Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du vendredi 1er mars 2019
Collectivités locales

Collectivité européenne d'Alsace : le gouvernement passe outre l'avis du Conseil d'État

Quatre mois après la signature par le gouvernement et les élus locaux d’une « déclaration commune »  préalable à sa création, Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, présentait, mercredi 27 février en conseil des ministres, le projet de loi relatif aux compétences de la collectivité européenne d’Alsace (CEA). Le 1er janvier 2021, celle-ci se substituera, sous cette dénomination, aux départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin (lire Maire info du 31 octobre 2018).
Le Conseil d’État avait pourtant manifesté sa désapprobation quant au titre du projet de loi. Dans son avis, rendu au gouvernement le 21 février et publié hier, l’institution a « estimé »  que le nom de « collectivité européenne d’Alsace »  envisagé pour ce nouveau département est susceptible « d’engendrer une double méprise sur la nature juridique de la nouvelle collectivité ». À son sens, cette dénomination donne à penser, d’une part, « qu’est créée une collectivité à statut particulier au sens de l’article 72 de la Constitution »  alors que ce « n’est pas l’intention du gouvernement ni la portée du projet de loi ».

« L’attribution à tort d’un statut extraterritorial » 
Le Conseil d'État tique aussi sur l’épithète « européenne ». Sur le plan juridique, elle « ne correspond à aucune catégorie ou régime particuliers et pourrait au demeurant valoir pour toute collectivité territoriale de la République, semble évoquer à tort l’attribution d’un statut extraterritorial à ce nouveau département ».
En octobre, le gouvernement annonçait que la future CEA, qui restera au sein de la région Grand-Est, serait dotée, en plus des compétences des deux départements supprimés, de quatre « compétences supplémentaires et particulières », parmi lesquelles le « chef-de-filat de la coopération transfrontalière », « le renforcement de la politique du bilinguisme et du plurilinguisme », la coordination de « la politique du tourisme sur son territoire en lien avec les autres collectivités territoriales »  et, par un transfert de l’État, « la gestion du réseau routier national non concédé ». Qu’importe « la circonstance qu’un département se voie attribuer certaines compétences spécifiques », elle ne « suffit pas, par elle-même, à justifier que sa dénomination s’écarte de la catégorie dont il relève », argumente encore le Conseil d’État.
Pour l’ensemble de ces raisons, l'institution « substitue »  dans le projet de loi, comme il l’a fait dans le projet de décret qui lui a été soumis en parallèle, « à la dénomination « collectivité européenne d’Alsace »  celle de « département d’Alsace », qui correspond à la catégorie dont relève cette nouvelle collectivité territoriale de la République et prend appui sur la dimension géographique et historique de ce territoire ».
Le gouvernement a donc choisi de ne pas tenir compte de ces recommandations.

« Réfléchir sur l'organisation optimale de l'administration locale de l'État » 
Le Conseil d’État invite enfin le gouvernement à « réfléchir sur l’organisation optimale de l’administration locale de l’État »  et à « clarifier les responsabilités respectives des représentants de l’État sur le territoire alsacien mais aussi d’assurer la bonne articulation des services de l’État avec ceux de la nouvelle collectivité et d’éviter les possibles doublons ». La question du maintien de deux préfets est notamment posée.
Rappelons que « lorsqu’il examine un texte, le Conseil d’État s’assure de sa régularité juridique et s’interroge sur la pertinence des mesures envisagées au regard des objectifs poursuivis, sans toutefois discuter les choix politiques du gouvernement ». Un texte amendé est alors proposé au gouvernement, qui est alors « libre d’en tenir compte ou pas ». Si ce n’est pas vrai dans ce cas précis, en général, le gouvernement suit les avis du Conseil d’État pour limiter les risques contentieux. « Ses projets de textes sont en effet susceptibles d’être déférés devant le juge constitutionnel, le juge administratif ou les juges européens ».
Ludovic Galtier
Télécharger l'avis du Conseil d'État.

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