Édition du vendredi 14 novembre 2025

Petite enfance
Crèches : la prestation de service unique (PSU) va être revalorisée de 2 %
Bonne nouvelle pour les communes : la Prestation de service unique (PSU) va être revalorisée. C'est ce qu'a annoncé la ministre de la Santé, Stéphanie Rist, dans le cadre de l'examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale à l'Assemblée nationale.

Selon le rapport de l’observatoire national de la petite enfance, en 2023, 12 815 établissements d’accueil du jeune enfant (EAJE) sont financés par la prestation de service unique (PSU) en France hors Mayotte. Ce sont majoritairement les collectivités territoriales qui en sont les gestionnaires. 

Le secteur est touché depuis plusieurs années par une crise profonde marquée notamment par une augmentation des coûts de fonctionnement supportée par les gestionnaires de crèches et une pénurie de professionnels de la petite enfance. « De nombreuses familles rencontrent encore des difficultés pour trouver une place, notamment en crèche », confirme le ministère de la Santé dans un communiqué. Ces conditions n’aident pas non plus à mettre un terme à l’inquiétante baisse de la natalité en France. Le gouvernement estime ainsi qu’il est essentiel de « redonner confiance aux jeunes parents ».

C’est dans ce contexte que la ministre Stéphanie Rist a annoncé à l’occasion de l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale que la prestation de service unique pour les gestionnaires de crèches sera revalorisée de 2 %. 

Après la réforme, une revalorisation 

Cette annonce s’inscrit dans la continuité d’une série de mesures visant à améliorer la qualité de l’accueil des enfants dans les crèches. 

En effet depuis le 1er janvier 2025, les établissements d’accueil du jeune enfant (EAJE) bénéficient d’une méthode de calcul de la PSU en partie révisée. Ces nouvelles modalités adoptées par le conseil d’administration de la Cnaf en juillet 2024 visent à atténuer les effets de seuils dans le financement accordé par les Caf (lire Maire info du 19 juillet 2024). Cette réforme était attendue par les élus de l’AMF qui considéraient que les règles de la PSU étaient défavorables aux gestionnaires et avaient un impact sur la qualité de l’accueil. L’AMF continue de plaider pour aller plus loin en ce sens en atténuant les effets de la tarification à l’heure qui a un impact sur la qualité de l’accueil comme sur les coûts de fonctionnement à la charge des gestionnaires. 

Rappelons au passage qu’il est de plus en plus difficile pour les gestionnaires de maintenir des places d’accueil et encore davantage d’en créer dans ce contexte d’augmentation des coûts globaux de fonctionnement et de pénurie de professionnels de la petite enfance, identifiée comme le premier frein à la création de nouveaux berceaux et qui entraine le gel de places existantes.

Après avoir été réformée, la PSU va donc désormais être revalorisée de 2 % « de manière rétroactive à l’ensemble de l’année 2025. » Les Caf « réviseront à la hausse les montants des subventions versées dès début 2026 ». Selon le gouvernement, cette revalorisation doit permettre « de renforcer les moyens des établissements d’accueil et de soutenir les communes qui investissent dans la création de nouvelles places et dans leurs nouvelles compétences d’autorités organisatrices de l’accueil des jeunes enfants. » Cette revalorisation était attendue par l’AMF qui en a formulé la demande à de nombreuses reprises, face à la hausse régulière des coûts de fonctionnement.

Service public de la petite enfance 

Le ministère de la Santé rappelle que « l’État a engagé à travers la convention d’objectifs et de gestion (COG) 2023-2027 une politique ambitieuse en faveur de la petite enfance, avec une trajectoire prévoyant la création de 35 000 nouvelles places de crèches d’ici 2027 ». La Convention d’objectifs et de gestion (COG) de la CNAF est un document stratégique pour la mise en place du service public de la petite enfance (SPPE) signée en juillet 2023.

Le service public de la petite enfance est entré en vigueur cette année et les communes sont donc officiellement devenues les autorités organisatrices de l’accueil du jeune enfant. Problème, selon l’AMF :  ces nouvelles obligations imposées par la loi aux communes et intercommunalités ne sont pas financées à hauteur de leur coût réel. Si cette revalorisation est bienvenue, de nombreuses inquiétudes demeurent. Par exemple, le SPPE prévoit que les communes de plus de 10 000 habitants doivent disposer, au 1er janvier prochain, d’un relais petite enfance. Cette obligation peut aussi reposer sur les EPCI en cas de transfert de compétences. Certaines collectivités n’auront pas les moyens de tenir ces obligations avec notamment l’augmentation des coûts de fonctionnement des établissements d'accueil du jeune enfant et la pénurie de professionnels. 

D’ailleurs, du côté des acteurs de la petite enfance (collectivités et professionnels), on estime que la gravité de la situation exige également la mise en place de mesures exceptionnelles sur la formation et l’attractivité du métier, tout en maintenant une vigilance pour que la pénurie de professionnels n’entraîne pas une baisse du niveau de qualification demandé. L’AMF n’a d’ailleurs jamais plaidé pour que la réponse à la pénurie se traduise par une baisse du taux d’encadrement, elle plaide pour le maintien de diplômes de la petite enfance en crèche. 

L’AMF plaide, en outre, pour que les crédits de la CNAF affectés à la création de nouvelles places d’accueil mais non consommés, soient réaffectés vers des aides au fonctionnement pour les EAJE. De manière plus globale, l’AMF est favorable à ce que soit examiné le retour progressif à la logique d’une facturation au forfait, considérant que la facturation à l’heure, en plus d’être pénalisante financièrement pour les gestionnaires, a un impact négatif sur la qualité de l’accueil ainsi que le travail des équipes.

Le nouveau service public de la petite enfance fera l'objet d'un débat animé par la rédaction de Maire info, mardi 18 novembre à 16 h 30, sur le plateau d'AMF-TV, au Salon des maires et d’un forum le mercredi 19 novembre à 9h30 en salle Liberté au Congrès. 




Fonction publique territoriale
Protection sociale complémentaire : le temps presse !
L'accord sur la protection sociale complémentaire dans la fonction publique territoriale est toujours bloqué faute de traduction législative. Le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT) a voté mercredi un « voeu » pour demander au gouvernement et aux députés d'adopter une proposition de loi en attente. Explications. 

Deux ans et demi après la signature de l’accord entre les associations d’élus et les syndicats de la fonction publique sur la protection sociale complémentaire (PSC), celui-ci ne s'applique toujours pas partout, faute d’être transcrit dans la loi. Les gouvernements successifs se sont tous montrés aussi peu pressés les uns que les autres de pousser à cette transcription, alors que cet accord est socialement très favorable aux agents – notamment les plus modestes d’entre eux – et que les employeurs territoriaux sont prêts à faire un effort financier.

Avancée sociale

Rappelons le contexte : la question de la prévoyance est particulièrement importante dans la fonction publique territoriale (FPT), de fait du poids important des agents de catégorie C chargés de travaux pénibles et, de ce fait, particulièrement exposés aux risques d’incapacité de travail, d’invalidité ou d’inaptitude. En cas d’arrêt de travail prolongé pour cette cause, un agent ne perçoit plus que la moitié de son traitement au bout de trois mois. Sans prévoyance, il y a alors un risque important de tomber dans la précarité. 

En 2021, une ordonnance a été prise qui a permis d’avancer sur ce sujet : elle a rendu obligatoire, à compter du 1er janvier 2025, la participation des employeurs à la prévoyance.

Mais le montant fixé par l’ordonnance et son décret d’application (7 euros par mois et par agent), apparaissait dérisoire et surtout très en-dessous de ce que bien des collectivités pratiquaient déjà, de manière volontaire. 

D’où la volonté des employeurs territoriaux et des organisations syndicales d’améliorer le dispositif, volonté qui s’est traduite par l’accord du 12 juillet 2023. Celui-ci a posé le principe de la généralisation des contrats collectifs à adhésion obligatoire en matière de protection sociale complémentaire au titre de la prévoyance, et « a fixé le montant de la participation minimale de l’employeur au financement de la protection sociale complémentaire en prévoyance à la moitié de la cotisation individuelle prévue au contrat ouvrant droit aux garanties minimales », comme l’écrivait le Sénat l’an dernier. Résultat : une garantie, pour les agents en arrêt pour incapacité ou invalidité, de percevoir 90 % de leur rémunération nette, avec une participation de l’employeur d’au moins 50 % de la cotisation. 

Problème : cette avancée sociale réelle ne s'appliquera pas dans toute la fonction publique territoriale tant qu’elle ne sera pas traduite dans la loi. Il est possible d'appliquer l'accord, localement, en faisant adopter un accord collectif local à adhésion obligatoire, mais toutes les communes, loin de là, ne l'ont pas fait. Résultat : une différence de traitement importante entre agents de différentes collectivités. Si, en revanche, ce texte était transcrit dans la loi, ce dispositif deviendrait obligatoire et s'appliquerait, uniformément, dans toute la FPT. 

Une proposition de loi transposant cet accord dans la loi a enfin été déposée au Sénat en février – et elle a été adoptée à l’unanimité en juillet. Il reste maintenant à la voir examinée par les députés. Mais quand ? Et pire : le gouvernement, apparemment peu pressé, n’a pas déclenché la procédure accélérée sur ce texte, comme il en a le loisir, ce qui risque de retarder encore l’adoption du texte en rallongeant la navette parlementaire. 

Adoption conforme

Les membres du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale – employeurs comme organisations syndicales – se sont encore émus de cette situation lors de leur réunion du 12 novembre, estimant qu’il est urgent que « les 1,9 million d’agents qui œuvrent au quotidien pour le service public local » puissent bénéficier de ces avancées. 

Le CSFPT a donc émis un vœu, adopté à l’unanimité, pour demander au gouvernement et aux députés d’accélérer : vu le calendrier parlementaire, et au regard du choix fait par le gouvernement de ne pas engager la procédure accélérée, le texte adopté par le Sénat ne sera définitivement adopté, « dans le meilleur des cas », qu’au printemps ou à l’été prochain, soit « trois ans après la signature de l’accord » !

Les membres du « Conseil sup’ » demandent donc au gouvernement de faire inscrire l’examen de la proposition de loi à l’Assemblée nationale « dans les plus brefs délais »,  et aux députés de l’adopter. Mieux : ils proposent d’accélérer les choses en appliquant à ce texte la procédure dite « Plec » (procédure de législation en commission). Cette procédure permet d’examiner entièrement et d’amender un texte en commission parlementaire plutôt qu’en séance publique, celle-ci n’était consacrée qu’aux explications de vote et au vote sur l’ensemble du texte. Cette procédure permettrait de réduire notablement les délais en économisant du temps de séance publique à l’Assemblée nationale. Le CSFPT appelle également les députés à voter le texte conforme (c’est-à-dire exactement dans les mêmes termes que la version du Sénat), ce qui éviterait une seconde lecture et « garantirait une adoption définitive de la proposition de loi dans des délais acceptables ».

Les employeurs territoriaux et les organisations syndicales concluent : « Il en va de notre capacité collective à répondre au besoin impérieux d’une protection sociale adaptée aux défis et aux enjeux que représentent l’usure professionnelle, la pénibilité et l’allongement des carrières au sein de la fonction publique territoriale. » 

Il reste à savoir si le gouvernement entendra cet appel.




Urbanisme
Le Sénat dévoile ses « mesures d'urgence » pour contrer les problèmes de collecte de la taxe d'aménagement
Face à la « forte diminution » de cet impôt qui met en péril les CAUE et fragilise les finances des collectivités, un rapport sénatorial propose deux mesures à introduire rapidement dans le projet de budget 2026 afin notamment « d'accélérer le recouvrement des cotisations les plus significatives ».

Alors que des salariés des Conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE) manifestaient hier à Albi pour dénoncer les licenciements en cours à l’occasion des Assises des départements de France, dans le même temps, à Paris, des mesures d’urgence étaient présentées au Sénat pour tenter de sauver ces structures menacées de disparition imminente.

Depuis plusieurs mois, pas un jour ne passe sans qu’un des 92 CAUE du pays – et leur millier de salariés – ne fasse les frais des conséquences de la mauvaise mise en œuvre de la réforme de la taxe d’aménagement.

« Effondrement » du rendement de la taxe

Car au-delà de l’atonie de la construction et de la baisse du nombre d’autorisations d’urbanisme, ce sont bien les dysfonctionnements autour de cette taxe qui sont pointés du doigt. Ces couacs ont entraîné une « forte diminution » de son produit ces dernières années avec un rendement qui a été réduit à 1,5 milliard d’euros en 2024, contre encore 2,3 milliards d’euros l’année précédente (avec 61 % pour le bloc communal, 36 % pour les départements et 3 % pour la région Île-de-France). 

Et la situation ne s’arrangerait pas en 2025 puisque son montant ne devrait s’établir qu’à environ 1 milliard d’euros. Soit « une baisse de 56 % » en deux ans, ont confirmé les sénateurs du Cantal et de la Haute-Vienne, Stéphane Sautarel (apparenté LR) et Isabelle Briquet (PS), lors de la présentation hier des conclusions de leurs travaux menés dans le cadre d’une mission flash. 

Pour les collectivités, « cet effondrement du rendement n’est pas une bonne nouvelle » puisque ce sont « plus de 1,5 milliard d’euros » qui n’auraient pas été collectés et reversés aux collectivités sur « la période 2024-2025 », a récemment dénoncé la Fédération nationale des CAUE. La forte baisse des montants qu’elles perçoivent contribue donc à « fragiliser leurs finances » et « le bloc communal est en train de beaucoup s’inquiéter », a souligné l’élue socialiste.

Mais, pour les CAUE, « la situation est véritablement critique », a-t-elle rappelé, ces structures étant « très dépendantes » de la taxe d'aménagement (elles sont presque intégralement financées par cette taxe que leur versent les départements). Elles risquent donc de « disparaître purement et simplement ».

Le CAUE de la Manche est déjà en cours de liquidation, celui de l’Orne est menacé de dissolution et plusieurs autres ont échoué à recourir à l’emprunt faute de banques qui suivent. Résultat, les plans de licenciement se multiplient dans ces structures, qui accompagnent gratuitement particuliers et collectivités, avec « 77 postes » supprimés entre début 2024 et mi-2025. 

Soutien financier aux départements

Les causes sont bien connues et ont déjà été documentées dans un précédent rapport de l’Assemblée nationale. Outre l’atonie de la construction qui reste « la première cause de la diminution du rendement de la taxe » et pour laquelle « nul n’a guère de prises », les deux sénateurs pointent « le report de la date d’exigibilité » de la taxe après le transfert sa gestion à la DGFiP (entraînant le décalage des encaissements et donc les reversements aux collectivités) ainsi que des problèmes dans la mise en oeuvre de la collecte dues à « l’outil informatique » et au manque de personnels.

Seulement, « revenir à l’ancienne date d’exigibilité après la délivrance de l'autorisation d'urbanisme, voire à l’ancien système de liquidation, serait une erreur », considère Stéphane Sauterel. Comment y remédier alors ? Les deux élus proposent deux ajustements « d’urgence » qui doivent intervenir « très rapidement », dès le projet de budget pour 2026, afin d’apporter « une réponse aux collectivités et aux CAUE ».

Premièrement, ils recommandent d’abaisser le seuil de surface de définition des « grands projets » (actuellement fixé à 5 000 m²) qui donne lieu au versement d’un acompte de taxe d’aménagement dans le but « d’accélérer le recouvrement des cotisations les plus significatives ».

Ensuite, ils suggèrent d’apporter un soutien financier « conséquent » aux départements les plus en difficultés afin de leur permettre de soutenir leur CAUE « par le biais de subventions, d’avances ou d’une garantie de ressources jusqu’au rétablissement du rendement de la taxe d’aménagement ». Dans cette logique, les sénateurs pourraient suivre les députés qui ont déjà validé le déblocage de 270 millions d’euros pour les conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement dans le cadre de l’examen du budget 2026 en commission. Mais rien n’est définitivement acté. 

Des délais bientôt prescrits

En parallèle, les deux sénateurs demandent à la DGFiP de continuer à traiter en priorité les dossiers de liquidation de taxes d’urbanisme encore en instance « en fonction de leur montant absolu et de la part des recettes qu’elles représentent pour les collectivités bénéficiaires », ainsi que les dossiers dont le délai de reprise échoit fin 2025. « Quitte à taxer d’office les contribuables qui auraient omis de déclarer l’achèvement de leurs travaux puisque c’est l’une des difficultés identifiées », a défendu Stéphane Sauterel.

« On a du recouvrement en stock et certaines taxes ne pourront plus être recouvrées parce que les délais sont prescrits (la prescription est de 3 ans, ndlr). C’est pour cela, qu’il faut absolument que l’on arrive, dans l’urgence, à éviter que cela ne continue car c’est de la perte de financement très élevée », a prévenu Isabelle Briquet.

Dans ce cadre, la DGFiP a indiqué à la mission flash « avoir pris des mesures (...) en traitant en priorité les dossiers correspondant à des grands projets – dont les acomptes concentrent les enjeux financiers – et les dossiers anciens, afin d’assurer que les taxes dues soient bien recouvrées, au besoin au moyen de procédures de taxation d’office ». 

En outre, l’administration a créé « un groupe de travail afin d’échanger avec les élus locaux sur des pistes de simplification de la gestion des taxes d’urbanisme, notamment en harmonisant la définition des surfaces taxables pour l’ensemble des impôts fonciers ». Les rapporteurs considèrent, toutefois, que la Fédération nationale des CAUE devrait « également y être conviée ».

Parmi leurs autres recommandations, les deux sénateurs préconisent, à moyen terme, d’« engager une réflexion d’ensemble sur la gouvernance et le financement des solutions d’ingénierie en faveur des collectivités territoriales (notamment l’articulation entre les CAUE et les agences départementales) et, plus largement, sur le financement des services publics locaux à l’heure de la sobriété foncière ».

Consulter le rapport.




Congrès de l'AMF
David Lisnard : « Les crises ont démontré la solidité de l'échelon communal »
À la veille du Congrès de l'AMF (qui se tiendra du 17 au 20 novembre), son président, David Lisnard, maire de Cannes et président de la communauté d'agglomération Cannes Lérins, plaide en faveur d'une réorganisation des pouvoirs publics fondée sur la liberté et la responsabilité locale. L'État doit, selon lui, garantir l'autonomie financière et fiscale des collectivités, et confier un pouvoir règlementaire aux élus.

[Interview parue initialement sur le site de Maires de France.]

Le thème du 107e Congrès de l’AMF est « Pour les communes : liberté ! » Ces libertés sont-elles menacées ?

Ce n’est pas une menace mais une réalité : les libertés locales se réduisent. Les collectivités sont confrontées à de plus en plus de contraintes, de procédures obligatoires, de prélèvements financiers de l’État, d’entraves à l’action, de complication et de codification de la décision publique. Ceci, au détriment de l’efficacité de l’action publique, du service rendu à l’usager et du coût facturé au contribuable. Cela est vrai pour tout le système public : il y a plus de dépense publique qu’auparavant, plus de prélèvements obligatoires et des services publics défaillants – 20 % des services d’urgence hospitalière n’assurent pas la continuité du service, par exemple.

Le débat sur plus ou moins de moyens est un faux débat. La vraie question est « quelle est la qualité de l’organisation des pouvoirs publics qui peut nous permettre de défendre en même temps l’usager, le contribuable et l’agent du service public ? »  

Pourquoi sommes-nous dans cette situation ?

Cela est dû à la sur-administration qui est le fruit d’une sur-règlementation qui veut tout prévoir, tout encadrer, tout autoriser. Nous sommes passés d’un régime de liberté et de responsabilité à un principe d’autorisation préalable dans beaucoup de domaines. Tous les élus d’expérience vous le disent : aujourd’hui, le même projet est plus coûteux, plus compliqué et plus long à mener qu’il y a vingt ans.

Je note d’ailleurs que lorsque l’État est confronté aux règles qu’il nous impose, il s’en exonère et adopte des lois ­d’exception, comme ce fut le cas pour l’organisation des Jeux olympiques ou la reconstruction de Notre-Dame de Paris. Ce régime simplifié d’exception doit devenir le droit commun pour tous les décideurs, dont les collectivités.

Le Premier ministre veut engager un nouvel acte de décentralisation. Cela vous satisfait-il ?

L’AMF, dont la vocation est de promouvoir les libertés locales, se saisit de toute opportunité en faveur de la décentralisation. Encore faut-il que l’intention de décentraliser ne se traduise pas par de la recentralisation, comme cela a été le cas avec l’adoption de textes comme les lois Maptam [du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles] et NOTRe [du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République], qui ont consacré une approche centralisatrice, le culte des grands ensembles et créé de nouveaux échelons producteurs de normes.

André Laignel [premier vice-président délégué de l’AMF] et moi avons adressé un courrier au Premier ministre pour lui rappeler les principes structurants de la décentralisation au premier rang desquels la subsidiarité ascendante, la libre administration, l’autonomie financière et fiscale des collectivités. La réflexion doit s’engager sur ces bases et ne pas se polariser sur des transferts de compétences. Nous ne faisons pas de procès d’intention au chef du gouvernement. Nous attendons sa réponse. Nous sommes dans un esprit collaboratif et constructif. Cela ne nous empêche pas d’être lucides sur le contexte dans lequel l’exécutif nous propose cette réflexion.

Que voulez-vous dire ?

Il y a tout d’abord la réalité financière. L’État, affamé financièrement, cherche dans l’urgence des crédits pour présenter une feuille de route budgétaire acceptable sur le plan européen. Il y a donc un danger que, sous couvert de grands principes décentralisateurs, l’État transfère aux collectivités des missions, des compétences et des charges non financées. Cela, nous le refusons. Il est par ailleurs impossible aujourd’hui de porter un débat sur l’autonomie fiscale des collectivités, qui se traduirait par des impôts en plus pour les Français. Cela est impensable car nous avons le record des prélèvements obligatoires.

Un impôt universel local, comme l’AMF le propose, n’aurait de sens que si, parallèlement, il y avait une baisse de la fiscalité nationale, ce qui n’est pas le cas. Il y a aussi une réalité politique : l’absence de majorité parlementaire rend difficile toute vraie réforme structurelle – un nouvel acte de décentralisation, par exemple – qui nécessiterait, de surcroît, des évolutions constitutionnelles. Enfin, la réalité électorale : les élections municipales, peut-être des législatives voire une élection présidentielle anticipée. Un calendrier peu propice pour engager une telle réforme.

Le chantier a donc peu de chance d’aboutir ?

Ce contexte budgétaire, politique et électoral contraint ne facilitera pas la réalisation d’un nouvel acte de décentralisation. C’est pour cela que nous proposons à l’État de prendre une première mesure qui ne nécessite pas d’évolution constitutionnelle et serait une vraie révolution positive : transférer le pouvoir règlementaire – sauf dans le champ régalien – aux collectivités territoriales.

 Le gouvernement prévoit de nouveaux prélèvements financiers sur les collectivités en 2026. Faites-vous de leur suppression un préalable aux discussions ?
Si j’en faisais un préalable, nous claquerions tout de suite la porte. À chaque fois que l’État nous promet un nouvel acte de décentralisation, il procède dans le même temps à une recentralisation juridique et financière. C’est effectivement absurde. Les collectivités ont déjà largement participé à «l’effort de redressement des finances publiques ». Or, plus l’État nous ponctionne, plus il est en déficit ! Cela montre bien qu’un système hypercentralisé n’est pas performant.

Quel sera, dans ce contexte, la tonalité du 107e Congrès de l’AMF, à la mi-novembre ?

Au-delà de notre réprobation face à la recentralisation et aux mesures financières injustes qui pénalisent les collectivités, il s’agira, comme l’an dernier, d’un congrès d’alerte et de propositions. L’AMF tiendra un discours franc vis-à-vis de l’exécutif et apportera ses solutions. Il ne s’agit pas de défendre le pré-carré des élus, l’AMF ne représente pas une corporation. Elle est une institution utile au pays.  

Quand nous défendons la commune, la liberté et la responsabilité locale, nous le ­faisons car nous pensons que c’est bon pour les finances du pays, l’efficacité des services publics, les services offerts aux usagers. La crise démocratique que nous vivons est avant tout une crise de l’exécution et de l’impuissance publique. L’État ne peut plus tout faire et il doit s’appuyer sur les collectivités en les libérant.

Quel bilan tirez-vous du mandat 2020-2026 ?

C’est le mandat qui a démontré la solidité et la nécessité absolue de l’échelon communal, à travers sa capacité, malgré toutes les contraintes et difficultés, à répondre aux besoins des habitants lors des grandes crises sanitaire (le Covid-19), économiques (inflation, renchérissement des prix de l’énergie), sociales (les émeutes…) et politiques. «Les communes heureusement » – c’était le thème de notre Congrès l’an dernier – ont répondu présentes pendant ces six années. Les communes recousent le tissu social tous les jours, elles constituent un creuset républicain, un lieu d’unité locale et nationale où l’on essaie de lutter contre les replis identitaires, elles apportent tous les services de proximité aux habitants.    

Ce mandat est, dans le même temps, celui de la difficulté d’agir et de concrétiser des projets pour les raisons déjà évoquées, qui ont découragé les élus et, parfois, provoqué des tensions au sein des exécutifs municipaux. C’est aussi le mandat de l’hyper-exposition des élus à la violence et à l’incivisme de certains administrés. C’est enfin, logiquement, le mandat du record des démissions : en moyenne, une quarantaine de maires ont jeté l’éponge chaque mois, depuis 2020. C’est quatre fois plus par rapport au mandat de 2008 !

Craignez-vous une crise des vocations ?  

Il existe une force civique puissante en France. Nous avons 500 000 élus locaux dont l’immense majorité sont des bénévoles. C’est une chance et une ressource inestimable au quotidien. Beaucoup de jeunes s’engagent dans l’action caritative et humanitaire. Beaucoup cherchent un sens à leur vie et l’action locale peut y répondre. Beaucoup de retraités ont aussi envie de transmettre des choses. Il y a une vraie énergie à mobiliser.

En dépit de la complexité du mandat liée à la bureaucratie et à la difficulté d’agir, de l’insécurité juridique des élus, de la pression parfois violente d’habitants, la France est un pays qui a été capable, lors des dernières élections municipales, d’avoir un million de candidats. Nous verrons en mars prochain.

Que diriez-vous à un jeune pour l’inciter à s’engager ?

Je lui ferais part de la satisfaction et de la joie que procure le fait de servir, de l’honneur que l’on ressent d’être mandaté par ses concitoyens. Malgré toutes ses difficultés, l’action municipale a cela de magnifique qu’elle est incarnée, physique. Elle se vit de façon pleine et entière dans son terroir, sa localité, son village, sa ville, avec les habitants.

Exercer un mandat, c’est utile, c’est concret, c’est ce qui procure un sentiment de réussite sociale. La vie ne se vit pas uniquement derrière un écran, elle est faite de rencontres, d’échanges, d’humain, qu’il s’agisse de prendre en charge une situation de détresse ou de canaliser des énergies. Le mandat municipal est fantastique sur ce plan.

La réforme du statut de l’élu en cours de discussion comporte-t-elle des mesures suffisantes ?

Ce texte est important, il est nécessaire même s’il ne suffira pas à régler le problème des freins au pouvoir d’agir des maires. Mais il est impératif d’améliorer les conditions d’exercice du mandat. Il règle des problèmes qui, aujourd’hui, peuvent bloquer des vocations : la conciliation du mandat avec la vie étudiante, la vie professionnelle et la retraite, la vie de famille. Il faut aussi régler l’insécurité juridique des élus. Être honnête, précautionneux, compétent et bien entouré ne suffit pas aujourd’hui pour être à l’abri des ennuis juridiques, voire judiciaires.

Le problème repose notamment sur le délit de prise illégale d’intérêts qui est une qualification pénale très ambiguë, interprétative et, en cela, dangereuse car porteuse d’arbitraire.

Avec la mobilisation de l’AMF, des associations départementales de maires et des parlementaires, je ne doute pas que nous parviendrons à trouver le bon équilibre pour la liberté d’action des élus dans le respect de l’État de droit.




Outre-mer
Budget 2026 : les députés suppriment les coupes du gouvernement sur les aides aux entreprises ultramarines
Les députés redoutent que cette mesure n'entraîne une « véritable casse sociale » en Outre-mer. La ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, a de son côté réaffirmé que le gouvernement avait « entendu » les inquiétudes du monde économique.

Face à la levée de boucliers des élus et des acteurs économiques, les députés ont rejeté, hier dans l’hémicycle, à la quasi-unanimité, l’amputation d’un dispositif de défiscalisation dont bénéficient les entreprises ultramarines, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2026. Une décision qui arrive alors que les élus ultramarins se réuniront lundi à Paris, en ouverture du congrès des maires de France, pour une journée qui leur sera consacrée.

Difficile de faire plus unanime puisque l’Assemblée nationale a supprimé, par 242 voix contre 1, l’article 7 du projet de budget qui prévoit de réduire sensiblement l'aide fiscale accordée aux entreprises pour leurs investissements productifs. Comme l'avait déjà fait la commission des finances à la fin du mois d'octobre.

Empêcher une « véritable casse sociale » 

Pour « empêcher »  une « véritable casse sociale » et « un choc économique et social majeur », les députés socialistes, communistes, LFI, Liot, MoDem, RN et même Renaissance ont ainsi fait adopter des amendements similaires visant à tout simplement rejeter ces économies qui seraient faites « sur le dos des territoires ultramarins ».

Si elle passait, cette disposition du gouvernement amputerait « d’environ 300 à 400 millions d’euros par an (sur un volume d’aide de 1,226 milliard environ en 2023) », et « sans étude d’impact préalable sérieuse » le soutien accordé aux entreprises ultramarines, indiquent les différents amendements. Mais le gouvernement continue de s’interroger sur l’efficacité économique de ce dispositif et sur les nombreux cas d'abus documentés.

Reste que le Premier ministre avait lui-même reconnu, le mois dernier, que « l'effort demandé […] peut apparaître disproportionné », en réponse à un courrier des députés socialistes ultramarins dans lequel ils dénonçaient un « coup de rabot » annoncé de 750 millions d'euros sur les dispositifs de soutien aux entreprises.

Car, outre les 400 millions d'euros d’économies sur les dispositifs de défiscalisation sur l'investissement productif, les textes budgétaires prévoient aussi des coupes de 350 millions d'euros sur les exonérations de charges sociales spécifiques à l’Outre-mer (Lodeom). Mais celles-ci ont aussi été rejetées la semaine dernière par l'Assemblée nationale lors de l'examen du projet de budget de la Sécurité sociale. 

Le coût de la Lodeom a notamment grimpé ces dernières années pour atteindre 1,5 milliard d'euros en 2024, selon une étude de l'Inspection générale des finances (IGF). En octobre, le rapporteur du budget, Philippe Juvin, rappelait ainsi que « le coût des dépenses fiscales a augmenté de plus de 80 % en sept ans. La question, c’est pour quelle efficacité… Je crois que personne ne sait y répondre ».

Reste que les députés ont de nouveau dénoncé, hier, ce « coût de rabot », décidé « sans concertation avec les acteurs locaux », selon le député de Guyane Davy Rimane (Gauche Démocrate et Républicaine). « On s'engage à avoir des discussions pour parler d'évolutions futures » du dispositif, « mais pour l'année 2026, il n'est pas possible » d'appliquer ce que le gouvernement met en oeuvre, « sauf si on veut casser l'économie des territoires d'outre-mer », a-t-il souligné. 

Le gouvernement a des « échanges » avec la Fédération des entreprises d'Outre-mer (Fedom) - qui a d’ailleurs fustigé un budget « coup de massue » - afin d’« améliorer le dispositif et le recentrer », lui a répondu la ministre des Comptes publics Amélie de Montchalin, réaffirmant que le gouvernement avait « entendu » les inquiétudes du monde économique et que « la mesure n'était pas prête en l'état ». 







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