Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mardi 30 novembre 2021
Aménagement numérique du territoire

Chantier du réseau fibre : encore beaucoup d'efforts à faire sur la qualité de service

À l'heure où le réseau fibre optique est en train d'être déployé dans tout le territoire français, des dysfonctionnements et des complications subsistent. Face à ces constations, l'Arcep a publié un plan d'action pour pallier les difficultés liées aux raccordements à la fibre. Le gouvernement, de son côté, a annoncé un soutien financier pour les raccordements complexes.

Par Lucile Bonnin

« Panne non réparée, clients sauvagement déconnectés lors du branchement de leurs voisins, portes de point de mutualisation fracturées, point de mutualisation où les cordons sont tellement emmêlés que l’appellation consacrée est "plat de nouilles"… » . La présidente de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep),  Laure de la Raudière, a reconnu volontiers les problèmes qui existent sur le réseau fibre, lors de son discours vendredi dernier au colloque de l’Avicca.

La présidente reconnaît aussi l’implication des maires dans ce contexte. Ces dernières années, en effet, de nombreux élus ont pris position par rapport aux difficultés de connexion rencontrées dans certains départements. « J’ai rencontré des élus devenus experts des télécommunications alors qu’ils n’avaient au départ aucune compétence ou appétence pour le secteur, rapporte-t-elle. Ils ont été obligés de jouer le rôle de médiateur entre opérateurs et habitants. »  Mais, demande-t-elle légitimement : « Est-ce le rôle du maire ? » 

Des efforts insuffisants 

Le rôle de l’Arcep - et la présidente le rappelle - est de veiller à la qualité du réseau FTTH qui va devenir la nouvelle infrastructure de référence. « En ce moment on raccorde un million de locaux par trimestre et nous avons déployé en un an 6,2 millions de locaux nouvellement raccordables. C’est massif et je ne manque pas une occasion de souligner l’investissement de toute la filière pour ces résultats impressionnants. Mais j’estime aussi, au vu de la situation, que les opérateurs n’ont probablement pas mis en place initialement des outils et process suffisants pour piloter la qualité. » 

Pour l’Arcep, il faut aller plus loin que la feuille de route de 2020. Celle-ci prévoyait notamment d’encadrer de nouveaux contrats de sous-traitance et d’inciter à la systématisation d’un compte-rendu photo pour chaque intervention. C’est donc dans ce cadre que l’Arcep a publié jeudi soir dernier un plan d’action complémentaire pour l’amélioration de la qualité de l’exploitation et des raccordements.

Mieux contrôler les interventions 

Ce plan complémentaire pour l’amélioration de la qualité de l’exploitation FTTH s'articule autour de trois grands axes.

Objectif du premier axe : mieux contrôler les interventions. L’Arcep appelle concrètement à la mise en place d’outils pour contrôler la qualité des interventions et « ainsi éviter les opérations de malfaçons réalisées par certains (...) ni vu ni connu » . Ce sont les sous-traitants des opérateurs, souvent mal rémunérés et faisant un travail assez éprouvant qui sont ici mis en cause.

« Nous souhaitons que les opérateurs mettent donc en place un outil de notification en temps réel des interventions à l’image de l’application “check voisinage” de Bouygues Telecom, permettant aux techniciens de remédier aux problèmes de déconnexion en fibre optique » , précise Laure de la Raudière. L’Arcep préconise aussi dans son plan un outil d’analyse automatique des comptes rendus photos à partir d’intelligences artificielles par exemple. « Certains opérateurs commencent déjà la mise en œuvre de ces outils » , indique la présidente. 

Limiter les sous-traitants 

Le deuxième axe du plan porte d’ailleurs sur la sous-traitance des opérateurs. L’Arcep incite ces derniers à limiter le nombre de rang de sous-traitance. « Leur recours à la sous-traitance en cascade, parfois 5 à 6 rangs, ne nous semble pas garant de la qualité de service » , explique la présidente. 

« Il faut aussi que les opérateurs renforcent la formation de leurs techniciens. Nous sommes aussi favorables à la mise en place d’une certification au sein de la profession. Ce sont des sujets discutés par les opérateurs et certains prennent des mesures à ce sujet pour limiter, à 2, les rangs de sous-traitances. » 

Remettre en conformité les infrastructures dégradées

Le dernier axe concerne plus spécifiquement les dégradations. « Il est important que les opérateurs mettent en œuvre des plans de remise en conformité des infrastructures les plus dégradés. »  La présidente insiste sur ce point et alerte sur cette exigence : « Il n’est plus possible de voir en France des réseaux neufs et en même temps aussi dégradés. » 

Parallèlement, l’Arcep annonce sa volonté « d’objectiver la situation des points de mutualisation dégradés. Nous voulons lancer un appel d’offre pour sélectionner un prestataire pour aller ouvrir 750 points de mutualisation et regarder dans quel état ils se trouvent. L’objectif est de se faire une idée qualitative et quantitative des "plats de nouilles". » 

SFR fait l’objet d’une enquête 

L’Arcep doit aussi parfois jouer le rôle de « gendarme des télécoms ». Ainsi, la présidente annonce l’ouverture d’une procédure enquête à l’encontre d’Xp Fibre et de ses filiales. 

« On observe quantitativement que l’on reçoit plus de courriers sur ces réseaux concernant la qualité d’exploitation. On a eu des alertes par exemple sur les échecs de raccordement et les déconnexions mais aussi sur le dimensionnement de la fibre. »  Sont mis en cause « des défauts importants dans la qualité de la réalisation des opérations de raccordement » , comme on peut le lire dans la décision mise en ligne sur le site de l'Arcep

Une enveloppe de l’État pour les raccordements complexes

Pour que le réseau fibre soit de qualité, il faut aussi résoudre le problème des 10 % de zones RIP (Réseaux d’initiative publique dans les zones rurales) qui présentent des difficultés de raccordement. Le gouvernement indique dans un communiqué de presse que, « si la majorité de ces difficultés peut être résolue par des actions opérationnelles et règlementaires (remontées d’informations, élagage, autorisations administratives, etc.), d’autres difficultés, principalement liées à l’absence ou la défaillance des infrastructures aériennes et souterraines de génie civil (poteaux tombés, câbles en pleine terre), peuvent impliquer une charge financière significative. » 

Ainsi, les 150 millions d’euros qui restaient encore de l’enveloppe de 570 millions accordée par l’État pour la fibre optique, vont être dédiés aux raccordements « complexes »  dans les RIP, comme annoncé par Cédric O, secrétaire d’État chargé de la Transition numérique et des Communications électroniques.

Les zones plus rurales sont évidemment les principales concernées et les modalités de l’appel à projets pour l’allocation ces fonds seront soumises à consultation publique à la mi-décembre 2021, pour une durée de 4 semaines, en vue du lancement d’un appel à projets d’ici la fin du premier trimestre 2022.

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