Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du vendredi 19 novembre 2021
Congrès des Maires de France

Devant le congrès des maires de France, Emmanuel Macron assume son bilan et ne lâche rien

Le président de la République a clôturé hier le 103e congrès des maires par un discours dans lequel il n'a, au fond, rien cédé aux demandes de l'AMF.

Par Franck Lemarc

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© A. FAIDY

Tout avait pourtant bien commencé : pendant les premières minutes de son discours, le chef de l’État a exprimé sa « gratitude »  aux maires pour leur attitude pendant la crise épidémique. « Il a fallu prendre des décisions rapides. Vous étiez là, aux côtés de l’État. À chaque étape vous avez été là, je vous en remercie, et ce ne sont pas des mots : notre capacité à tenir, ce fut la vôtre, avec vos élus et vos agents, qui ont joué un rôle irremplaçable aux avant-postes de cette bataille. Je vous dis la reconnaissance de la nation » .

Mais après ces mots aimables, le chef de l’État est resté particulièrement ferme sur ses positions, et n’a pas souhaité répondre favorablement y compris aux demandes les plus immédiates exprimées dans la résolution finale du congrès et dans le discours de David Lisnard. 

Plaidoyer pro domo

Le fond de son discours a consisté à dire que tout ce qui a été fait pendant le quinquennat était annoncé, et à l’assumer : « J’ai modestement tâché de faire ce que j’avais dit. »  Le candidat Macron avait promis qu’il n’y aurait pas de nouveau « big bang »  territorial, il n’y en a pas eu ; il s’était engagé à supprimer la taxe d’habitation, il l’a fait. Reconnaissant simplement qu’il ait pu y avoir « des malentendus au début » , et avoir « beaucoup appris des maires »  pendant la crise des Gilets jaunes, Emmanuel Macron a livré un plaidoyer pro domo en faveur de son action : programmes Action cœur de villes et Petites villes de demain, Agenda rural, fin des fermetures d’école sans l’accord du maire, relance de la construction ou de la rénovation des hôpitaux, fin du numerus clausus, « compensation à l’euro près »  de la fin de la taxe d’habitation, le chef de l’État a égrené les mesures prises et fait mine de ne pas comprendre les craintes et les attentes des maires.

 Il a même ironisé sur les propos qu’André Laignel venait de tenir à la même tribune, faisant mine de louer « son esprit de mesure, sa justesse et son sens du détail » , pour expliquer dans la foulée que toutes les revendications portées par la résolution finale n’avaient pas lieu d’être. Il s’est étonné de la défense par l’AMF de la taxe d’habitation, « un impôt formidable »  puisque « l’État en était le premier contribuable » , et a jugé « hypocrite »  la position de l’AMF qui estime que cet impôt constitue un lien entre le contribuable et l’exécutif local. Emmanuel Macron, comme les années précédentes, s’est montré intraitable sur la question fiscale, préférant l’affectation aux collectivités de parts de la fiscalité nationale plutôt qu’une autonomie fiscale à laquelle il n’a jamais caché ne pas croire – estimant même que celle-ci est injuste puisqu’elle « creuse les inégalités entre les territoires » .

Le chef de l’État a y compris défendu mordicus les contrats de Cahors, auxquels son gouvernement lui-même a pourtant officiellement renoncé. 

« L’État c’est un tout » 

Sur la décentralisation, le président de la République a eu – comme cela avait du reste été le cas lors de ses précédentes interventions devant les congrès des années précédentes – un discours assez jacobin, conforme au contenu de la loi 3DS telle qu’elle a été rédigée par son gouvernement : il faut plus de différenciation, plus de déconcentration, plutôt qu’une véritable décentralisation. Il a eu des mots très fermes sur ceux qui joueraient « les élus contre l’État » , jugeant ce débat « mortifère »  : « L’État, c’est un tout. Le gouvernement, le Parlement, les élus locaux – l’État, c’est tout cela. »  Puis il a réitéré les propos qu’il avait tenus en 2018 sur sa vision de la décentralisation. « Nous avons trop souvent confondu la décentralisation avec les transferts de compétences. La décentralisation, cela suppose un véritable transfert de responsabilités » , et ce n’est clairement pas ce que souhaite le chef de l’État. Ainsi, pour lui, la politique sociale a bien été transférée aux départements, mais il n’y a pas « 100 règles différentes »  dans les 100 départements en matière sociale. « Personne ne veut que les règles soient différentes pour le handicap ou l’aide sociale à l’enfance. » 

C’est donc bien la différenciation de certaines politiques (« adapter nos politiques à la pluralité des territoires » ) qui a la faveur du chef de l’État, plutôt que les transferts de « compétences du quotidien »  souhaitées par l’AMF.

Sur deux sujets néanmoins, le chef de l’État a souhaité « aller vers une décentralisation bien plus massive »  : le logement et la transition écologique. « Nous devons fixer des stratégies, des objectifs. Mais ce n’est pas la loi qui doit tout prévoir. »  Cette « décentralisation plus massive »  signifie pour lui que « les objectifs doivent rester nationaux et la traduction des politiques doit revenir à l’échelle de la commune, de la métropole, du territoire de vie de nos compatriotes » . Sans en dire plus sur la traduction concrète de cette intention. 

Bilan assumé

Le président de la République n’a cessé pendant son discours de répéter qu’il « souscrivait »  aux propos de David Lisnard et André Laignel, tout en expliquant qu’ils étaient « dépassés » . Sur les transports, la sécurité, l’aménagement numérique du territoire, la politique de la ville, et même le logement, il a défendu le bilan et l’action de son gouvernement sans jamais reconnaître que les reproches exprimés par l’AMF puissent être fondés. S’il a reconnu que sur certains sujets, il fallait aller « plus loin et plus fort » , par exemple sur la construction de logements ou le « décloisonnement entre la médecine de ville et l’hôpital » , il a assumé l’entièreté du bilan de ces bientôt cinq années d’action à la tête de l’État. 

Quant aux revendications très concrètes et « immédiates »  de l’AMF, exprimées juste avant par David Lisnard, le chef de l’État n’y a pas cédé, ou du moins pas clairement. Sur le droit d’opposition des maires à l’installation d’un champ d’éoliennes, c’est non. Emmanuel Macron a repris la position qui est celle de la majorité à l’Assemblée nationale : « l’avis »  du maire sera bien demandé, mais son accord ne sera pas indispensable pour valider un projet. « Les documents lui seront soumis, il pourra poser des questions et donner son avis. » 

Sur l’échéance du 22 février en matière de ZAN, enfin, délai que l’AMF demande de repousser, la réponse a été ambiguë… mais le chef de l’État n’a pas clairement affirmé que cette revendication serait exaucée, indiquant simplement « qu’aucun couperet »  ne tomberait sur les maires. 

Emmanuel Macron a conclu son discours en saluant « l’engagement de cœur et d’âme »  des maires et leur attachement à leur territoire. « Ne laissons rien entamer cet attachement » , a conclu le chef de l’État, résumant la mission des décideurs politiques – qu’ils soient locaux ou nationaux – à « toujours expliquer à nos compatriotes les raisons que nous avons de vivre ensemble. Ces raisons-là sont plus fortes que tout. » 

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