Édition du mardi 28 octobre 2025

Transition écologique
Transition écologique : le gouvernement va réduire ses financements et se défausse sur les autres acteurs
Comme l'exige la loi, le gouvernement a présenté, ce matin, sa Stratégie pluriannuelle des financements de la transition écologique. Ce document donne les orientations budgétaires du gouvernement pour les années à venir. Et la tendance est, clairement, à la baisse.

Le Code de l’énergie impose au gouvernement, depuis 2023, de remettre chaque année au Parlement, à la rentrée, « une stratégie pluriannuelle qui définit les financements de la transition écologique et de la politique énergétique nationale ». Même si le principe même de définir une stratégie « pluriannuelle » semble quelque peu lunaire quand on se demande si la survie du gouvernement doit se compter en jours ou en semaines, celui-ci a bien été obligé de se plier à l’exercice. 

Appel au privé

D’autant que, depuis un an et l’installation du gouvernement Bayrou, il apparaît aux yeux de beaucoup d’acteurs que la transition écologique n’est plus au cœur des préoccupations gouvernementales. Pour autant, le rapport publié ce matin fait état de « progrès significatifs » réalisés ces dernières années, se traduisant notamment par « une baisse de 32,5 % » des émissions brutes de gaz à effet de serre par rapport à 1990. De 2000 à 2023, les émissions de particules fines PM2,5 ont « diminué de 56 % ». Autre exemple de progrès : les prélèvements d’eau potable sont passés de 100 à 81 mètres cubes par habitant en une vingtaine d’années. 

Malgré ces résultats encourageants – et même si le gouvernement reconnaît que les progrès ont tendance à ralentir depuis l’an dernier –, la France reste très loin des objectifs qu’elle s’est elle-même fixée et l’atteinte de ceux-ci, à l’horizon 2030 et 2050, est d’autant plus incertaine que la transition écologique semble faire les frais des restrictions budgétaires. 

Tout est fait, dans ce rapport, pour tenter de camoufler ce fait, mais il n’en reste pas moins indéniable : les financements de l’État pour la transition écologique sont et seront en baisse. Le gouvernement propose de se tourner davantage vers l’investissement privé : « En situation de finances publiques contraintes, le choc d’investissements nécessaire à la décarbonation du patrimoine public incite à mobiliser des fonds privés pour la décarbonation du patrimoine public. » Et comme les financements privés ne se mobilisent pas à des fins philanthropiques mais pour dégager du profit, l’État doit recentrer ses financements vers « les investissements perçus comme non rentables ». 

Quand l’État veut limiter ses efforts

Le document fait le point sur les mesures budgétaires proposées dans le cadre du projet de loi de finances pour 2026 – ce qu’il faut, là encore, prendre avec des pincettes dans la mesure où ce texte subit un détricotage en règle, en ce moment même, à l’Assemblée nationale. Parmi ces mesures : la suppression du taux réduit de TVA pour l’achat et l’installation de chaudières à gaz, censée « promouvoir les choix de chauffage bas-carbone » ; l’augmentation de la taxe sur les billets d’avion ; le renforcement du malus sur les véhicules polluants ; ou encore une nouvelle « taxe incitative au verdissement des flottes de véhicules professionnels ». On notera que toutes ces mesures ne coûtent pas un centime à l’État, bien au contraire : elles visent à faire financer une partie de la transition écologique par les contribuables eux-mêmes.

Du côté des dépenses de l’État, la tendance est nettement à la baisse. L’exemple le plus évident est le Fonds vert : avec un certain art de l’euphémisme, le gouvernement explique que celui-ci a été « reconduit en améliorant le ciblage des projets accompagnés », ce qui est plus élégant que de dire que son montant a été divisé par quatre en quelques années. Le Fonds vert, qui s’élevait à 2,5 milliards d’euros en 2023, a fondu plus vite que la banquise pour atteindre, dans le projet de loi de finances pour 2026, 650 millions d’euros. « L’amélioration » n’est pas perceptible. 

MaPrime’Renov ne se porte pas mieux, avec des crédits qui passeraient de 2,1 à 1,5 milliard d’euros, le gouvernement pariant sur le dispositif des certificats d’économies d’énergie pour combler la différence.  Seul le budget du Fonds chaleur reste stable, à 800 millions d’euros. 

En réalité, le gouvernement ne s’en cache pas : il compte sur les autres acteurs (entreprises, ménages, collectivités) pour financer la transition écologique. Alors que les besoins d’investissements supplémentaires pour décarboner l’économie sont estimés à 82 milliards d’euros d’ici à 2030, l’État n’en financerait que 13, soit 16 %. Si le projet de budget pour 2026 prévoit bien une hausse de 3 milliards d’euros des dépenses de l’État et de ses opérateurs l’année prochaine – essentiellement destinés à soutenir les énergies renouvelables –, il est clairement indiqué qu’après 2026, ces crédits seront gelés et n’augmenteront plus. 

On se rappelle que dans son rapport élaboré en 2023 sur le financement de la transition écologique, Jean Pisani-Ferry avait chiffré à 70 milliards d’euros les investissements devant être consentis, d’ici à 2030, par le secteur public (État et collectivités). Si l’État ne veut apporter que 13 milliards, cela laisserait 57 milliards d’euros à débourser pour les collectivités. L’équation semble parfaitement intenable.

9 milliards d’investissement pour les collectivités

Pour ce qui concerne les collectivités, justement, le document publié par le gouvernement estime à « 9 milliards d’euros » les dépenses et subventions qu’elles ont consacré à des investissements pour la décarbonation en 2023, ce qui représente « 15 % de leurs dépenses d’investissement totales ». Ces dépenses sont très variées : elles vont des subventions des régions à la SNCF, pour la modernisation des infrastructures TER par exemple, à l’aménagement de pistes cyclables par des communes ou à la rénovation énergétique des bâtiments publics. Les collectivités financent également des projets d’énergies renouvelables, des réseaux de chaleur et de froid, la gestion d’un l’éclairage public plus efficient.

Selon le gouvernement, les dépenses des collectivités consacrées à la décarbonation ont augmenté de 44 % entre 2017 et 2022. 

Pour ce qui concerne l’avenir, on peut lire entre les lignes du document gouvernemental que les collectivités devront faire mieux avec moins – en tout cas moins de subventions et d’aides de l’État. Tout en rappelant que « les collectivités s’administrent librement », le gouvernement leur prodigue quelques conseils pour jouer « leur rôle de premier plan » dans le financement de la décarbonation : trouver des fonds en « réduisant les dépenses de fonctionnement », « mettre en cohérence (leurs) plans d’investissements pluriannuels avec les objectifs climatiques », s’appuyer sur les partenariats public-privé, emprunter ou émettre des « obligations vertes ». 

Les collectivités sont donc de plus en plus incitées à ne pas compter sur le soutien de l’État non seulement pour lutter contre le réchauffement climatique mais même, plus prosaïquement, pour atteindre les objectifs des normes fixées par l’État lui-même… sans en assurer le financement. 

Le gouvernement a clairement décidé de réduire sa part dans le financement de la transition écologique. Et de se défausser sur les autres acteurs – dont les collectivités et les ménages – qui en ont, pourtant, de moins en moins les moyens.




Budget de l'état
Budget 2026 : les députés revoient le mode de compensation de la CVAE, au profit des collectivités
Afin de ne « pas pénaliser injustement les collectivités », l'Assemblée a décidé hier d'exclure les années « covid » du calcul de la compensation mise en place après la suppression partielle en 2023 de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Dans la foulée, les députés ont avancé la suppression progressive – en trois ans d'ici 2028 – de la partie restante de cet impôt.

Alors que les tractations continuent d’aller bon train sur le projet de loi de finances (PLF) pour 2026, les députés ont vu le calendrier d’examen du texte être bouleversé et ont dû discuter en priorité, hier, des articles relatifs à la fiscalité des entreprises puisque le ministre de l’Économie, Roland Lescure, part en déplacement le reste de la semaine.

L’occasion pour eux d’adopter un amendement de LFI favorable aux finances des collectivités. Celui-ci exclurait les années « covid » du calcul de la compensation de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), un impôt dû par certaines entreprises qui devait initialement disparaître intégralement en 2024, après la suppression de sa première moitié en 2023. 

Une compensation « faussée » 

Un mode de calcul que la députée LFI de la Haute-Garonne, Anne Stambach-Terrenoir, a qualifié d’« arnaque complète » dans l’hémicycle, avant de dénoncer une réforme qui « ne profite qu’aux plus grandes entreprises » aux dépens de la « trésorerie des collectivités [qui] n’a jamais été aussi faible ».

Afin de « ne pas pénaliser injustement » ces dernières, l’Assemblée a donc choisi de ne pas retenir « les années 2021 et 2022 » dans la moyenne actuellement utilisée pour pallier leur perte de ressources – un autre amendement ne retenant que l’année 2023 a été, lui, rejeté. En effet, « ces exercices correspondent au produit de CVAE versée en 2020, année profondément marquée par la crise sanitaire […] qui a provoqué un effondrement temporaire de l’activité économique et une baisse mécanique des recettes fiscales des collectivités », explique le président de la commission des Finances, Éric Coquerel, dans son amendement, en estimant que « le maintien de ces années dans le calcul fausse la compensation en la minorant artificiellement, au détriment des communes, départements et régions ».

Les modalités choisies par le gouvernement d'Élisabeth Borne, à l'époque, avaient déjà été jugées « défavorables » par l’AMF – mais aussi les Départements de France – qui soulignait que « plus de 650 millions d’euros manqu[ai]ent à l’appel » pour l’année 2023. Les maires reprochaient, en effet, le mode de calcul de cette compensation, basé sur les recettes perçues par les communes, les intercommunalités et les départements durant les années 2020, 2021, 2022 et 2023 et qui « pénalis[ait] clairement les communes et leur intercommunalité ». Ils proposaient notamment que « l’année 2021, qui a enregistré une baisse exceptionnelle de la CVAE en raison de la crise sanitaire, [soit] exclue de ce calcul ».  

Suppression totale avancée en 2028

Comme le gouvernement, le rapporteur général du budget, Philippe Juvin (LR) a tenté, en vain, de s’opposer à cette modification du calcul et de balayer ces arguments. Étant donné que cet impôt « fluctue au fur et à mesure des années […] il faut le prendre sur un cycle sinon ça n’a pas de sens », a-t-il fait valoir, rappelant au passage que « la CVAE est une recette qui n’est pas en relation avec l’activité des entreprises » et n’est donc « pas vertueuse ». Pour preuve, selon lui, « l’année du covid, en 2020, la CVAE a rapporté 19,5 milliards d’euros alors que l’année précédente, en 2019, c’était simplement 18,9 milliards », le député des Hauts-de-Seine ne précisant pas le rendement de 2021 qui « avait déjà perdu la [part réservée aux] régions ».

Dans ce contexte, les députés ont décidé d’avancer à 2028 la suppression progressive des quelque 4 milliards d’euros restants de CVAE, dont un tiers dès 2026. Bien que les collectivités soient à l'origine les principales victimes de la suppression de cet impôt, il faut rappeler que l'État avait déjà décidé de compenser à ces dernières la totalité de la CVAE, et non pas seulement la part supprimée en 2023. Seul le budget de l'État sera donc impacté si la baisse de la CVAE est définitivement actée dans le budget 2026.

À noter que l’Assemblée nationale a aussi approuvé un amendement du gouvernement, déposé au tout dernier moment, visant à alourdir la surtaxe sur les bénéfices des entreprises par rapport à la copie initiale du budget, tout en allégeant la charge sur les entreprises de taille intermédiaire. Une disposition qui ferait passer le rendement de la taxe à 6 milliards d'euros, contre 4 milliards d'euros prévus dans le projet initial (et 8 milliards en 2025). 

QPV : les exonérations fiscales prolongées

Les députés ont également voté l’article du projet de budget qui prolonge les exonérations fiscales pour les entreprises implantées dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), « conformément aux orientations » du Comité interministériel des villes qui s’est tenu en juin dernier.

Ces aides fiscales, qui devaient prendre fin cette année, seraient ainsi prolongées jusqu’à la fin de 2030 pour « toutes les créations ou reprises d’entreprises ». Il est également prévu d’unifier ces exonérations autour d’un zonage unique en étendant « les exonérations applicables en matière d’impôts locaux en faveur des entreprises à l’impôt sur les bénéfices ».

De plus, les activités éligibles aux exonérations en QPV sont étendues aux « activités artisanales et de santé » – et non plus aux seules activités commerciales – afin de « renforcer l’accès aux soins des habitants de ces quartiers et de favoriser la transmission des entreprises artisanales, y compris dans les QPV situés en outre-mer ».

Bail réel solidaire, PTZ, débroussaillement… 

Par ailleurs, plusieurs amendements visant à « accompagner le déploiement du bail réel solidaire » (BRS) ont été adoptés afin de permettre aux acquéreurs successifs d’un tel logement de « pouvoir mobiliser un prêt à taux zéro » (PTZ).

Sur ce sujet, l’USH a dénoncé, hier, un autre amendement déposé par les députés Renaissance Daniel Labaronne et Gabriel Attal qui viserait à augmenter le plafond d’éligibilité au BRS en l’ouvrant à « plus de 90 % de la population » et lui ôtant « son caractère social ». Selon la fédération des bailleurs sociaux, cela porterait « un coup fatal » au bail réel solidaire puisque ce déplafonnement « ouvrirait la porte à la suppression par Bercy des avantages consentis à la production d’un BRS qui n’aurait plus rien de social », tel que « la TVA à 5,5% », « les prêts bonifiés de très long terme » ou encore « les soutiens forts d’un certain nombre de collectivités territoriales ».

Pour le reste, les députés ont voté plusieurs amendements augmentant les plafonds d’opération du PTZ, permettant aux sociétés publiques locales (SPL) de bénéficier du mécénat culturel en étendant le régime fiscal des dons ou encore adaptant le dispositif des dons alimentaires. 

Ils ont également validé une aide aux particuliers soumis aux obligations légales de débroussaillement, « essentielles à la prévention des incendies et à la sécurité civile ». « Face à des travaux de plus en plus coûteux, notamment la coupe d’arbres », ils ont voté la création d’un crédit d’impôt « restituable » pour les ménages non imposables.  

En parallèle, les députés ont largement rejeté, hier en commission, la surtaxe sur les mutuelles prévue par le gouvernement pour financer une partie de la suspension de la réforme des retraites, estimant qu’elle ferait inévitablement peser l’effort sur les malades. Un vote qui s’est fait, cette fois, dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2026.
 




Nouvelle-Calédonie
Nouvelle-Calédonie : le report des élections provinciales acté en commission mixte paritaire
Après que le projet de loi reportant les élections provinciales à la fin du mois de juin eut été rejeté par l'Assemblée nationale, dans des conditions encore une fois ubuesques, sénateurs et députés ont adopté, en commission mixte paritaire, le texte. Il sera définitivement adopté aujourd'hui et demain à l'Assemblée nationale et au Sénat.

Les élections provinciales en Nouvelle-Calédonie, qui permettent notamment d’élire les membres du Congrès, devaient se tenir avant le 30 novembre, après déjà deux reports consécutifs. Ce sera, selon toute vraisemblance, à l’été prochain, un troisième report ayant été acté en commission mixte paritaire (CMP), hier. 

Obstruction et motion de rejet

Alors que ce bref texte (trois articles actant le report « au plus tard le 28 juin 2026 » et prorogeant les mandats des élus jusque-là) avait facilement été adopté au Sénat (lire Maire info du 15 octobre), les choses ont été bien plus compliquées à l’Assemblée nationale, mercredi dernier. 

En effet, La France insoumise et le groupe communiste, très opposés à ce report, avaient déposé pas moins de 1 671 amendements sur un texte comptant très exactement 18 lignes. Bien que les députés LFI s’en défendent, il est difficile de ne pas voir une volonté d’obstruction dans ce nombre d’amendements – surtout lorsqu’on en regarde la liste. Ainsi, LFI a déposé un amendement pour demander que l’expression « les élections ont lieu au plus tard le 28 juin 2026 » par « sont fixées au plus tard le 28 juin 2026 », un autre pour proposer « interviennent », un autre suggérant « sont organisées », etc. Une série d’amendements proposait des dates alternatives pour la tenue de l’élection – un amendement par jour du calendrier. 

L’examen de ces amendements aurait demandé des dizaines d’heures de débat, ce qui a conduit les députés macronistes à déposer une motion de rejet préalable… sur un texte déposé par leur propre gouvernement. Objectif : rejeter d’emblée le texte sans discussion et aller à la CMP. Cette manœuvre consistant à demander le rejet de ses propres textes avait, rappelons-le, déjà été utilisée par le « bloc central » lors de l’examen de la très contestée proposition de loi Duplomb (lire Maire info du 26 mai). 

Comme l’ont assez bien expliqué plusieurs députés, ni l’une ni l’autre de ces manœuvres ne sont très satisfaisantes du point de vue démocratique : « L’examen de 1 600 amendements aurait empêché le débat ; une motion de rejet préalable l’empêchera également, et c’est regrettable », a résumé le socialiste Arthur Delaporte. 

« L’accord » de Bougival contesté

Mais au-delà des manœuvres, la discussion qui a précédé ce vote de la motion de rejet a permis de faire émerger les points cruciaux du débat : est-il admissible de reporter, pour la troisième fois, un scrutin, conduisant à ce que des élus exercent leur mandat pendant plus de sept ans ? À l’inverse, y a-t-il un autre choix, alors que les positions sont totalement bloquées entre indépendantistes qui demandent le maintien du gel de la liste électorale, et les loyalistes qui exigent le dégel ? 

Paul Molac, pour le groupe Liot, a parfaitement résumé le problème en disant au gouvernement : « Il est loin d’être certain que vous parveniez, d’ici juin prochain, à obtenir une révision constitutionnelle, une loi organique et un référendum qui permettraient, éventuellement, de régler le problème. » Autrement dit, ce troisième report pourrait n’être… qu’un prélude à un quatrième.

Le fameux « accord » de Bougival a, lui aussi, été au centre des interventions. Avec, d’un côté le député macroniste néo-calédonien Nicolas Metzdorf qui a affirmé que cet accord a permis « d’avancer comme personne ne l’avait fait depuis sept ans ». « S’il faut encore prendre le temps de rediscuter, d’amender, de préciser afin qu’un maximum de personnes adhèrent à l’accord de Bougival – ou à un accord consensuel, quel qu’il soit –, alors, prenons ce temps. » De l’autre côté, le député kanak Emmanuel Tjibaou a rejeté même – comme le fait le FLNKS – le terme d'« accord » : « Nous avons signé un document qui nous a été présenté comme un projet d’accord. À quel titre voudrait-on maintenant mettre sur la table une proposition de report des élections provinciales qui reviendrait à considérer cet accord comme acquis ? Il a été publié au Journal officiel sans la mention des signataires et sans que ne soit mentionnée sa nature de projet ! ».

À l’issue de ce débat, la motion de rejet préalable a été adoptée par 257 voix contre 105. Elle a été soutenue par le bloc central, Les Républicains, le RN et ses alliés ciottistes, tandis que LFI, les communistes et les écologistes ont voté contre. Les socialistes se sont majoritairement abstenus, tandis que le groupe Liot s’est divisé entre pour, contre et abstentions.

CMP conclusive

Conséquence directe de ce rejet : le texte est allé directement à la CMP, qui s’est réunie hier. Cette CMP a été conclusive, et a acté le report des élections à l’été prochain, comme on peut le lire dans le texte publié ce jour en fin de matinée

Si le texte de la proposition de loi n'a pas changé, le titre a été modifié, afin de faire « un geste d'apaisement » : le texte adopté par le Sénat était intitulé « Proposition de loi organique (...) visant à reporter le renouvellement général des membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie afin de permettre la poursuite de la discussion sur l'accord du 12 juillet 2025 et sa mise en œuvre ». Celui de la CMP ne fait plus mention de l’accord de Bougival : dans le titre, le report viserait désormais à « permettre la poursuite de la discussion, en vue d'un accord consensuel sur l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie ». Cette concession ne suffira sans doute pas, toutefois, à apaiser les adversaires du report.

Le texte de la CMP sera examiné dès aujourd’hui par l’Assemblée nationale, et demain par le Sénat. Pour les partisans du report, le temps presse : si les élections devaient avoir lieu le 30 novembre, le décret de convocation des électeurs devrait être publié dans les tous prochains jours.




Aménagement du territoire
Présence postale : la CSNP appelle au maintien des 17 000 points de contact La Poste
Alors que Marie-Ange Debon vient d'être nommée présidente de La Poste, la Commission supérieure du numérique et des postes (CSNP) publie un avis sur l'avenir des missions de service public confiées au groupe. Points de contact, distribution du courrier, compensation financière de l'État : les préoccupations sont nombreuses.

« Il est essentiel de mener une réflexion sur les besoins de nos concitoyens, à court terme mais surtout sur leurs besoins à l'horizon de 10 à 15 ans », selon les membres de la Commission supérieure du numérique et des postes (CSNP) qui formulent, dans un avis publié vendredi, une dizaine de recommandations concernant les missions de service public de La Poste (service universel postal, aménagement et développement du territoire ; accessibilité bancaire et transport et distribution de la presse).

Alors que le mandat du groupe La Poste pour assurer le service universel postal a été reconduit pour dix ans par un décret publié au Journal officiel au mois de juillet, et que Marie-Ange Debon a été nommée à sa tête la semaine dernière, la CSNP invite à rouvrir le débat autour de la pérennité du service universel postal et des missions de service public assurées par La Poste.

Distribution et points de contact 

« Une nécessité absolue » : la CSNP appelle dans un premier temps au maintien de la présence postale territoriale. Dans un contexte où le volume de courrier en France a drastiquement chuté, passant de 18 milliards de lettres envoyées en 2018 à 6 milliards en 2023, les élus locaux s’inquiètent d’une réduction du maillage territorial dans les petites communes.

Les membres de la CSNP constatnt au mois de décembre 2024 16 896 points de contact au total dont 6 606 véritables bureaux de poste, 10 290 points de contact partenaires et 7 153 agences communales et 3 137 points partenaires. Rappelons pourtant que ces points de contacts physiques sont garantis par la loi. Au 30 septembre 2025, le maillage postal comportait 17 224 points de contact. 

« Les membres de la CSNP se prononcent en faveur du maintien du nombre de bureaux de poste tenus en propre par La Poste, notamment en zone rurale et dans les quartiers prioritaires de la ville, peut-on lire dans l’avis. L’argument de l’absence ou de la trop faible fréquentation de ces bureaux de poste doit être apprécié à l’aune d’une plus grande complémentarité avec les réseaux de service public, avec les Maisons France service notamment. »

Concernant la distribution du courrier, la CSNP est favorable au maintien des tournées du courrier 6 jours sur 7. Cette prise de position va à l’encontre d’un rapport publié par la Cour des comptes en début d’année 2025 qui préconisait de revoir la fréquence de distribution du courrier, soulignant les difficultés financières du service universel postal de La Poste. Les parlementaires estiment cependant de leur côté que ce maintien des tournées est nécessaire « pour une distribution satisfaisante de la presse quotidienne » et pour « adosser sur ces tournées des missions liées aux services à la personne (distribution de médicaments, veiller sur mes parents) ». Ils estiment surtout « qu’il n’est pas avéré que la réduction de la tournée à 5 jours sur 7 générerait une réduction significative des coûts fixes. »

Autre sujet qui n’a pas été abordé par la CSNP mais qui préoccupe les maires : il a été annoncé en 2024 que La Poste allait, dès janvier 2025, entamer un chantier pour réduire progressivement le nombre de boîtes aux lettres jaunes dans les territoires et dont l'implantation remonte aux années 1960 (lire Maire info du 3 octobre). SI les maires ne sont pas contre par principe la suppression de certaines boîtes, ils estiment que ces suppressions doivent se faire en concertation avec les élus.

Compensation insuffisante 

Depuis sa création en 2008, le contrat de présence postale (signé entre La Poste, l’État et l’AMF) fixe le cadre de contribution de La Poste pour « contribuer à la mission d’aménagement et au développement du territoire », adapter son réseau composé de 17 000 points de contact « pour répondre aux besoins des populations desservies » , et pour « associer les commissions départementales de présence postale territoriale (CDPPT) aux orientations et aux travaux de l’Observatoire national de la présence postale ». 

« Pour le contrat 2023-2025, le fonds de péréquation bénéficie d’une dotation maximale annuelle de 177 millions d'euros, abondée à hauteur de 174 millions d’euros par l’État, soit 522 millions d’euros sur la période du contrat », rappellent les auteurs de l’avis. D’ailleurs, ce contrat qui devait s’achever fin 2025, sera prolongé jusqu’à fin 2026, en raison de l’absence de présidence du groupe à l'été. 

Si aujourd’hui le fonds de péréquation bénéficie d’une dotation maximale annuelle de 174 millions d'euros dont le montant n’a pas évolué depuis 2019,  ce montant ne permet pas de couvrir l’intégralité du coût net de la mission d’aménagement du territoire évalué à 322 millions d’euros pour l’année 2023 par l’Arcep.

Concernant enfin la mission de distribution et de transport de la presse, la CSNP estime qu’elle est largement sous-compensée et considère « qu’il y a urgence » à faire adopter « une loi postale plus globale pour équilibrer cette mission en mobilisant davantage les grands groupes de presse dans le financement du postage ». 

Auditionnée par la commission des affaires économiques à l’Assemblée nationale, Marie-Ange Debon a également déploré la sous-compensation financière des missions de La Poste qui « pèse fortement sur les comptes de l’entreprise ». Ces difficultés financières interrogent la soutenabilité des missions de la Poste dans le temps et pourraient empêcher le groupe d’évoluer. Le périmètre des missions de service public de La Poste aurait pu s’élargir, comme le suggère la CSNP, en prenant en compte le service à la personne et les services de proximité aux personnes fragiles par exemple. Au vu du contexte budgétaire, pour La Poste, l’heure semble être davantage aux restrictions qu’à l’extension de ses missions. 




Numérique
Emmanuel Macron veut lancer un débat sur les menaces d'internet et des réseaux pour la démocratie
Le chef de l'État va lancer mardi un débat autour de l'impact des réseaux sociaux et d'internet sur la « déstructuration" du débat public et la démocratie, dans la perspective des prochaines élections, a annoncé lundi l'Elysée.

« On assiste à une montée en puissance des réseaux sociaux où l'émotion négative est plus virale que l'émotion qui est elle-même plus virale que l'argument », relève un conseiller présidentiel. « Au fond, on risque d'assister à une disparition de l'espace public, de l’Agora, avec un grand risque pour nos modèles démocratiques et républicain », avertit-il. Dans ce contexte, le chef de l'Etat « veut dans les mois à venir s'engager, pour créer les conditions d'un débat éclairé et apaisé », dit-il.

« L'idée c’est de faire vivre ce débat dans la société et à terme prendre des décisions sur toute une série de mesures », en faisant notamment appel aux quelque 200 experts mobilisés sur le sujet. Emmanuel Macron présidera ainsi mardi matin une réunion sur la « démocratie à l'épreuve des réseaux et des algorithmes » réunissant une douzaine d'acteurs impliqués sur cette question (associations, chercheurs, médecins, chefs d'entreprise…) afin d'engager un « mouvement au-delà de l’Élysée ». 

« Garant des institutions »

Seront notamment présents Gérald Bronner, professeur à La Sorbonne et président de la Commission du même nom sur les perturbations de la vie démocratique à l'ère numérique et Hugo Micheron, spécialiste des ingérences islamistes sur les réseaux. Mais aussi la pédiatre Sylvie Dieu-Osika, membre fondatrice du Collectif surexposition écrans,Grégoire Borst, professeur de neurosciences cognitives de l'éducation ou encore l'historien David Colon, spécialiste de la propagande et de la manipulation de masse. Le chef de l'Etat réunira ensuite dans l'après-midi un Conseil présidentiel pour la Science sur la santé mentale des jeunes, suivi d'un dîner avec des acteurs de la tech mondiale axé sur la régulation des réseaux, de l'intelligence artificielle (IA) et l'impact de ces technologies sur la « bonne santé du débat démocratique ».

Mercredi, il prendra la parole au Forum de la Paix à Paris sur la désinformation et les ingérences étrangères, au côté de la présidente moldave Maia Sandu, du président ghanéen John Dramani Mahama et du Premier ministre arménien Nikol Pachinian. Coïncidence judiciaire, huit hommes et deux femmes sont jugés depuis lundi à Paris pour cyberharcèlement à l'encontre de l'épouse du président, Brigitte Macron, cible d'une infox mondiale, largement relayée par les réseaux complotistes, selon laquelle elle serait une femme transgenre.

Le chef de l'Etat, contraint à plus de réserve sur la scène intérieure sur fond de crises politiques à répétition depuis la dissolution ratée de 2024, entend néanmoins continuer à se faire entendre et rester à la manoeuvre là où il le peut. « C'est son rôle de garant des institutions, des pouvoirs publics, de l'indépendance nationale de s'emparer ces sujets-là », justifie-t-on à l'Elysée. Il est ainsi « tout à fait dans le périmètre présidentiel tel que défini dans la Constitution ».

« Coalition européenne »

Emmanuel Macron a notamment en ligne de mire les municipales de mars 2026 et la présidentielle de 2027, sur lesquelles « beaucoup de risques peuvent peser », estime l'Elysée, en rappelant des cas récents en Roumanie ou Moldavie, avec des soupçons d'ingérence russe. Cela peut se traduire par de multiples formes de désinformation via des algorithmes ou des bots (comptes automatisés) qui instillent des débats erronés, tout cela dans le plus parfait anonymat, sans possibilité de remonter à la source.

Il n'entend pas non plus « préempter » les « véhicules » qui permettront de mettre en oeuvre les mesures décidées, assure-t-elle. Cela peut être « législatif, administratif, par décret" ou à l'échelle internationale », assure l'Elysée. « La palette d'outils est ouverte », insiste-t-on. Emmanuel Macron ambitionne notamment de créer une « coalition » avec d'autres chefs d'Etat et de gouvernement pour faire émerger une majorité numérique permettant d'accéder aux réseaux - fixée à 15 ans en France - au niveau européen.

La Grèce, l'Espagne, Chypre, la Slovénie et le Danemark se sont déjà inscrits dans le mouvement, selon l'Elysée. « Il est possible d'obliger les plateformes à vérifier l'âge des utilisateurs. Nous sommes en train d'avancer sur les solutions techniques pour le faire. Et nous allons essayer de faire converger tout le monde », a assuré jeudi Emmanuel Macron à l'issue d'un Conseil européen à Bruxelles.







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