Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du vendredi 19 novembre 2021
Congrès des Maires de France

David Lisnard demande à l'État de faire confiance aux collectivités

Nouvellement élu à la présidence de l'AMF, le maire de Cannes, David Lisnard, a appelé l'État, hier, lors de son discours de clôture, à « renoncer à la prétention d'être tout ».

Par Franck Lemarc

« C’est dans la commune que réside la force des peuples libres. Les institutions communales mettent la liberté à portée du peuple ». C’est sur cette citation d’Alexis de Tocqueville que David Lisnard a ouvert son premier grand discours devant l’assemblée générale de l’AMF, déclarant vouloir placer la clôture du 103e congrès sous le signe « de la liberté et de la responsabilité » .

« Heureusement que nous étions là » 

Après un nouvel hommage appuyé à François Baroin, dont il a salué « la pugnacité, le panache et l’élégance » , et qu’il a nommé, « par acclamations » , président d’honneur de l’AMF, David Lisnard est revenu sur la crise épidémique, avec une formule lapidaire : « Heureusement que nous étions là ! » . Saluant y compris les élus qui sont restés « fidèles au poste »  plus longtemps que prévu, après le décalage du second tour des municipales au printemps 2020, le maire de Cannes a relevé que les maires, face à l’épidémie, sont allés « bien au-delà de leurs champs de compétence habituels » . Sans nier « la responsabilité écrasante »  qui a été celle de l’État et la difficulté des mesures qu’il a dû prendre, David Lisnard a relevé que « seul le concours des collectivités territoriales a permis la mise en œuvre opérationnelle de ces mesures » . Il a toutefois souligné les failles de la communication de l’État, « parfois même au détriment de l’État déconcentré lui-même »  : « Combien de préfets, voire de ministres, ont découvert les mesures en même temps que nous ? » 

Enjeux de santé publique

Le président de l’AMF a longuement insisté sur « l’urgence d’ouvrir un grand débat sur les grands enjeux de santé publique » , à commencer par la gouvernance de celle-ci : sans mâcher ses mots, il a déclaré que « les maires ne doivent plus être potiches dans les conseils de surveillance des hôpitaux mais à nouveau présidents des conseils d’administration ». Dénonçant « l’inégalité profonde entre les habitants selon l’endroit où ils résident » , en matière de santé, David Lisnard a appelé à ne pas se résigner à cette « tendance » . Il a proposé que le débat soit lancé avec « pragmatisme »  et en application du principe de subsidiarité, en allant jusqu’à « poser la question » , là où l’offre est insuffisante, de permettre aux collectivités de salarier elles-mêmes des médecins. 

Simplification et allégement

Comme cela a été dit dans la résolution finale, David Lisnard a affirmé que « la décentralisation recule » . « Nous sommes au bout du rafistolage » , a asséné le maire de Cannes, constatant que « l’État n’est plus capable d’assurer un certain nombre de missions auprès de la population » . Il s’est livré à un éloge de la « proximité »  : « Une certaine imprécation administrative consiste à penser systématiquement que plus c’est grand plus c’est efficace. C’est une vision dogmatique. Ce que démontre l’action quotidienne des maires, c’est que la proximité crée la responsabilité, et que la responsabilité crée l’efficacité. » 
C’est la raison pour laquelle l’AMF appelle à « un nouveau souffle décentralisateur » , c’est-à-dire « achever le transfert de responsabilité des politiques publiques du quotidien vers les collectivités territoriales » . « Pas par défiance vis-à-vis de l’État » , mais « parce que la demande de libertés locales n’a jamais été aussi forte. L’État ne pourra pas retisser seul le lien de confiance qui a été abîmé durablement. » 
Le président de l’AMF a fait la liste de tous les sujets sur lesquels ces transferts de compétence pourraient s’opérer, en particulier la santé, le logement, le sport et la culture. Il a appelé à un effort de « simplification et d’allègement »  des normes, au renoncement au recours systématique par l’État aux appels à projets dont la complexité juridique et administrative « élimine de facto la grande majorité des collectivités ». 

Revendications immédiates

Alors que beaucoup des mesures réclamées par l’AMF – et par Territoires unis – nécessitent une nouvelle loi, ce qui prendra nécessairement du temps et ne peut s’envisager que lors de la prochaine mandature, certaines autres mesures « pourraient être prises tout de suite, avant la fin du quinquennat » . Il en a énuméré quelques-unes, à commencer par les délais « intenables »  imposés par la loi Climat et résilience sur le « ZAN »  (zéro artificialisation nette). Le délai du 22 février risque de placer les élus « dans une impasse opérationnelle » . L’AMF demande donc son report. 
Autre demande pressante : le rétablissement de l’avis conforme du maire sur l’implantation des éoliennes. David Lisnard a provoqué les applaudissements de l’assemblée en notant que les ABF pouvaient « refuser le changement d’une fenêtre »  sur un bâtiment, et qu’un même temps il sera imposé aux maires l’implantation d’un champ d’éoliennes. 
À plus long terme, le nouveau président de l’AMF a demandé « une profonde réforme de la fiscalité locale, un pacte financier et fiscal qui pourrait prendre la forme d’une loi de programmation » , pour mettre fin « au dépouillement progressif des marges de manœuvre fiscales »  des collectivités locales. 
À l’adresse du prochain président de la République, David Lisnard a voulu adresser « une sorte de feuille de route »  appuyée sur ces principes de « subsidiarité, de responsabilité et de liberté » . L’AMF sera, quoi qu’il en soit, a-t-il conclu, « un partenaire loyal de l’État, exigeant et loyal car libre, parce que la loyauté n’existe que dans la liberté et non pas dans la vassalité. C’est la condition des relations de confiance que nous aspirons à établir » . Et de conclure : « Il suffirait que l’État renonce à la prétention d’être tout pour que, très vite, il cesse d’être seul. » 

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