Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du mercredi 10 juillet 2019
Aménagement du territoire

L'Assemblée nationale valide définitivement la création de l'Agence nationale de la cohésion des territoires, dans une version a minima

Au terme de plus de neuf mois de navette parlementaire, la proposition de loi portant création de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) a été définitivement adoptée hier par l’Assemblée nationale. Jusqu’au bout des débats, les sénateurs et une partie des députés ont tenté d’obtenir un accroissement du poids des élus locaux dans la gouvernance de l’Agence, sans parvenir à faire fléchir le gouvernement et la majorité.
La Constitution est ainsi faite : lorsque le Sénat et l’Assemblée nationale ne parviennent pas à se mettre d’accord, au sein d’une commission mixte paritaire, sur un texte, celui-ci est réexaminé en nouvelle lecture par les deux chambres, avant de passer une dernière fois en « lecture définitive »  à l’Assemblée nationale, qui a toujours le dernier mot. C’est cette étape qui a eu lieu hier, et qui s’est soldée par l’adoption d’un texte conforme aux vœux du gouvernement, par 79 voix pour, 9 contre et 23 abstentions. Les groupes communistes, France insoumise, Liberté et territoires, ont voté contre le texte, le groupe LR et les socialistes se sont abstenus, et les députés LaREM et MoDem ont voté pour.

Les missions de l’Agence
L’ANCT sera donc constituée par regroupement des services de deux agences existantes (Epareca et Agence du numérique) et du CGET (Commissariat général à l’égalité des territoires). Les autres grands établissements publics que sont le Cerema, l’Ademe, l’Anru ou l’Anah n’y seront pas intégrés, mais appelés à contractualiser avec elle et associés à sa gouvernance.
L’action de l’ANCT ciblera en priorité « les territoires caractérisés par des contraintes géographiques, des difficultés en matière démographique, économique, sociale, environnementale ou d’accès aux services publics ». Elle aura pour mission « de conseiller et de soutenir les collectivités territoriales et leurs groupements »  sur un grand nombre de sujets, dont : l’accès aux services publics et aux soins, le logement, les mobilités, la politique de la ville, la revitalisation des centres-villes, la transition écologique, le développement économique et le numérique. Elle aura la capacité de conclure des « contrats de cohésion territoriale »  avec les collectivités et les EPCI dans « tous les domaines relevant de (ses) compétences », notamment sur la mise en œuvre des programmes nationaux terrorialisés (on pense à Action cœur de villes, les maisons France service, Territoires d'industrie, etc.).
L’Agence aura aussi pour mission, après accord des communes et des EPCI concernés, d’assurer la maîtrise d’ouvrage « d’actions et d’opérations tendant à la création, l’extension, la transformation, la reconversion, la gestion ou l’exploitation de surfaces commerciales, artisanales et de services ainsi que de tous les locaux implantés sur ces dernières ».
En matière de numérique, il reviendra à l’ANCT d’assurer la mise en œuvre des programmes nationaux visant à assurer la couverture numérique de l’ensemble du territoire et de favoriser l’accès de la population aux outils numériques.

Gouvernance et moyens
Pendant toute la navette parlementaire, de vifs débats ont eu lieu sur la place des élus locaux au sein du conseil d’administration de l’ANCT – ou, pour dire les choses plus clairement, sur la question de savoir qui, des élus locaux ou de l’État, dirigerait l’Agence – c’est d’ailleurs sur ce sujet que la commission mixte paritaire a échoué à trouver un accord. Dès le départ, la position du gouvernement était ferme : l’État finance, donc l’État dirige. De nombreux parlementaires ont cherché à faire valoir que l’ANCT étant spécifiquement dédiée au soutien des collectivités territoriales, il était normal que les élus locaux y eussent une place prépondérante. Sans succès : au terme des débats, c’est la version du gouvernement qui l’a emporté. Les représentants de l’État auront la majorité absolue au conseil d’administration de l’ANCT. Deux concessions ont été cédées par la majorité : premièrement, en cas de désaccord du collège des élus sur une décision, une deuxième délibération sera possible lors de la séance suivante. Deuxièmement, le président de l’Agence sera forcément choisi parmi les élus locaux. Mais le directeur général, lui, sera désigné en Conseil des ministres et nommé par décret – ce qui fait craindre à beaucoup de parlementaires un pilotage très « jacobin ».
Le « comité national de coordination »  de l’Agence ne comprendra aucun élu local et, comme l’a déploré hier Sylvia Pinel (Liberté et territoires, Tarn-et-Garonne), « les associations représentatives d’élues en seront exclues ». Les délégations territoriales de l’Agence ne laisseront guère plus de place aux élus, et seront dirigées par les préfets. Ce qui a fait dire hier à Sylvia Pinel : « Actuellement, les élus qui cherchent un soutien, notamment financier, pour un projet sollicitent le sous-préfet ou le préfet. Une fois l’agence créée, ils iront voir le délégué territorial… c’est-à-dire le préfet. » 
Enfin, le gouvernement s’est jusqu’au bout refusé à donner des indications chiffrées sur le budget de l’Agence. La seule chose que l’on sache, de façon certaine, c’est qu’elle ne bénéficiera pas de financements supplémentaires, se contentant d’agréger les budgets des établissements qu’elle réunit. La socialiste Marie-Noëlle Battistel (Isère), l’a amèrement regretté hier, en s’adressant à la ministre de la Cohésion des territoires, Jacqueline Gourault : « Nous sommes maintenant à quelques semaines de la transmission du projet de loi de finances au Conseil d’État, et vous ne semblez toujours pas savoir de quels moyens pourra disposer ce nouvel outil [l’ANCT]. Si, d’aventure, ces moyens devaient être identiques, voire en diminution, nous ne pourrions que regretter que cette nouvelle agence, qui porte de si belles ambitions, ne soit, en réalité, qu’une simple réorganisation administrative. » 
F.L.
Télécharger le texte adopté.

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