Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du vendredi 8 avril 2022
Restauration scolaire

Cantines scolaires : l'État demande aux collectivités « d'assumer seules » la hausse des prix

Dans une circulaire publiée le 23 mars dernier, le gouvernement demande aux services de l'État, mais aussi aux collectivités territoriales, de modifier leurs marchés publics pour permettre à leurs fournisseurs de faire face à la flambée des prix des matières premières - en d'autres termes, d'en assurer unilatéralement le coût.

Par Emmanuel Guillemain d'Echon

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La guerre en Ukraine n’a fait qu’aggraver, et aggravera encore, une flambée des prix des matières premières, de l’énergie, des matériaux et des emballages, mais aussi des denrées alimentaires ; aussi, pour éviter de faire subir la crise aux fournisseurs de la restauration collective publique, le gouvernement a décidé d’en faire porter le poids sur ses administrations… mais aussi sur celles des collectivités territoriales.

C’est en substance ce qu’indique une circulaire du 23 mars émise par le directeur du cabinet du Premier ministre, qui leur demande « d’aménager les conditions d’exécution »  des marchés publics de denrées alimentaires et de restauration collective, pour ce qui concerne les contrats en cours, mais aussi « d’adapter leurs futurs marchés publics », notamment par des clauses de révision, voire de réexamen des prix pendant la durée du contrat.

Pour Gilles Pérole, co-président du groupe de travail restauration scolaire à l’AMF, il s’agit ni plus ni moins que de « demander aux collectivités d’assumer seules le surcoût. La circulaire nous fait déroger aux règles, et ce à sens unique ! » 

En effet, aucune compensation n’a été prévue pour les gestionnaires de restauration collective, qui ont déjà dû « porter seuls »  les surcoûts engendrés depuis deux ans par la crise sanitaire, rappelle l’adjoint au maire de Mouans-Sartoux, qui les a évalués à 1,20 euro par repas dans sa commune. D'autres communes du groupe de travail de l’AMF ont également fait part d'une augmentation de leurs budgets, notamment à cause des frais de ménage supplémentaires, mais aussi de l’achat de matériel, du renforcement de personnel, et des pertes de recettes engendrées par les fermetures de classes, selon un enquête flash.

« Un nombre croissant de communes rencontre des difficultés à boucler leurs budgets. Dans ma commune, nous n’avons plus de DGF depuis cette année ! Alors si les communes portent seules l’augmentation conjoncturelle des prix de l’alimentation, nous sommes inquiets quant à leurs capacités à remplir les objectifs de la loi Egalim », rappelés dans la circulaire.

Insécurité juridique

En outre, la circulaire fait peser une « insécurité juridique »  sur les communes qui ne sont pas armées pour en manier les concepts complexes. En effet, pour les contrats en cours, qui ne comportent pas de clause de révision des prix, elle demande aux gestionnaires de « faire jouer la théorie de l’imprévision »  pour accorder, le cas échéant, une « indemnité »  aux fournisseurs de denrées alimentaires.

Or, cette théorie de l’imprévision, dont la base est jurisprudentielle uniquement, nécessite d’évaluer toute une série de paramètres – notamment la détermination du caractère imprévisible de la hausse des prix, et du fait qu’elle a provoqué un « déficit d’exploitation »  chez le fournisseur. Pour l’AMF, cette théorie est « très difficile à mettre en oeuvre », et plus compliquée que ce que laisse entendre la circulaire. 

De plus, celle-ci s’attache essentiellement aux marchés de denrées alimentaires, qui n’ont pas la complexité des marchés de fournitures de repas ou des concessions (délégation de service public) : en effet, outre l’achat des denrées, ces derniers comportent la main-d’œuvre, la préparation des repas, leur transport éventuellement.« C’est pour cela que nous demandons un accompagnement des services de l’État, notamment pour les communes qui n’ont pas de service juridique », poursuit Gilles Pérole.

Enfin, la modification demandée des marchés à venir, en renonçant aux sanctions contractuelles, en proscrivant les clauses butoirs et de sauvegarde, et surtout en insérant des clauses de révision des prix, soit sur la base d’une « formule de révision »  ad hoc, soit sur la base des prix du marché, fait porter tous les risques aux services de l’État comme aux collectivités.

« On fait des appels d’offres pour avoir des meilleurs prix et garantir leur visibilité. Dans ce cas, pourquoi faire des contrats ? À ce moment, on fait du gré à gré et on suit les prix du marché », s’interroge l’élu.

Quels que soient les sujets, le gouvernement semble donc décidé à laisser les collectivités seules face à la crise : c’est le cas sur les autres marchés publics, puisque le gouvernement a déjà publié une circulaire appelant à soutenir les entreprises en leur accordant des indemnités (lire Maire info du 4 avril). C’est également le cas sur la hausse du prix de l’énergie, qui met un très grand nombre de collectivités de toute taille en très grande difficultés, sans que le gouvernement fasse quoi que ce soit pour les aider – et n'ayant même pas pris la peine de répondre aux interpellations répétées de l'AMF et de la FNCCR sur ce sujet. 

Après la séance plénière tendue du Conseil national de la restauration collective, tenue le 1er avril, l’AMF entend rappeler, par courrier adressé au ministre de l’Agriculture et de l’alimentation, sa demande d’un accompagnement financier et technique des collectivités dans ce nouveau contexte contraint. 

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