Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du jeudi 23 juin 2022
Assemblée nationale

Emmanuel Macron appelle à « l'union » pour éviter le blocage des institutions

Emmanuel Macron s'est exprimé hier soir, dans une brève allocution télévisée, pour la première fois depuis les élections législatives. Il a appelé à combattre tout « immobilisme » et appeler les élus à agir dans une volonté « d'union ». 

Par Franck Lemarc

« Aucune force politique ne peut aujourd’hui faire les lois seule. »  C’est le constat qu’a dressé hier soir le chef de l’État, qualifiant cette situation de « fait nouveau »  mais la relativisant en rappelant qu’il en va de même dans de nombreux pays européens, dont l’Allemagne et l’Italie, où les coalitions gouvernementales, faute de majorité au Parlement, sont un mode de gouvernance habituel. 

« Compromis et amendements » 

Il faut donc que la majorité « s’élargisse », a expliqué le président de la République, « soit en bâtissant un contrat de coalition, soit en construisant des majorités texte par texte ». 

Après avoir reçu les responsables de tous les groupes politiques de la nouvelle Assemblée nationale, pendant deux jours, le chef de l’État sait très bien que « le contrat de coalition »  n’est pas à l’ordre du jour, car aucun parti en dehors du groupe Ensemble (Renaissance, MoDem et Horizons) ne souhaite prendre le risque de s’allier à une majorité présidentielle fragilisée. Les Républicains ont clairement décidé de « rester dans l’opposition », et ni la Nupes ni le Rassemblement national, qui veulent chacun apparaître comme les principaux opposants à Emmanuel Macron, ne pourraient s’intégrer dans une telle coalition. 

Il ne reste donc plus que la perspective de construire des majorités « texte par texte », c’est-à-dire, pour chaque projet de loi, de s’appuyer sur la droite ou sur la gauche pour tenter de trouver une majorité de circonstance. Mais la situation est aussi instable que délicate pour le gouvernement, car les groupes d’opposition ne se priveront pas de monnayer leur soutien en tentant d’obtenir des concessions dans les différents textes. Les batailles d’amendements seront donc d’une autre envergure pendant le quinquennat à venir qu’elles l’ont été entre 2017 et 2022, où la majorité a assez systématiquement fait en sorte, dès les débats en commission, de rejeter tous les amendements dont elle n’était pas l’auteure. 

Le chef de l’État a appelé hier à bâtir cet élargissement et ce « dépassement des partis », faits « de compromis et d’amendements », « en toute transparence et à ciel ouvert ». Il a dit souhaiter qu’au-delà des partis présents au Parlement, « une volonté d’union et d’action pour la nation »  prévale parmi « les partenaires sociaux, les élus, les associations ». Reste à savoir si le gouvernement, de son côté, fera lui aussi preuve d’écoute vis-à-vis des revendications des élus et de leurs associations, ce qui n’a pas précisément été la marque du précédent quinquennat. 

Il n'a, en revanche, nullement ouvert la porte à une évolution du projet sur lequel il a été élu, afin de tenter de rallier d'autres tendances, mais a, au contraire, a rappelé qu'il « a été élu sur un projet clair », ce qui lui donne « une légitimité claire ». 

Emmanuel Macron a clairement appelé hier soir les partis politiques à « dire jusqu’où ils sont prêts à aller », à exprimer « quelle part de responsabilité et de coopération »  ils veulent assumer – par exemple en « s’engageant à voter certains textes (comme) notre budget ». 

Cet appel a été aussitôt qualifié « d’ultimatum »  par un certain nombre de responsables politiques d’opposition. Et on voit mal, il est vrai, comment des partis pourraient dès maintenant « s’engager »  à voter des textes donc la première virgule n’a pas encore été écrite. 

Remaniement à venir

Le chef de l’État n’a pas dit un mot sur l’évolution à venir du gouvernement. Si le chef de l’État a refusé la démission de sa Première ministre, Élisabeth Borne, au motif que le gouvernement devait rester « à la tâche », il n’en reste pas moins que – fait très exceptionnel – le Conseil des ministres a été annulé cette semaine et que le gouvernement, en fait d’être « à la tâche », est totalement invisible. La Première ministre n’a ni été citée dans le bref discours du chef de l’État hier, ni conviée aux réunions avec les chefs de la majorité, ce qui là encore n’est pas sans signification. 

Si l’on sait déjà que trois ministres (Amélie de Montchalin, Brigitte Bourguignon et Justine Bénin) vont devoir être remplacées, puisqu’elles ont été battues aux législatives, il ne fait guère de doute que le remaniement à venir risque d’être plus large que cela. La Première ministre sera-t-elle reconduite à son poste ? Le chef de l’État va-t-il chercher à faire entrer dans le gouvernement des personnalités issues des LR – fussent-elles dissidentes – ou des députés divers gauche n’appartenant pas à la Nupes ? L’actuel ministre chargé des Relations avec le Parlement, Olivier Véran, va-t-il rester en place, dans une configuration toute différente de celle dans laquelle il a été nommé, et est-il la personnalité qu’il faut pour gérer un Parlement où l’opposition joue un tel rôle ? Autant de questions qui n’ont, aujourd’hui, pas de réponse. 

Sans oublier le fait que l’ancien président de l’Assemblée nationale, Richard Ferrand, ayant été battu, il va se poser très vite la question de savoir qui va occuper le « perchoir ». La députée des Yvelines Yaël Braun-Pivet semble tenir la corde pour cette fonction, ce qui l’obligerait à quitter son poste de ministre des Outre-mer. 

Présidences de groupe

D’autres questions vont trouver dans les jours qui viennent des réponses avec le vote à venir, à l’Assemblée nationale, sur les présidences de commission – une des questions essentielles étant de savoir qui va présider la puissante commission des finances : un membre du Rassemblement national, de LFI, des Républicains ou du PS ? Rappelons que si par tradition le poste est occupé par un membre du plus important groupe d’opposition (le RN, à ce jour), cela n’est nullement imposé par le règlement de l’Assemblée nationale, qui dispose simplement que le président de la commission des finances doit être membre « d’un »  groupe d’opposition. 

En attendant, les différents groupes ont procédé, hier, à l’élection de leur président. Aurore Bergé, députée des Yvelines, est devenue la présidente du groupe Renaissance (ex-LaREM) ; Mathilde Panot, qui occupait déjà cette fonction lors de la précédente mandature, a été réélue à l’unanimité présidente du groupe LFI, tout comme André Chassaigne à la tête du groupe communiste. Marine Le Pen, sans surprise, a été désignée comme présidente du groupe Rassemblement national. 

Chez Les Républicains, c’est le député de l’Eure-et-Loir et ancien maire d’Anet, Olivier Marleix, qui a été préféré au député de l’Aisne Julien Dive. Olivier Marleix est tenant d’une ligne d’opposition claire à Emmanuel Macron. 

Le groupe MoDem sera présidé par le député des Pyrénées-Atlantiques Jean-Paul Mattei, tandis que le groupe Horizons le sera par celui qui était jusqu’à présent maire d’Ajaccio, Laurent Marcangeli.

En fin de matinée aujourd'hui, Boris Vallaud a été élu président du groupe socialiste ; Cyrielle Chatelain et Julien Bayou, co-présidents du groupe écologiste.

L’élection du président (ou de la présidente, ce qui serait une première) de l’Assemblée nationale, ainsi que celle des présidents de commission, aura lieu lors de la première séance, fixée au mardi 28 juin. 

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