à ces échanges. Nicolas Dubourg rappelle au passage que le bloc communal est le premier financeur du spectacle vivant en France, et que les politiques culturelles se mènent « en premier lieu grâce aux élus locaux ». « Une politique culturelle, ça se construit à trois, poursuit le président du Syndeac. Professionnels, collectivités territoriales et État. Or les collectivités sont parfois un peu oubliées par le gouvernement dans le dialogue. C’est pour cela que nous espérons que les élus seront à nos côtés. » 
Au menu des débats qui se tiendront ce week-end, il y aura bien sûr la question de la réouverture des lieux culturels et des protocoles sanitaires. Mais pas seulement. Le Syndeac veut regarder à plus long terme et initier un débat sur « l’après-Covid ». « Est-ce que l’on va reconstruire à l’identique ou est-ce que l’on va faire évoluer le modèle, en matière de politique culturelle ? »  Nicolas Dubourg appelle également à la construction « d’un plan de sauvegarde et d’un plan de relance »  dans la culture, et pose la question de l’emploi et de la situation, notamment, des intermittents du spectacle, au sortir d’une « année blanche ». Certes, les droits des intermittents ont été prolongés, dès le début de la crise sanitaire, jusqu’en août 2021. Mais après ?

La culture « sacrifiée » 

Jean-Marc Vayssouze-Faure, maire de Cahors et co-président de la commission culture et patrimoine de l’AMF, se dit naturellement, ce matin, « entièrement solidaire »  de ces initiatives ». « Je comprends totalement la détresse des acteurs du monde du spectacle. Il n’y a aujourd’hui aucun signe d’espoir, aucune perspective, alors que cela fait longtemps qu’on aurait pu se mettre autour de la table pour discuter des conditions d’une reprise ». Pour le maire de Cahors, tout se passe comme si « le gouvernement considérait la culture comme superflue. On a protégé l’économie, mais la culture a été sacrifiée ». 
Jean-Marc Vayssouze-Faure plaide donc pour que des perspectives soient données au secteur de la culture, en réfléchissant bien entendu aux précautions sanitaires à prendre, car « personne ne veut mettre en danger les artistes ou les spectateurs ». Mais il fustige « des décisions qui viennent d’en haut, sans concertation » : dans ce domaine, « le dialogue avec les élus n’est qu’un dialogue de façade, les élus n’ont, au fond, pas été associés au débat ». Pourtant, « les élus sont des gens responsables qui connaissent leur territoire, il serait bon de leur laisser l’initiative. ». 
Le maire de Cahors constate une forme de « rupture »  entre l’État et le monde de la culture et appelle donc à la reprise du dialogue, en lien avec les élus. « Il est encore temps de se mettre autour d’une table », pour ne pas risquer de « gâcher »  une année de plus la période estivale. 
Une première étape de ce dialogue pourrait se dérouler lundi, lors de la réunion du Conseil national des professions du spectacle, où la ministre de la Culture devrait être présente. Le message du Syndeac est clair : « Lors de cette réunion, pas d’apitoiement, des annonces ! » 
Pour la suite, le monde du spectacle attend, le 31 mars, la remise d’un rapport commandé par le ministère sur l’avenir du modèle culturel, et de premiers arbitrages qui pourraient intervenir à la mi-avril.

Franck Lemarc

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